Gabonreview en avait déjà parlé en mars dernier. Certaines indiscrétions rapportaient alors un éventuel « détournement », par les responsables de l’ANBG, des bourses attribuées aux jeunes stagiaires Gabonais en formation de pilotage en France. Voyant leur vie et leur apprentissage hypothéqués par le laxisme des autorités gabonaises, les stagiaires qui avaient rendu public la mystérieuse affaire, reviennent à la charge.
Jusqu’en 2012, l’Etat gabonais, malgré l’absence d’étudiants et de stagiaires Gabonais en formation de pilotage à l’étranger, allouait un budget consacré à cette filière d’avenir pour le pays qui, depuis la liquidation de la compagnie nationale Air Gabon (2005) et celle de Gabon Airlines (2011) multiplie les tentatives de création d’une nouvelle compagnie aérienne nationale. La dernière allocation, volatilisée, alors qu’aucun étudiant n’a été envoyé dans une école à l’extérieure, aurait été évaluée à 237,8 millions de francs CFA, dit-on.
Pourtant, quelques temps après l’envoi d’étudiants Gabonais ayant rempli toutes les conditions d’obtention de la « fameuse » bourse, les fonds alloués par l’Etat ont continué de disparaître, mettant à mal leur formation, ceci sans que la plus haute autorité gabonaise à qui le fait avait été rapporté par deux des étudiants concernés, ni même les responsables de l’Agence nationale des Bourses du Gabon (ANBG) ne s’en émeuvent. Loin s’en faut. Même qu’une sombre histoire de suppression ou de suspension des bourses entourerait désormais l’affaire. Comme un relent de fraude, dira l’étudiant Bertrand Mabhyala, l’un des étudiants dont la bourse a été « injustement » suspendu en 2012. En effet, au mois de mars dernier, l’infortuné rapportait à Gabonreview qu’alors que la totalité de ses frais de formation (54 000 euros) avaient été payés dès octobre 2011, il aurait été retardé pour des motifs « fallacieux » par les dirigeant de l’école de pilotage dans laquelle il est inscrit en France (Gilles Polomé Aviation, Valenciennes), risquant ainsi la perte de ses crédits de vols.
Mais, déterminé à recouvrer la totalité de sa bourse d’étude, Bertrand Mabhyala, de retour à Libreville (Gabon) s’est rendu récemment à l’ANBG dans le but de voir clair dans cette sombre affaire qui a fini d’entamer sa patiente. A cet effet, le 21 octobre dernier, l’étudiant dit avoir eu une réunion avec le Directeur général de l’ANBG, son DGA et son Directeur financier qui auraient prétendu ne pas à avoir reçu le versement de l’argent des formations pilote de ligne des stagiaires gabonais de l’année 2012, soit 363 000 euros (237 millions de francs CFA) et celui de 2013 (106 000 Euros soit 69 Millions de francs cfa). Pourtant, selon le plaignant, des preuves de ces versements existent bel et bien, à l’exemple de l’extrait de la liste d’ordonnances budgétaires datée du 23 octobre 2013 qu’il a joint dans son courrier destiné, entre autres, au ministre gabonais de l’Education nationale, aux collaborateurs du président de l’Assemblée nationale et du Senat.
« Le Trésor Public m’a dit le 23 octobre 2013 qu’ils ont aussi versé en 2012 les 237 millions de francs CFA, après que monsieur Etienne Massard, président de la commission technique des Bourses, m’a seulement accordé (une minute) pour défendre mon dossier et celui de l’ensemble des stagiaires pilotes de ligne gabonais en formation en France, devant l’ensemble des Commissaires de la Commission des bourses qui siégeait », confie Bertrand Mabhyala, désœuvré avant de se demander comment est-il possible de défendre un dossier aussi sérieux en « une minute ». Qu’à cela ne tienne, indique l’étudiant, « j’ai couru en sortant de la salle de la Commission des bourses du Gabon au Trésor public, vérifier ces versements d’argent alloués à la formation pilotes de ligne qui disparaissent chaque année sans l’envoi du moindre stagiaire Gabonais en formation pour pouvoir justifier l’utilisation des 237 millions commués en budget de fonctionnement. Or, il y a des stagiaires pilotes de ligne présentement en formation en France qui galèrent depuis une année. […] Cela ne fait pas sérieux ! »
preuve anbgSur la base de sa bonne foi, puisque ne comportant aucun cachet ni signature, le document fourni par le pilote stagiaire est une « Liste d’ordonnances budgétaires » daté du 23 octobre dernier et censée provenir du Trésor public. A son examen, on note que tous les 4 mois depuis le mois de janvier de l’année en cours, le Trésor public débloque 69,7 millions de francs CFA pour un « bénéficiaire » et « section budgétaire » nommé « 900749F ANBG Présidence de la République ». 199,4 millions de francs CFA ont donc déjà été sortis de ce cette ligne budgétaire depuis le début de l’année. Bertrand Mabhyala qui est sûr de ses sources et qui sait de quoi il parle, soutient que cet argent est destiné au paiement des bourses des pilotes stagiaires.
Que se passe-t-il réellement à l’ANBG, est-on en droit de se demander. Où va l’argent alloué par l’Etat gabonais pour les bourses des étudiants et stagiaires ? L’ANBG qui était censée redorer l’image de l’ancienne Direction générale des bourses et stages (DGBS) dissoute car accusée de « magouilles » diverses, serait-elle tombée dans les mêmes travers ? L’on oserait croire que non. Pourtant les agissements de certains de ses responsables laissent pantois. Bertrand Mabhyala rapporte à cet effet : « Monsieur Massard, président de la Commission des bourses, n’a pas voulu que je m’exprime devant la Commission. Alors, j’ai insisté et il m’a demandé de quitter les lieux et, si je ne le faisais pas, il appellerait les agents de police. Comment devrons-nous interpréter ce traitement ? Comme le chanteur célèbre français, « Noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir » (Johnny Halliday, ndlr). Je dis non, il faudra faire quelque chose pour que ça aille mieux ! Et, on nous dit qu’il n’y a pas de compagnie ? En détournant l’argent alloué à la formation des pilotes, bien évidemment, qu’on empêche que soit mise en place une compagnie aérienne de transports.» Triste histoire !