La classe politique gabonaise, de tous bords, a souhaité l’introduction de la biométrie dans le système électoral dans l’objectif d’obtenir plus de la transparence lors des scrutins. Or depuis le début de l’enrôlement en vue de la constitution du fichier électoral biométrique, certains états-majors de partis s’attèlent à transférer les populations vers des régions où ils tiennent résolument à remporter les élections.
Depuis le 30 juillet 2013, les opérations d’enrôlement sur les toutes premières listes électorales biométriques de l’histoire du Gabon battent leur plein sur l’ensemble du territoire national. Pendant ce temps, certains leaders politiques estiment que tout n’a pas été mis en œuvre pour une réelle réussite de cette opération et appellent à sa suspension. D’autres par contre sont depuis lors sur le terrain pour sensibiliser, expliquer et inviter les populations à se faire enrôler. Il s’agit pour ces derniers de présenter le bien-fondé de cette technologie censée réduire les tricheries et autres fraudes souvent à l’origine d’interminables contestations pendant et après les élections au Gabon.
Pour le moins, la sensibilisation des populations est louable, dans la mesure où les citoyens qui reçoivent ces messages se font enrôler sans aucune forme de pression, s’ils le désirent. Ce qui est par contre à déplorer, c’est ce transfert que certaines voix commencent à dénoncer. L’on remarque que certains politiciens acheminent par bus ou camions entiers des populations d’une zone à une autre pour les faire enrôler dans différentes circonscriptions électorales. On fausse ainsi les données de la répartition démographique du pays. Et pourtant, l’on a coutume de dire que «chaque Gabonais est partout chez lui sur le territoire national, notamment où il est né, vit et participe à la vie de la nation».
Avec la permanence de ces vieilles habitudes de transfèrement des populations, on pourrait déduire, de manière caricaturale, que l’obtention de la biométrie n’aura consisté qu’à cocher une check-list, elle n’aura consisté, comme on dit, qu’à remplir une formalité. Est-ce donc avec cette résurgence des vieux démons de la fraude que la démocratisation du Gabon progressera ? Surtout que cette attitude n’est rien d’autre que la matérialisation des notions d’ethnisme, de clanisme, de régionalisme et donc de tribalisme qui, de tout temps, créent du tort à des nations, à des peuples.
«A l’image de tous les pays démocratiques, le Gabon s’est résolument engagé sur la voie du pluralisme politique et entend y demeurer en veillant à ce que les élections qui constituent un gage de la démocratie, soient toujours organisées dans les conditions de transparence optimale et de sincérité. En l’espèce, l’année 2013 est une année électorale en ce qu’il doit être procédé dans les tout prochains mois au renouvellement du mandat des conseillers départementaux et des conseillers municipaux», déclarait le ministre de l’Intérieur, Jean-François Ndongou, à l’entame de ces opérations d’enrôlement.
Les dés sont déjà pipés avec ces transferts de futurs électeurs. Raison pour laquelle le ministère et le gouvernement entier devraient se mobiliser pour mettre un terme à ces pratiques qui entachent déjà l’introduction de la biométrie tant souhaitée dans le processus électoral gabonais.