Trois ans après une première publication sur son blog, le secrétaire politique de l’Union du peuple gabonais (UPG), Bruno Ben Moubamba, est revenu sur le dossier de la «mystérieuse» disparition du Colonel Jean-Marie Djoué Dabany à bord d’un hélicoptère des Forces armées gabonaises (FAG) en 1978 : une sombre affaire qui nécessite «le pardon du peuple gabonais» pour le bien-être du pays.
Publiant, le 6 juillet 2010, une sorte de pamphlet ayant pour but de ressusciter l’affaire et amener la réouverture du dossier, Bruno Ben Moubamba, alors candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2009, ressortait une vielle histoire : celle de la disparition du Colonel Djoué Dabany. Un tantinet provocateur, le texte de Ben Moubamba était alors titré «Mille raisons de vouloir changer le Gabon : quelques crimes du système Bongo de 1978 à 1982.»
Trois années après, l’homme remet l’affaire sur le tapis et implore cette fois «le nécessaire pardon du peuple gabonais» au regard de «tout ce que les artisans du mal ont commis comme délits (notamment les crimes contre les plus faibles de notre société)». Pour le secrétaire politique de l’UPG, si la vérité mérite d’être établie, le pardon est résolument nécessaire «pour que le Gabon ne soit plus soumis à la malédiction.» En effet, indique-t-il, «En relatant la disparition du Lieutenant-colonel-Major Djoué Dabany, je demande pardon à cette famille et à toutes les familles éprouvées du Gabon par ce trop plein de sang innocent qui a été versé pour rien ! Nelson Mandela en Afrique du sud a démontré que seules la Vérité et la Réconciliation peuvent garantir un avenir dans un pays où le Mal a sévi avec une grande vigueur. Le Pape Jean-Paul II a toujours dit qu’il faut offrir le pardon pour recevoir la paix. C’est la position que doivent adopter tous les nouveaux acteurs qui vont relever le Gabon de sa faillite morale qui empêche son essor vers la félicité, pour reprendre un mot de notre hymne national la Concorde.»
A cet effet, Ben Moubamba s’est-il senti «forcé», le 10 août dernier sur son blog, de revenir sur cette affaire, entourée jusqu’à ce jour d’un mystère opaque, en mettant en exergue les différentes versions et interprétations relatives la disparition du chef d’Etat-major Djoué Dabany. Si le rapport officiel de l’enquête relève que l’hélicoptère «Puma» SA 330 n°1329 immatriculé TR6KCF s’est crashé le 20 février 1978 avec à son bord six militaires Gabonais et quatre militaires Français, les raisons de sa disparition sont quant à elles toujours mal connues. L’on parle à l’époque d’anomalie technique bien que l’appareil ait subi au préalable une visite technique ainsi que l’affirme le rapport d’enquête établi par les agents des FAG en 1978. Pour Ben Moubamba, «plusieurs éléments restent flous et favorisent la malédiction gabonaise», d’autant plus que les raisons de la mission confiée au Chef d’Etat-major des forces terrestres et navales avant sa disparition ne sont jusque-là connues d’aucun Gabonais : un «secret d’Etat», semble-t-il.
Dans cette floraison de rumeurs, d’hypothèses et de déclarations plus improbables les unes que les autres, le secrétaire politique aime à rappeler les plus saugrenues. Dans un premier temps, de nombreux individus ont laissé penser à une fuite du défunt militaire avec une somme de 60 millions de francs CFA : «ridicule», juge Ben Moubamba. «En ce qui concerne les 60 millions de francs CFA à bord du PUMA de Djoué Dabany (une somme tout à fait habituelle lors des vols Libreville-Mvengue), il s’agissait de la paie de fonctionnaires gabonais. Les rumeurs selon lesquelles l’équipage aurait abandonné femmes et enfants pour raisons crapuleuses est naturellement ridicule au regard des montants et des tempéraments de l’équipage français notamment. Au mieux, chacun se serait retrouvé avec 7 ou 8 000 euros, ce qui ne justifie pas que l’on puisse s’évanouir dans la nature avec un butin aussi maigre.» Ben Moubamba ne tient cependant pas compte du fait que le franc français a laissé place depuis belle lurette à l’euro et qu’une dévaluation du franc CFA est passée par là.
L’intellectuel politique rappelle une autre hypothèse, encore plus improbable, faisant état d’un prétendu coup d’Etat conduit par des militaires Gabonais et Français et ayant pour mission de mettre à mal le pouvoir du Président Santoméen Da Costa : une «nouvelle thèse qui circule dans les milieux autorisés depuis quelques temps et qui devrait retenir l’attention des Gabonais et des amis du Gabon : Un Puma militaire gabonais s’est posé à Sao Tomé le 20 février 1978, avec à son bord un équipage et un instructeur parachutiste français, le chef d’état-major de l’Armée de terre et de la marine gabonaise, par ailleurs beau-frère du Président Bongo (si d’aventure il n’a pas été jeté aux requins au large de la Pointe Denis) et cinq paras gabonais. Il n’est pas certain que les autorités de Sao Tomé aient été informées au préalable. Les Cubains et les Soviétiques sautent sur l’occasion pour affaiblir les rebelles de l’enclave de Cabinda. Le Président Da Costa prétexte alors un coup d’Etat venu du Gabon pour demander de l’aide dans le cadre des accords de coopération signés le 19 février 1978. Dès le mois de mars 1978, soit immédiatement, 1000 hommes débarquent, et les soviétiques installent deux radars, Sao Tomé devient une base stratégique pour le bloc de l’Est. Dès lors, le Puma et son équipage deviennent plus qu’encombrants pour beaucoup de monde. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre toutes les opérations de diversion de l’époque : des recherches démesurées, l’expulsion des béninois que le Peuple Gabonais paie toujours de nos jours au sommet de l’Etat ou dans la gestion du pays, etc.)»
Et Bruno Ben Moubamba d’implorer à cet effet le «Pardon pour tout le mal qui t’a été fait dans le passé et dans ce présent que tu vis douloureusement. Je te demande pardon au nom de tous les miens mais aussi au nom de tous les acteurs. Non, nous ne sommes pas tous attirés par l’appât du gain et oui nous te demandons pardon pour tout ce sang versé inutilement sur la terre de nos ancêtres, pardon pour les meurtres, les mensonges, les vols, les offenses à Dieu, aux êtres humains ou aux ancêtres de tous les Gabonais», avant de conclure : «Que Dieu et les Gabonais nous pardonnent pour que le Gabon et les Gabonais sortent enfin du cycle d’une malédiction permanente.»