Au cours de la récente audience solennelle de rentrée judiciaire à Lambaréné, chef-lieu de du Moyen-Ogooué, le parquet de cette localité a dit sa détermination à faire la lumière sur l’assassinat du transporteur Camerounais Amadou Yogno et sur le réseau de «criminels rituels» de la Montagne-Tchad.
Le meurtre du Camerounais Amadou Yogno continue d’alimenter les conversations puisque, jusqu’ici, rien n’a été dit sur les coupables réels ou les commanditaires de ce crime odieux. Au début de l’année en cours, pour rappel, les organes du malheureux transporteur, sa langue, son cœur, ses reins avaient été prélevés ainsi qu’en ont fait état une multitude de médias locaux. Un crime rituel donc, contesté par quelques sources proches de l’État, mais qui ne se sont jusqu’alors pas risqués pas à donner une version officielle.
Des présumés coupables ont été arrêtés, des présumés commanditaires ont été cités, des millions de francs CFA ont coulé à flot dans les rédactions, même Gabonreview a été approché, afin d’encourager la rédaction d’autres versions que celles rapportées et blanchir ainsi certaines personnes citées dans l’affaire. Au final et depuis lors, c’est le statut quo malgré ce que certains observateurs ont appelé «justice spectacle», lorsque des hommes connus de la République ont été questionnés à ce propos devant les caméras.
A la fin du mois de juin dernier, cinq hommes et deux femmes, constitués en une véritable escouade de la mort, avaient été arrêtés à Lambaréné, après avoir opéré aussi bien dans le chef-lieu de la province du Moyen-Ogooué qu’à Libreville. Présentée au début comme une machination et une invention de la femme qui avait alerté la station provinciale de Police judiciaire (PJ), l’affaire du trafic d’organes dont les auteurs avaient été mis aux arrêts est une véritable plaie qui entache, de plus, l’image de cette ville qui a accueilli de nombreux étrangers à l’occasion de la célébration du centenaire de l’arrivée du Dr Albert Schweitzer au Gabon. Ce réseau de sept individus, avec deux femmes et cinq hommes, accomplissait sa basse besogne de Lambaréné à Libreville. Ses activités prenaient effet dans la zone de la Montagne-Tchad, vers laquelle les assassins, parmi lesquels «un marabout de nationalité camerounaise et un taximan» conduisaient leurs victimes dans le but de leur prélever les organes dont ils avaient besoin.
C’est donc ces deux feuilletons macabres, tardant à être élucidés du fait certainement des pesanteurs diverses, qui ont fait dire au procureur de Lambaréné, Juste Ambourouet Ogandaga, toute la détermination de sa juridiction à aller jusqu’au bout. «Ces procédures ont vu notre juridiction sous les feux des projecteurs dans un tourbillon de virulence et de dérégulation du procès médiatique. Nous avons vu nos actes travestis dans la mise en scène, où la circonstance d’un jour a suffi à l’information, l’a priori d’un seul commentaire, leur reprise mécanique et obstiné au jugement sans appel», a déploré le procureur de Lambaréné, cité par le journal Echos du Nord le 11 novembre 2013. L’hebdomadaire indique donc que l’autorité judiciaire de Lambaréné a réaffirmé l’inébranlable volonté de sa juridiction à lever le voile sur ces deux affaires en instruction, malgré les pressions exercées sur les magistrats du parquet de Lambaréné
Le journal souligne également que le procureur Juste Ambourouet a fait sien le réquisitoire du procureur de New York dans l’affaire opposant la Guinéenne Nafissatou Diallo au Français Dominique Strauss-Kahn. «Le procureur n’est pas le représentant de telle ou telle autre partie dans une controverse, mais celui de la souveraineté dont l’obligation de gouverner de façon impartiale est aussi irréfutable que son obligation de gouverner tout court : et par conséquent dont les intérêts dans une poursuite judiciaire ne sont pas de gagner l’affaire, mais de rendre justice», avait-il dit
En attendant le verdict, les familles des victimes de ces actes de barbarie n’ont pas encore fait le deuil de leur proche. Pour eux seule la condamnation des coupables et de leurs commanditaires leur permettra de se «sentir allégés du fardeau qui leur a été infligé».