Cité comme commanditaire d’un crime avec ablation d’organes à Booué, Rigobert Ikambouayat Ndeka, directeur général de l’Office des ports et rades (Oprag), savoure une première victoire et a tourné une page de la série qui s’écrivait autour de son nom : il a été blanchi, à Makokou, par la Cour criminelle ordinaire foraine. Me Moubeyi Bouale, son avocat, estime qu’il n’a jamais été inculpé et ne peut donc pas être blanchi.
L’affaire portant assassinat du jeune Ferdinand Kangoué qui avait subi l’ablation de ses organes génitaux et de son cœur, à Booué dans le département de la Lopé (Ogooué-Ivindo) fin-2010, est arrivée à son épilogue : Rigobert Ikambouayat Ndeka, directeur général de l’Office des ports et rades du Gabon (OPRAG) et ancien ministre délégué à la Communication, qui avait reçu un mandat de comparution au tribunal de Makokou autour du 20 juin dernier, a bénéficié d’un non-lieu.
Il se trouve en effet que les présumés coupables, Pierre Pibié, Paul Mbongoué et Madeleine Benga qui avaient, pour certains, cité Rigobert Ikambouayat Ndeka se sont totalement rétractés devant la Cour criminelle ordinaire foraine de Franceville qui jugeait l’affaire. L’hebdomadaire Echos du Nord, qui a relayé le procès dans sa livraison du lundi 22 juillet, indique que, devant un public médusé attendant certainement l’incarcération d’un baron du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), le tribunal n’a pu obtenir des personnes sus citées le moindre indice de ce qu’Ikambouyat Ndeka était l’instigateur de leur acte. Au terme d’une longue audience visant à obtenir d’eux cet aveu, Madeleine Benga et Pierre Pibié ont été reconnus coupables et condamnés à vie. Le tribunal qui a tenté une ultime question jouant sur la fibre du désespoir n’a pu obtenir l’aveu escompté.
Rigobert Ikambouayat Ndeka a donc été blanchi, pour reprendre l’expression d’Echos du Nord. Un terme que refuse énergiquement Me Moubéyi Bouale, avocat du DG de l’Oprag, joint au téléphone par Gabonreview, le lundi 22 juillet 2013 : «Monsieur Ikambouayat n’a jamais été ni inculpé ni entendu dans cette affaire-là parce qu’on l’avait appelé pour qu’il soit confronté aux personnes inculpées dans cette affaire. Il est allé se présenter mais il n’a jamais eu de confrontation. Ce qui veut dire que depuis le début de cette affaire, il n’a jamais été inculpé. Il n’a jamais été entendu ou confronté aux personnes inculpées. On est tous allés à Makokou pour qu’on l’entende, que l’on auditionne publiquement les personnes qui ont été impliquées dans cette affaire. Mais en aucun moment l’un des inculpés, même lorsqu’on les a accusé et indiqué qu’ils passeraient leur vie en prison, n’a cité M. Ikamboyat. Le mot blanchi est un non-sens par ce qu’il n’a jamais été inculpé.»
Ainsi qu’il l’a signifié à qui voulait l’entendre, Ikambouyat Ndeka et son avocat sont persuadés qu’il est là question d’une machination élaborée par quelques adversaires politiques de l’ancien ministre délégué à la Communication. «Pour moi il y a quelqu’un qui tire des ficelles. On s’est rendu compte qu’il s’agit certainement d’un règlement de compte politique. Parce qu’à partir du moment où la personne n’a pas été citée, et qu’on agit par supputations, on comprend aisément qu’il y a bien quelqu’un qui manipule les gens derrière», a presque martelé Me Moubéyi Bouale.
L’hebdomadaire Echos du nord laisse comprendre que le juge de cette affaire aurait été recruté par Pascal Désiré Missongo, tout comme le substitut du procureur, qui aurait également été recruté par le même Missongo et serait, dans la vie civile, le petit-frère du ministre Raphaël Ngazouzet. Le journal relève également que les membres de la famille de dame Madeleine Benga avaient été incités à citer le nom de Rigobert Ikambouayat Ndeka dans cette affaire.
Si Rigobert Ikambouayat Ndeka est hors de danger concernant l’affaire Ferdinand Kangoué, il est à rappeler qu’un autre procès l’attend à Lambaréné dans la province du Moyen-Ogooué et pour des faits quasi similaires à l’affaire Kangoué. En effet, là, il est encore cité comme commanditaire du meurtre avec prélèvement d’organes du transporteur Camerounais Amadou Yogno.
Ici, contrairement à la remarque de Me Moubeyi Bouale sur l’affaire jugée à Makokou, le DG de l’Oprag a été inculpé et la suite est vivement attendue. Sur cette seconde affaire, l’avocat brosse un schéma quasi semblable à celui de l’affaire Kangoué au tribunal de Makokou. «Nous sommes à Lambaréné depuis pratiquement trois mois, c’est toujours la même chose. Il n’a jamais été cité par les personnes qui étaient inculpées. Vous-vous rendez compte ? C’est-à-dire que les principaux supposés complices n’ont jamais cités Ikambouayat dans cette autre affaire. Ce sont les personnes qui ont été citées par ces personnes là qui citent Ikambouayat. Alors, j’ai fait une demande avec mes confrères qui sont dans le dossier que l’on soit confronté à ces personnes. On nous l’a refusé. On nous a refusé d’être confrontés aux personnes qui nous citent dans la procédure. Monsieur Ikambouayat souhaite être confronté à ses accusateurs. En tout cas, nous restons sereins parce que nous allons être blanchis comme l’ont dit vos collègues d’Echos du Nord et le moment venu nous allons nous retourner contre les personnes qui nous font ce mal. On va leur gâcher le sommeil», a promis l’avocat.