Que Paul Mba Abessole, leader du Rassemblement pour le Gabon (RPG), parti membre de la Majorité Républicaine pour l’Emergence, déclare que le Gabon «est bloqué» a de quoi surprendre ; son camp ayant pour habitude de dire que tout va bien. Malgré la relative véhémence de son discours, sa sortie du 6 août dernier, ne visait en réalité qu’à promouvoir l’enrôlement en cours pour la confection des listes électorales biométriques. Il n’en délivre pas moins quelques bonnes pistes pour combattre les crimes dits rituels.
Le 6 août dernier à la faveur d’un point presse donné à Libreville Mba Abessole a littéralement martelé que le Gabon est bloqué. Retrouvant sa verve légendaire et quelques couleurs de son blason d’opposant de jadis, son propos consistait à véhiculer son analyse de la situation politique, économique, sociale et culturelle du Gabon avant de déboucher sur ce qu’il a nommé «l’identification des problèmes» et la nécessité d’une mobilisation générale. Un texte ou des propos qui sonnent comme un appel à cette concertation de la classe politique que d’aucuns ont âprement sollicité et dénommé conférence nationale. Cette sortie de Paul Mba Abessole serait en effet tombé à propos s’il avait eu lieu dans le contexte où Ndemezo’o Obiang, René Radembino Coniquet, Zacharie Myboto et même Paul Biyoghé Mba insinuaient la nécessité pour la classe politique d’arrêter de se regarder en chiens de faïence et de se parler.
Indiquant que «le constat général de tous les gabonais est que notre pays est bloqué. Mais chacun prétend que ce n’est pas de sa faute si les choses sont ainsi. C’est toujours de la faute de l’autre qui est de la majorité ou de l’opposition», le patron du Rassemblement pour le Gabon (RPG) identifie et liste un certain nombre de problèmes que «tous voudraient résolus», selon son expression : «le mauvais fonctionnement de l’administration, des structures de l’Etat, les violations des droits humains, le tribalisme, l’éclatement des familles, le rejet des valeurs de référence, la perte de l’autorité, le laxisme, l’insécurité, l’ignorance, les détournements des fonds publics, la corruption, la division du pays en nord et sud, le règne absolu d’un parti politique qui se vante de son hégémonie».
Tout son propos est résumé dans cette introduction de l’ancien leader de l’opposition passé à la Majorité Républicaine pour l’Emergence dont il ne se démarque pas du tout pour ce qui est du processus, en cours, de l’enrôlement pour la constitution d’une liste électorale biométrique. Alors qu’abordant le volet politique de son analyse, Mba Abessole souligne qu’«on ne peut pas parler de système démocratique chez nous, aussi longtemps que tous les pouvoirs de l’Etat seront entre les mains d’un seul parti, comme c’est le cas actuellement. Réveillons-nous !», il assure que le processus de l’enrôlement biométrique comporte des ratés, mais il déplore les gens «à l’esprit négatif ne voient que les manquements de démarrage. A les entendre, on a l’impression qu’ils cherchent un prétexte pour ne pas se faire enrôler. Moi, je dis que j’accepte les ratés du commencement. Quoi qu’il en soit nous devons nous faire enrôler.» Ce qui sonne comme une réponse à l’Union des forces pour l’Alternance (UFA) et à l’Union du peuple gabonais qui ont demandé l’arrêt du processus en cours, pour violation de certains aspects déterminés de commun accord lors de la concertation de la classe politique autour du Premier ministre.
Pour un bon nombre d’observateur, la déclaration de Paul Mba Abessole ne se résume qu’à cet appel à l’enrôlement dont il décline d’ailleurs quatre raisons fondamentales justifiant la nécessité de s’y soumettre.
Pour le reste, l’analyse, par le leader du RPG, de la situation économique sonne plutôt comme une poursuite de sa lecture sociale des choses, puisqu’il s’attarde sur la corruption et se contente d’effleurer la notion de partage. Aucune véritablement analyse économique -ni micro, ni macro- n’est déclinée par celui qui aura été candidat à presque toutes les élections présidentielles du Gabon depuis 1990. On passera donc sur sa lecture de la situation sociale et de la situation culturelle, abordées dans la même veine et ne versant rien de nouveau au débat. De même, on fera l’économie de ce qu’il nomme «nécessité d’une mobilisation générale» qui n’est qu’appel pour la mobilisation au niveau du gouvernement, à une autre mobilisation au niveau des auxilliaires de l’administration et, pour le peuple, à «une éducation intensive»
On retiendra cependant que, si à l’expression «crime rituel», Mba Abessole préfère celui de «crimes de meurtre d’homme», le leader politique indique que «nous ferions mieux de prendre nos responsabilités, non pas pour recourir à une justice populaire qui serait une erreur très grave. Nous pourrions, avec les autorités publiques, organiser la prévention contre l’insécurité, notamment à Libreville. Comment ? Il faut d’abord créer une Police Municipale, précéder à un adressage des rues de notre capitale, à leur éclairage, au désenclavement des bas-quartiers, ensuite interdire les débits des boissons à des mineurs, exiger la fermeture effective des bars à une certaine heure.»
«Tout le monde attend ces mesures avec impatience», indique Paul Mba Abessole qui pense que «ce qui est indispensable, c’est de regarder dans la même direction. Il faut déterminer ensemble le contenu de ce que nous appelons notre Bien Commun». Il n’indique cependant pas comment définir ensemble cette direction, ce bien commun. Certainement par une concertation de la classe politique. Mais alors, conférence nationale, états généraux ou pas ? Rien n’a été lâché concernant le modus operandi de la définition de ce vivre ensemble et en harmonie.