Alors que la plupart des Gabonais pressentaient un boycott des prochaines élections locales par l’Union des forces pour l’alternance (UFA), cette coalition se réclamant de l’Opposition, déclare aller, sereine, aux urnes, invitant de ce fait leurs militants à faire de même «pour le bien du pays». Pierre Claver Maganga Moussavou, membre de l’UFA, décline ici ses raisons et donne sa vision du monde politique national à l’heure des préparatifs.
Gabonreview : Vous serez certainement candidat aux prochaines élections locales, quelles raisons vous poussent à vous présenter ?
Maganga Moussavou : Tout d’abord, ce n’est pas Maganga Moussavou. Nous espérons que l’UFA aura des listes communes. Ce qui serait une première au Gabon parce que nous voulons magnifier l’union et l’unité des forces de l’alternance. Si nous sommes unis, nous serons forts. Si nous avons des listes d’union, nous osons espérer remporter une bonne partie de l’adhésion du peuple gabonais. C’est ce qui me pousse notamment à dire que dans ce combat, nous avons des chances de remporter, non pas pour soi-même, mais pour l’ensemble de l’Opposition – du moins l’Opposition qui se réclame de l’UFA – de remporter des victoires. Je n’en doute pas à ce niveau.
Accordez-vous toute votre confiance dans l’organisation de ces élections prochaines, organisées par un ministre issu du Parti démocratique gabonais (PDG) ?
Si l’UFA arrive au pouvoir, les élections seront organisées par le ministre de l’Intérieur issu de l’UFA. Ce n’est donc pas le ministre qui nous intéresse. Ici, ce sont les Gabonaises et les Gabonais qui devront êtres aux endroits où nous allons les placer qui auront le sens de l’abnégation pour arriver à faire en sorte qu’ils accomplissent leur mission correctement et qu’ils veillent à ce que les élections se déroulent là où ils sont dans de bonnes conditions afin que l’Opposition ne soit pas roulée dans la farine. Si nous comptons sur le ministre de l’Intérieur, nous ne nous en sortirons pas. Et si nous attendons, pour aller aux élections, qu’un ministre issu de l’UFA organise les élections, nous attendrons longtemps. Donc nous faisons avec les moyens du bord, mais nous partons avec à l’idée que nous comptons sur ceux que nous mettrons dans tous les bureaux de votes, qu’ils veillent à ce que les élections se passent convenablement, mais surtout en faveur des listes de l’UFA.
Que dites-vous alors des jeunes qui pensent que l’Opposition gabonaise est assez vieillissante, sinon «vieille» pour engranger un certain nombre d’individus ? Faut-il changer la classe politique ?
C’est une aberration. Tous ces jeunes participent donc de l’idée d’Ali Bongo qui, une fois arrivé au pouvoir, a pensé que la vie en elle-même est une somme de relais. Moi je suis heureux de travailler aux côtés de Jules Aristide Bourdès Ogouliguendé et de Zacharie Myboto qui ont peut-être 75 ans, mais qui nous apportent beaucoup. Non seulement ils nous apportent beaucoup, mais ils nous surprennent également par l’énergie qu’ils ont tous deux. C’est une chance inouïe d’avoir ces gens à côté de nous. Et par conséquent, un jeune qui dirait qu’il faut mettre de côté les vieux, c’est un jeune irresponsable. Déjà, il n’est pas assuré de pouvoir vieillir, lui. Et quand on arrive à un à certain âge, on se rend compte que c’est mieux d’avoir des gens de cet âge à côté de soi, parce que ce sont des gens de tempérance, des gens qui ont une sagesse et qui guident les pas des moins jeunes.
J’ai pensé, et cela, depuis longtemps, que les jeunes prospérités ont le devoir de féconder des prospérités plus anciennes et les entretenir. Il va de soi que le conflit de génération n’a pas lieu d’exister. C’est comme s’il n’y avait pas cette compréhension du sens de la vie. Ceux qui, il y a 20-30 ans, ont été aux commandes de l’Etat ne le sont plus. Ils sont allés sans mot dire, en silence. Une autre génération arrive au fur et à mesure, sans qu’il y ait une sérieuse cohabitation entre générations. Ça n’aurait pas de sens. On ne peut pas avoir un pays essentiellement constitué de jeunes en laissant de côté tous les vieux. D’abord pour les Africains que nous sommes, le sens de la solidarité ne pourrait pas s’appliquer dans ces conditions. De plus, ceux qui sont jeunes aujourd’hui seront les vieux de demain. Ainsi va la vie !
