A l’approche des prochaines joutes électorales, le paysage politique gabonais laisse peu à peu apparaître un nouveau visage. Si de fortes déceptions sont désormais à prévoir au sein de certains partis, il est des hommes qui caressent le rêve, non plus de changement, mais de «rupture» avec de vielles pratiques souvent frauduleuses. Dieudonné Minlama de l’Observatoire national de la démocratie (OND) est de ceux-là. A l’heure où la biométrie est le principal sujet politique, l’homme a tenu à prévenir d’une énième tension sociale si rien n’est fait avant 2016.
Fraude électorale, biométrie, risque de tension sociale et refus de prendre part à une sorte de «magouille électorale», rien de positif ne se profile dans le paysage politique gabonais. En effet, les différents points sur lesquels Dieudonné Minlama Mintogo, président de l’Observatoire national de la démocratie (OND) est revenu, lors d’un entretien récemment accordé à l’hebdomadaire Echos du Nord, apparaissent comme une volonté des hommes politiques d’en finir avec les travers du passé, notamment de se prémunir des nombreuses difficultés politiques et sociales bien souvent observées à l’issue des élections dans le pays.
A cet effet, comme pour prévenir d’une éventuelle crise sociale au Gabon, Dieudonné Minlama Mintogo a tenu à rappeler que «L’histoire récente de notre continent nous enseigne que les élections mal organisées et non transparentes constituent les principaux facteurs de déstabilisation des pays et de la perte de la paix. Nous avons suffisamment d’exemples aujourd’hui pour comprendre qu’un pays qui s’est déstabilisé et dont les fils ont emprunté la voie de la violence non seulement paie un lourd tribut dans tous les domaines mais en plus éprouve des grosses difficultés à se remettre, à retrouver la stabilité et à recouvrer l’unité de ses fils et filles. Regardez la Cote d’Ivoire, la RCA, la RDC, le Kenya, le Zimbabwe», avant d’ajouter : «D’ailleurs depuis le retour de la démocratie, à chaque élection, notre pays est toujours passé à côté du chaos. C’est pour mettre un terme à cette situation et prévenir tout conflit malheureux que nous avons invité le peuple gabonais et les acteurs politiques à ne plus participer à une élection sans les gages de transparence en tête desquels la biométrie d’où le slogan : «Pas de Biométrie, pas d’élection !»».
Si pour Dieudonné Minlama, les autorités gabonaises, en tête desquelles Ali Bongo, ont une forte responsabilité dans le maintient de la paix et de la quiétude pour les populations gabonaises, il est donc nécessaire qu’elles s’atèle au plus vite, à la résolution de la question liée à la crédibilisation des élections qui, de mémoire, n’ont jamais connu un dénouement sans heurt en République gabonaise. Pour ce faire, indique Dieudonné Minlama, «Le Président de la République doit s’autoriser un «Droit d’inventaire global» sur cette période, ouvrir un dialogue avec ses compatriotes pour aboutir à des consensus forts. C’est sur la base de ces consensus que les réformes nécessaires pourront se faire […] pour que la suite du processus, qui ne se déroulera pas sans grincement de dents, se fasse sur une base forte, solide et républicaine» : un consensus que Minlama a eu du mal à nommer «Conférence nationale», laissant aux confrères le soin de lui donner la dénomination qui leur convient.
Aussi, le président de l’Observatoire national de la démocratie a évoqué la position plus ou moins difficile du Premier ministre, Raymond Ndong, ces derniers temps, et notamment l’appel à démission, à peine voilée du porte-parole de la Présidence, Alain Claude Billie Bi Nzé, à son endroit du chef du gouvernement. Pour Dieudonné Minlama, l’affaire n’a rien de surprenant : «Comme la plupart des observateurs de la vie politique gabonaise, je savais qu’une crise sans précédent couvait au sommet de l’Etat depuis quelques mois. Maintenant sur la forme j’étais loin de m’imaginer que les deux pans de l’exécutif allaient régler leurs comptes de façon aussi brutale et cruelle sur la place publique. Par contre sur le fond, je pense que la sortie de M. Billie Bi Nze n’a fait que confirmer ce que la majorité des gabonais pensent : l’incapacité de ce gouvernement à trouver des solutions efficientes aux préoccupations légitimes des gabonais». Même si, reconnaît-il, le problème est ailleurs et les difficultés rencontrées par le Gabon depuis ces dernières années ne peuvent êtres dus à l’incompétence d’un seul ministre, chef du gouvernement soit-il.
D’autant plus que l’histoire du pays est pavée de Premiers ministres, plus décriés les uns que les autres. «Sincèrement, je ne crois pas que le problème du Gabon ne se situe au niveau d’un premier Ministre ni même d’un gouvernement. Il n y a qu’à interroger l’histoire récente du pays pour s’en convaincre. En effet depuis 1990, à l’exception de Monsieur Casimir Oye Mba et du Docteur Paulin Obame Nguéma, tous les premiers ministres qui ont suivi et leurs gouvernements ont connu des fortunes diverses et peu enviables. Rappelez-vous de Monsieur Jean François Ntoutoume Emane avec son gouvernement de combat devenu très rapidement le gouvernement de «coma ». Souvenez-vous du Premier Ministre Jean Eyeghe Ndong malmené par une pléthore de roitelets et des pesanteurs de tous ordres. Que dire de Paul Biyoghé Mba avec son «retard utile ». Aujourd’hui c’est Raymond Ndong Sima qui se trouve à la tête d’un gouvernement transparent, aphone et décrié par tout le monde», a-t-il rappelé sous forme d’illustration pour ainsi conclure : «En définitive, le problème c’est l’héritage que nous laisse les quarante ans du système Bongo. Nous devons courageusement et méthodiquement solder cet héritage et repartir sur des nouvelles bases.»
Conscient de son rôle et de sa mission au sein de la société gabonaise, Dieudonné Minlama a exhorté «tous les gabonais en âge de voter à s’inscrire sur les listes électorales et à prendre une active au prochain processus électoral. Je demande aussi au Président de la République et au Gouvernement de prendre toutes les dispositions pour que les prochaines élections soient libres, démocratiques et transparentes». Et de rappeler aux Gabonais que «la démocratie est, aujourd’hui, le meilleur fonds de commerce pour attirer les investisseurs et la meilleure diplomatie pour le rayonnement d’un pays. Le choix de l’itinéraire de la récente visite du Président Barack Obama en Afrique ne s’est pas fait au hasard», puisque dit le leader associatif, «Au niveau où nous en sommes, il ne s’agit plus de changement mais de rupture».