L’édile de la capitale gabonaise, Jean-François Ntoutoume Emane, est un grand bâtisseur. Il investit dans la pierre -c’est une bonne chose, et personne ne peut le lui reprocher- dans plusieurs quartiers de Libreville, et particulièrement dans le nord de Libreville, en face de La Sablière. Toutefois, on peut être surpris de voir qu’à côté de ces grands aménagements fonciers et immobiliers, les mairies d’arrondissement et même l’Hôtel de Ville demeurent dans un état de vétusté avancée.
Qui veut aller loin ménage sa monture, dit le proverbe. Jean-François Ntoutoume Emane n’a, semble-t-il, pas tenu compte de cette «maxime populaire» avant de vouloir solliciter un deuxième mandat aux électeurs de Libreville. Car, quand on voit comment son épouse, Marie-Yolande, et lui investissent dans la capitale, avec de grands complexes immobiliers, notamment à Agondjé, à Okala et face à La Sablière -à quelques dizaines de mètres du Carrefour Jiji- on est en droit de penser qu’il y a du «pognon» à l’Hôtel de Ville. Et en effet, selon des collaborateurs du directeur général des Finances et des Recettes et ceux du directeur général des Marchés municipaux -les deux directions les plus riches de la «maison» et où se recrute essentiellement la parentèle du maire- les marchés de Libreville rapportent «plusieurs millions de francs chaque jour».
Les marchés municipaux rapportent plusieurs millions de francs chaque jour
Qui ignore en effet que la mairie de Libreville perçoit de nombreuses taxes chaque jour dans tous les secteurs d’activités ? Les taxis «clandos», les bars, les épiceries, tous les commerces en réalité, paient des taxes au quotidien auprès des agents municipaux de l’Inspection générale municipale, de la Direction générale des marchés et de la Direction générale des Finances et des Recettes. Une lapalissade, les marchés municipaux, Mont-Bouët et Nkembo entre autres, rapportent journalièrement des millions de francs CFA à la mairie de Libreville. Mais où va tout cet argent ? De source interne à la mairie, une partie très infime est versée dans les caisses du Trésor Public, l’autre est remise sous forme de prime hebdomadaire aux responsables de la mairie, et une autre est détournée au profit de la «baronnie» municipale.
En tout cas, cet argent est rarement destiné au bien collectif. En dehors du bâtiment de bureaux qu’a fait construire l’équipe municipale actuelle, on voit bien que l’Hôtel de Ville est dans un état d’insalubrité indescriptible et de vétusté incompréhensible. Les parkings sont mal aménagés, des poubelles y trainent à longueur de journées. Mieux, l’accès et les ruelles à l’intérieur de l’Hôtel de Ville sont littéralement impraticables quand ils ne soumettent pas les visiteurs en voiture à un éprouvant slalom, du fait de la présence de «crevasses». Les Librevillois ne sont pas fiers de cet Hôtel de Ville avilissant, pour ses employés, et déshonorant pour tous les citadins.
Les Librevillois ne sont pas fiers de leur Hôtel de Ville
Les mairies d’arrondissement ne sont pas plus gaies. Une visite sur les lieux ne peut, en effet que laisser dans une profonde tristesse. En dehors de la mairie du 5e arrondissement qui a refait sa façade, mais où beaucoup reste à faire, les mairies d’arrondissements demeurent dans un dénuement total. Les conditions de vie et de travail y sont déplorables. Les agents de ces mairies vont chez l’habitant voisin pour avoir des toilettes propres. Les maires d’arrondissement et leurs adjoints n’ont pas été dotés en moyens roulants depuis cinq ans ! Un scandale, pourrait-on dire. Le constat est que la mairie de Libreville est riche, mais en dehors du Maire de la Commune et de ses proches, les agents vivent dans une forme de paupérisation et sont parfois obligés de piocher dans les recettes journalières issues des taxes payées par les commerçants.
Mais le Maire et sa famille investissent dans du lourd
En revanche, lorsqu’on regarde les investissements réalisés par Jean-François Ntoutoume Emane et sa famille, on se demande pourquoi ils ne mettent pas la même énergie pour faire de Libreville «une ville belle et conviviale», et pour transformer les mairies d’arrondissement en lieux agréables de vie et de travail. Ces mairies d’arrondissement ne sont pas dignes de la capitale d’un pays qui rêve d’émergence dans une douzaine d’années. «Sauf à nous faire savoir, affirme un ancien maire de Libreville rencontré à Ambowé, que l’Emergence n’est qu’un slogan, une utopie, et non quelque chose à concrétiser, la Mairie de Libreville mérite autre chose que ce qui s’y passe actuellement». Et d’ajouter, amer, «Il faut une équipe nourrie de grandes ambitions, et non de celle -plus prosaïque- de venir préparer une retraite dorée, comme c’est le cas aujourd’hui».