Le nouveau Premier ministre du Sénégal, Amina Touré, nommée dimanche soir après le limogeage d’Abdoul Mbaye, s’attelait lundi à la formation de son gouvernement, qui devra gérer des urgences dans un pays en proie à de fortes demandes sociales.
Mme Touré, 50 ans, a commencé dès dimanche soir à recevoir les potentiels membres de sa future équipe au Building administratif, abritant son ancien département – le ministère de la Justice – mais aussi les services du Premier ministre.
Ces consultations se poursuivaient lundi en début d’après-midi, selon les médias locaux.
Mme Touré remplace Abdoul Mbaye, 60 ans. Cet ex-banquier qui était en poste depuis avril 2012 a été remercié sans explication officielle par le président Macky Sall, en même temps que son gouvernement comptant des ministres célèbres comme le chanteur Youssou Ndour (Tourisme) et l’écologiste Haïdar El Ali (Environnement).
L’équipe sortante comprenait également des proches du président Sall ou responsables de son parti, l’Alliance pour la République (APR), dont Mme Touré, qui était l’un des responsables de sa dernière campagne électorale.
Macky Sall a été élu en mars 2012, en battant au second tour de scrutin présidentiel Abdoulaye Wade, au pouvoir de 2000 à 2012, et dont les dernières années du mandat ont été marquées par une forte contestation politique et sociale.
Pour beaucoup de Sénégalais, en 17 mois, le gouvernement d’Abdoul Mbaye n’a pas su répondre aux demandes sociales de plus en plus importantes dans ce pays de 13 millions d’habitants en proie à des difficultés économiques, où le coût de la vie augmente, dans un contexte international de crise économique.
Au regard de la situation du Sénégal, « M. Mbaye aurait dû partir (de son poste) depuis belle lurette. (…) Le pays est dans la morosité depuis plus d’un an. Le président était obligé de changer de politique, et pour changer de politique, il faut changer les hommes », a dit à l’AFP Abdoulaye Bamba Diallo, éditorialiste et politologue, pour qui « parler d’état de grâce ici est illusoire. (…) La réalité économique s’impose à tout le monde ».
En limogeant Abdoul Mbaye et son équipe, le président Sall a été « pragmatique: il a essayé de satisfaire à la fois une demande de son parti », qui réclamait plus de représentativité dans le gouvernement, et de l’opinion, demandant des résultats.
Mme Touré « est une tête bien faite, c’est une femme de conviction, elle peut faire des résultats » même si elle est face à « un travail titanesque », a-t-il estimé.
Deuxième femme Premier ministre du Sénégal
Diplômée en économie et gestion notamment, formée au Sénégal, en France et aux Etats-Unis, Aminata Touré – surnommée « Mimi Touré » par ses compatriotes – est la deuxième femme Premier ministre de son pays, après Mame Madior Boye, qui fut chef de gouvernement de mars 2001 à novembre 2002. Elle fut experte des Nations unies dans plusieurs pays, et a notamment dirigé le département des droits humains du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP).
Au ministère de la Justice, qu’elle dirigeait depuis 17 mois, elle a eu à gérer des dossiers importants, notamment l’affaire Hissène Habré, ex-président tchadien réfugié à Dakar depuis 1990 et arrêté fin juin, et l’enquête sur l’enrichissement illicite présumé de responsables de l’ancien régime, appelée au Sénégal de « traque des biens mal acquis ».
Cette « traque » s’est traduite par l’arrestation ou l’audition par la justice ou la gendarmerie de dignitaires de l’ancien pouvoir, dont d’anciens ministres et des directeurs généraux de sociétés. Parmi les ministres concernés, son ancien mari, l’ex-ministre de l’Habitat Oumar Sarr qui fut brièvement entendu par la gendarmerie.
En annonçant elle-même dimanche à la presse sa nomination comme Premier ministre, Mme Touré s’est engagée à marquer son mandat par « l’accélération des actions qui ont été entreprises depuis l’année dernière », parlant d' »une course pour le développement, pour l’amélioration des conditions d’existence » des Sénégalais.
Aujourd’hui, « les priorités sont multiples pour les Sénégalais » et pour la nouvelle chef de gouvernement et son ministre, « la tâche est ardue, les urgences sociales et économiques sont lancinantes », a estimé le quotidien pro-gouvernemental Le Soleil dans un éditorial.
Et, parmi les priorités, il a cité « l’accès aux soins de santé, une éducation de qualité, un pouvoir d’achat conséquent, un cadre de vie sain, un toit décent, une justice équitable ».