On a présenté aux Gabonais la biométrie lors des élections locales de 2013 comme la panacée devant résoudre une bonne fois pour toutes tous les problèmes relatifs à la crédibilité des élections au Gabon.
C’est un mensonge.
D’abord parce que c’est sur la base d’un chantage administratif qu’on a forcé les Gabonais à aller s’inscrire : on leur a dit que s’ils ne s’inscrivaient pas sur ces listes électorales, ils auront du mal à obtenir d’autres documents administratifs tels les actes de naissance, les cartes nationales d’identité, etc. A un moment où les processus électoraux gabonais ont perdu de leur crédibilité, il n’y a que par ce moyen qu’on aura pu pousser les Gabonais à « embrasser » un processus que, pourtant, tout le monde reconnaît comme tronqué. Il est quelque peu dommage que l’opposition locale ait fait écho à ce chantage bongoïste en appelant sans condition les Gabonais à aller s’inscrire.
Ensuite parce que, sur le plan de la maîtrise de la statistique démographique et sociologique, le Gabon n’est pas prêt. Notre pays est loin d’être suffisamment informatisé sur le plan administratif, ce qui rend toute prétention de maîtriser l’identification des personnes, les naissances, les décès, les mouvements démographiques et les flux migratoires illusoire.
Il y a enfin le simple fait que ce n’est pas parce qu’on aura mis le nom de quelqu’un dans un ordinateur que le vote de cette personne est garanti. Dans un pays, justement, où le régime a la capacité de donner des identifications biométriques et nationales aux étrangers, tout autant que la capacité de déclarer ses propres résultats en parallèle de toute autre évidence, qu’elle soit biométrique via support informatique ou scripturale via les procès-verbaux, il y a fort à parier que la biométrie ne peut, à elle seule, garantir la transparence et la crédibilité des élections.
Ceci parce que, simplement, le problème du Gabon ne se trouve pas dans le fait qu’il y ait biométrie ou pas. Le problème du Gabon se trouve dans la crise de confiance qu’il y a entre les Gabonais et un régime que tous savent incapable de gagner des élections transparentes. Un régime qui a fait de la fraude systématique sa seule manière de gagner. Au point que, au Gabon, ce n’est jamais vraiment dans les urnes que s’organise la fraude, mais en amont et en aval de chaque élection, c’est-à-dire à la fois dans la préparation des élections et ensuite dans la gestion des résultats de l’élection. Or, le régime s’est créé un cadre institutionnel frauduleux qui, par voie de conséquence, fausse tous les processus électoraux en amont tout comme en aval. Il y a, pourtant, bel et bien des pays comme les Etats-Unis où l’on peut s’inscrire sur les listes électorales à tout moment de l’année sur envoi d’un simple formulaire obtenu à la poste, dans les bureaux d’immatriculation des véhicules, dans les mairies et dans les officines publiques. Et le jour du vote, les Américains utilisent des procédures extrêmement simples pour enregistrer, puis valider le vote. Certes, aucun système n’est parfait à 100%, mais les Américains ont tellement confiance en leur système qu’on n’y enregistre quasiment aucune fraude directe le jour du vote.
En d’autres termes, la confiance du citoyen en son système électoral est le premier signe de validité d’un système politique qui se veut démocratique. Que la biométrie soit devenue un débat au Gabon est symptomatique, justement, du déficit de confiance qui est propre à notre système politique. Et le fait de forcer le Gabonais à aller s’inscrire à des moments précis décidés par le régime, au lieu de libéraliser et décentraliser ces inscriptions, montre bien à quel point on veut continuer à manipuler le processus non seulement en le limitant dans le temps, mais aussi en utilisant le désordre organisé qui en résulte pour semer la confusion et brouiller les pistes.