Pensez-vous que dans un pays sous peuplé comme le Gabon, il faut mettre une tranche d’âge de côté par rapport à une autre ?
Non. Ce sont là le fait des politiques qui ne sont pas performantes qui nous amènent à penser qu’il faut que certains s’arrêtent de faire de la politique ou de travailler. Alors qu’on devrait retenir tout le monde au travail, tant il y a beaucoup à faire, et nous ne savons pas comment organiser la société. Il faut que tout le monde soit au travail, et que tout le monde soit occupé du matin au soir, à la limite, de souhaiter même que nos vies soient allongées à défaut de mettre en place des politiques de natalité : pour qu’il y ait plus de naissances et pour que nous atteignions une population optimale d’au moins cinq million d’habitants.
Il n’y a donc pas de raison qu’il y ait un conflit de générations. C’est un faux débat, et celui-ci, lorsqu’on prend la peine de l’évaluer, vient des gens qui ont du mal à s’insérer dans la vie, ou qui ont eut beaucoup de mal s’y insérer. En ce qui me concerne, j’ai commencé très tôt. Je suis content d’être avec des gens d’un certain âge qui, pour moi, forcent l’admiration. Je prie les jeunes d’occuper leur place et d’apporter leur contribution. Il n’y a pas antagonisme entre les jeunes et les moins jeunes. Bien au contraire, c’est une sorte de relai. Surtout que des jeunes, souvent, meurent avant les vieux comme on le constate. C’est Dieu qui règle la vie. On voit dans certains pays des gens solliciter les suffrages ou autres nominations à un âge bien avancé. Ça n’est pas ce qui est important. Ce qui est important, ce sont les politiques qui vont être appliquées pour que tout le monde se mette au travail, et que tout le monde apporte sa contribution au développement de ce pays.
Et pour ce qui est du processus démocratique du pays ?
Pour cela, il conviendrait d’abord de dire à nos compatriotes de l’extérieur du pays ce que la concertation politique permet d’engager, non seulement des discussions sur des points bien précis, mais de faire avancer le processus démocratique dans notre pays. Ce n’est pas facile du tout. Parce que nous avons en face de nous des hommes et des femmes qui tiennent à leurs privilèges et qui estiment que lorsqu’il y a plus de démocratie, cela entraîne la perte des moyens politiques qu’ils ont par le biais de la fraude. D’autant plus que nous somme dans un pays où la culture de la fraude est développée à son paroxysme, et tout ce qui continuerait à faire en sorte qu’ils perdent leurs moyens est dramatique pour eux.
C’est pourquoi il faut déjà saluer le fait qu’il y ait des concertations qui nous ont permis de mettre en place la biométrie. Bien que la biométrie ne soit pas la panacée. Il faut que nous comprenions que la lutte politique que nous avons engagée nécessite beaucoup d’effort. Si l’UFA invite les Gabonais et les Gabonaises à aller s’inscrire massivement, c’est parce que nous savons que par ailleurs, les pédégistes utilisent l’argent pour amener les Gabonais à s’enrôler, à partir du moment où le système est basé sur le ventre. C’est-à-dire, qu’on tient les Gabonais par le ventre. A l’occasion des élections, on leur donne de l’argent pour qu’ils s’inscrivent sur les listes électorales ou pour qu’ils votent, il va de soi que l’Opposition a intérêt à sensibiliser les Gabonais pour qu’ils s’inscrivent massivement sur les listes électorales. Ça n’est pas parce qu’on aura «biométrisé» ces listes que l’Opposition doit être assurée de gagner les élections, si cette Opposition ne se met pas au travail. Nous pensons que c’est une avancée en espérant que le système mis en place va permettre de chasser les démons et faire en sorte que nous n’ayons pas, encore, des listes où nous retrouvons des personnes qui ont voté plusieurs fois, mais nous attendons la fin du processus pour pouvoir en juger.