La version gabonaise des «Démolisseurs de l’extrême», l’émission de Discovery Science, n’aura pas été spectaculaire ce dimanche 27 octobre avec Entraco. Après un flop retentissant à 11 h, le dynamitage de la Fondation Jeanne Ebori a eu lieu à la nuit tombée dans la pénombre. La chronique d’une très longue journée.
Bien de gens connaissent «Les démolisseurs de l’extrême», l’émission de Discovery Science qui donne à voir des démolitions de structures plus épatantes les unes que les autres. A chaque fois, il y a un défi portant généralement sur les dégâts ou les plausibles effets pervers de la démolition d’une grosse construction. L’entreprise gabonaise Entraco y était presque ce dimanche 27 octobre, jour du dynamitage de la partie Est de la tour qui abritait l’hôpital de la Fondation Jeanne Ebori. Le défi : faire tomber par «basculement sécurisé à l’aide des explosifs» un gros pan de cet immeuble de huit étages en béton super armé et pesant des centaines de tonnes, sans causer de dommages aux constructions environnantes habitées par des familles ou occupées par des entreprises.
L’alerte avait été donnée quelques jours avant, demandant à tous les habitants de quitter leurs maisons dans la matinée en y laissant toutes les fenêtres ouvertes, le dynamitage étant programmée pour 11 heures. Tôt dans la matinée, toutes les rues adjacentes avaient été bouclées, la police et les pompiers appelés en renfort et le courant coupé dans la zone. Avec une demi-heure de retard sur l’heure indiquée, le tir de dynamite a été donné et Jeanne Ebori, la vieille dame de béton qui veille à l’entrée et la sortie de la montée et de la descente du quartier Louis, est restée imperturbable. Pas un seul gravât n’en est tombé. Un flop. Les artificiers rencontrés auparavant assuraient pourtant avoir injecté dans les fondations de la partie à détruire, 60 Kg d’explosif.
Et tous les badauds accourus pour assister au dynamitage, par les «démolisseurs tropicaux de l’extrême», de l’édifice qui porte le nom de la mémé du président de la République, y sont allés de leurs commentaires, accusant notamment les artificiers gabonais d’amateurisme. Surtout que l’entreprise sous-traitante d’Entraco, pour cette opération, portait un nom pour le moins étonnant : Mercenaires du développement (MDD). Visiblement déçus de ce que l’immeuble était là, les narguant, ceux-ci ont livré des explications diverses. Notamment qu’Entraco ne leur avait pas livré les informations qu’il fallait. Bref, une nouvelle explosion a été annoncée pour 13 h 30. Selon un contremaître de MDD, il était désormais question de percer de nouveaux trous dans les fondations de l’édifice pour y placer 40 dynamites.
A l’heure indiquée, 13 h 30 ; rien, pas d’explosion. Nouveau report pour 17 h 30. A ce troisième rendez-vous, toujours rien. L’exaspération a commencé à gagner les riverains qui avaient passé la journée dans la rue, hors de leurs habitations. A 18 h, ne voyant toujours rien, ils s’en sont pris au responsable de la sécurité, un européen heureusement calme, compréhensif et franc qui commençait à en prendre pour son matricule.
Par ailleurs, les policiers également fatigués alors qu’ils avaient été relevés à 14 h, ont laissé la circulation reprendre sur le boulevard du bord de mer et sur la descente de Louis qui étaient fermés toute la journée. Ce qui a provoqué l’ire des riverains décidés à rentrer chez eux. Nouvelle négociation et nouvelle annonce de l’ultime explosion. Et, un peu avant 19 h, la sirène de mise en garde a sonné trois fois et après une déflagration plus puissante que celle du matin, la partie de l’édifice à faire basculer est tombée… comme au ralenti.
Durant la demi-heure qui a suivi, aucun dégât n’a été signalé dans les habitations riveraines. Il y a eu de la peur mais du tout de mal, hormis la longue attente des habitants du voisinage, des badauds et des journalistes restés sur le terre-plein en face du chantier depuis le matin pour assister à l’évènement. Une vieille dame, habitante du quartier, en larmes pour une raison qu’elle n’a pas voulu livrer s’est contentée de dire : «c’était le jour le plus long de Jeanne Ebori. Mais pourquoi la détruit-on donc ? Ali ne sait-il pas qu’on gouverne aussi avec des symboles ? Pitié…» On n’en saura pas plus des états intérieurs de cette vieille dame qui, visiblement, regrettait l’autre vieille dame en béton, Jeanne Ebori, dont l’agonie va encore durer. Un responsable du chantier ayant indiqué que pour la suite, la «démolition sera mécanique. Il n’y aura plus de dynamitage, A moins que…»