C’est parce que, précisément, le régime bongoïste est bien conscient du fait que les Gabonais ne veulent plus aller voter. Il n’y a plus eu, depuis les années 1990, d’élections au Gabon où une majorité des Gabonais se sera déplacée pour aller voter. C’est que ni le régime ni l’opposition n’ont plus jamais pu convaincre une majorité des Gabonais à se rendre aux urnes. Les Gabonais ne veulent plus aller voter parce qu’ils savent que les dés sont généralement pipés au Gabon et les résultats, souvent le fruit d’arrangements entre le pouvoir et l’opposition conviviale, connus d’avance. Les Gabonais, instinctivement, comprennent que l’alternance politique n’est pas possible au Gabon avec le régime des Bongo en pleine maîtrise de toutes les institutions qui ont la mission d’assurer la crédibilité des processus électoraux. La participation de l’opposition est généralement ainsi perçue comme futile par le Peuple puisque les quelques élus que l’opposition peut obtenir ici et là ne feront que manger avec les Bongo, sans jamais aucune chance réelle de changer l’équilibre des pouvoirs dans le pays. Les Gabonais savent aussi que, avec ou sans biométrie, ce n’est pas dans les urnes que le régime puise sa capacité à s’imposer, mais dans le pouvoir de faire proclamer, puis imposer, des résultats parallèles qui n’ont rien à voir avec les résultats sortis des urnes. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, c’est ce monopole de la maîtrise des processus en amont et en aval de chaque élection qui a toujours fait que, malgré le fort désir de changement des Gabonais, le régime soit à même de fausser la volonté populaire : Ce qui a fait que la voix du Peuple ne soit pas entendue en 1993, 1998, 2005, 2009 et 2011, fera également que sa voix ne soit pas entendue en 2013 ou en 2016 si les vrais débats sur l’impératif d’une démocratisation immédiate et sans fard du Gabon ne sont pas posés.
Il n’est, certes, pas question de dire ici que les opposants ne doivent plus participer aux élections. Loin de là. Ce dont il est question ici est de proposer que l’opposition fasse un choix simple :
1) Si le but est simplement d’accompagner le régime, et de participer indirectement à la consolidation du régime par l’illusion de démocratie qui ressort de l’apparence de compétitivité électorale, soit. Mais alors il ne faut pas dire aux Gabonais que c’est pour l’alternance qu’on se bat.
2) Si, par contre, le but est l’alternance politique immédiate, alors il est important de comprendre qu’il y a, aujourd’hui au Gabon, le besoin impératif d’engager des débats préélectoraux de fond avant la tenue de toute nouvelle élection au Gabon. Et dans le cas où le régime en place y resterait sourd comme on peut généralement le prédire, la seule solution serait, alors, pour l’opposition, de simplement s’organiser pour empêcher la tenue de toute nouvelle élection au Gabon tant que les principes qui sous-tendent la démocratie citoyenne ne seront pas avérés, ou alors tout simplement imposés au régime. Ces impératifs de démocratisation passent obligatoirement par une nouvelle Constitution démocratique, l’indépendance de la Cour constitutionnelle, l’indépendance de la Commission électorale, l’informatisation du pays en vue de la maîtrise statistique de la démographie nationale, et j’en passe.
Autrement dit, aller aux élections : pourquoi pas ? Mais encore faut-il que les Gabonais comprennent le but recherché. Composer avec les Bongo ou rechercher les conditions de la prise de pouvoir immédiate, voilà les choix qui s’imposent désormais aux Gabonais. Et voilà pourquoi, sachant d’avance que les Gabonais s’abstiendront instinctivement d’aller voter en masse comme ils l’ont fait en 2005, 2009 ou 2011, je continue à en appeler à la construction d’une opposition insurrectionnelle au Gabon. Pour que, à la prochaine élection, les vrais débats soient enfin posés, ou imposés. Autrement dit, si les gens d’en face ne veulent rien y entendre, il faudra simplement les bouter hors du pouvoir par tous les moyens, pour que démocratie prévale enfin dans notre pays.
Voilà pourquoi nous comptons nous rendre au Gabon en 2015. Pour commencer avec nos compatriotes de l’opposition radicale gabonaise, mais aussi les Gabonais assoiffés de changement, les vrais débats préélectoraux qui s’imposent, en vue, justement, de la mise en orbite de cette opposition insurrectionnelle à l’horizon 2015, pour que les mêmes causes ne mènent plus jamais aux mêmes effets dans ce Gabon nôtre.
En attendant, les Gabonais ne doivent pas se rendre aux urnes en 2013. Cette élection est sans enjeu et y déposer son vote, c’est simplement dire « oui » à Ali Bongo. Or, les Gabonais ne veulent plus dire « oui » aux Bongo. Ce que les Gabonais disent désormais, c’est : « Bongo doit partir, par tous les moyens », d’ici 2016.
Dr. Daniel Mengara
Président, Bondo Doit Partir – Modwoam
Bongo Doit Partir
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