Plus de 90% des terres rurales africaines ne sont pas enregistrées, indique un rapport de la Banque mondiale (BM), rendu public la semaine dernière. Une situation qui, selon l’institution financière, favoriserait l’accaparement illégal de celles-ci et leur expropriation sans dédommagement consistant par les Etats.
D’après un nouveau rapport de la Banque mondiale intitulé «Securing Africa’s land for shared prosperity» (Sécuriser les terres d’Afrique pour une prospérité partagée), publié le jeudi 22 juillet dernier, plus de 90 % des terres rurales agricoles du continent ne sont pas enregistrées. A cet effet, indique l’institution financière internationale, les Etats africains gagneraient à pallier cette malheureuse situation qui constitue un risque majeur pour leur économie et le développement du secteur agricole sur le continent. Ainsi, la Banque préconise de sécuriser ces terres dans l’objectif d’améliorer la production agricole de l’Afrique et assurer l’avenir des populations rurales, dans un continent ayant le taux de pauvreté le plus élevé au monde, avec 47,5 % de la population vivant avec moins de 1,25 dollars par jour.
Pour l’institution financière, les risques sont divers : ceux-ci peuvent notamment occasionner l’accaparement des terres non-enregistrées donc non reconnues officiellement par tout individu ou organisation quelconque, tandis que les populations vivant et travaillant sur ces terres s’exposent à des expropriations sans dédommagement. La situation implique donc que les autorités trouvent des politiques de modernisation du secteur au cours des prochaines années.
Le rapport indique à cet effet que les procédures qui régissent le droit foncier mondial et notamment la gestion des terres sont tributaires de ces mesures de sécurisation des espaces agricoles. Une modernisation des procédures du foncier contribuerait à révolutionner la production agricole, mettre fin à l’accaparement des terres, améliorer les perspectives de développement et venir à bout de l’extrême pauvreté sur le continent, estime le rapport. Un communiqué relatif au dit rapport, diffusé peu après sa divulgation, reconnaît à cet effet : «Avec seulement 10% des terres rurales enregistrés en Afrique, l’absence de gouvernance foncière fait que le transfert de propriété prend deux fois plus de temps et coûte deux fois plus cher par rapport aux pays industrialisés. De plus, la faible gouvernance est la cause principale de corruption dans le secteur foncier».
Pour tenter de palier la situation, des expériences pilotes ont été menées avec succès dans des pays comme le Ghana, le Malawi, le Mozambique, la Tanzanie et l’Ouganda. La Banque mondiale relève en outre que l’Afrique subsaharienne abrite près de la moitié de toutes les terres utilisables non cultivées du monde, un potentiel non négligeable, juge le rapport qui soutient que le continent, depuis de nombreuses années n’est pas parvenu à développer les 202 millions d’hectares de terres disponibles qui lui auraient permis de lutter efficacement contre la pauvreté afin générer de la croissance, créer des emplois et promouvoir une prospérité partagée.
Selon Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, «les pays africains, dans leur vaste majorité, utilisent les systèmes d’administration foncière dont ils ont hérité à l’indépendance, ainsi que des techniques d’arpentage et de cartographie qui sont désuètes. Il n’est guère surprenant que 10 % seulement des terres rurales en Afrique soient enregistrés. Les 90 % restants sont sans titre et sont administrés de manière informelle, et peuvent ainsi faire l’objet d’accaparement, d’expropriation sans compensation équitable et de corruption. Une fois de plus, ces conséquences pèsent le plus sur les agricultrices qui nourrissent souvent leur famille».