Les réactions des Gabonaise sont aussi diverses que variées au sujet du refus, le 8 novembre, de la Guinée Equatoriale d’appliquer l’accord de libre circulation des personnes devant entrer en vigueur le 1er janvier 2013 dans 6 Etats de la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac).
Après des années de négociations laborieuses, la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac) est parvenue à un accord sur la libre circulation de ses ressortissants au sein de l’espace communautaire, avec la suppression des visas et l’instauration d’un passeport biométrique commun. Craignant de devoir faire face à une immigration massive, la Guinée Equatoriale a choisi de faire marche arrière au détriment des accords qu’elle a validés le 14 juin 2013 à Libreville lors du Sommet extraordinaire de la Cemac.
Après l’annonce par les autorités Guinéennes d’ouvrir leurs frontières conformément à cet accord, dans les rues de la capitale gabonaise, seuls les autres ressortissants de la Cemac semblent tressaillir et s’en inquiéter. Les Gabonais, quant à eux et pour la majorité des personnes interrogées, démontrent qu’ils s’attendaient à ce retournement.
«C’était prévisible !», a lancé un ancien enseignant à la retraite. «Cette histoire de la Libre circulation ne date pas d’aujourd’hui. Mais, personne ne s’était encore entendu sur les modalités pratiques de sa faisabilité. Tout d’un coup on nous dit que ce sera effectif en janvier 2014. Le peuple a son mot à dire dans des histoires de cette nature qui concerne sa souveraineté», a-t-il expliqué tout en ajoutant que «Le Gabon gagnerait à se retirer aussi parce qu’il risque de plus perdre par rapport à ce qu’il peut gagner».
Comme lui, beaucoup d’autres voix gabonaises, certes non autorisées, saluent la volte-face de la Guinée Equatoriale. «La Guinée a certainement bien pris du recul avant de se décider. Elle ne veut pas se voir imposer des choix qui vont la dépasser plus tard. Avec quoi va-t-elle participer à cette libre circulation ?», a dit pour sa part une jeune dame, agent de recensement sur l’opération actuelle de recensement de la population gabonaise et des logements.
Un autre, fonctionnaire Gabonais, félicitant l’attitude de la Guinée Equatoriale, s’explique tout en s’interrogent : «la libre circulation sous régionale est quelque chose qui touche à la souveraineté des pays de la zone Cemac. Or, il me semble que le président Ali Bongo est garant de la souveraineté de la nation gabonaise. En permettant la libre circulation des biens et des Hommes dans notre pays sans avoir l’avis et l’accord du peuple, se serai- il rendu coupable de haute trahison envers la nation ?».
Idem sur la toile mondiale où les commentaires de Gabonais saluent l’initiative de la Guinée Equatoriale. «Très heureux de constater la décision prise par la Guinée Equatoriale. En effet, on ne peut promulguer et appliquer la libre-circulation des personnes et des personnes en Afrique centrale sans le sentiment des peuples concernés. En outre, nous ne sommes pas prêts à une telle directive car nous avons besoin de temps, pour permettre à tout un chacun de faire le ménage chez soi. La Centrafrique et le Tchad font face a une instabilité politique chronique, le Cameroun doit régler son problème de corruption élevé, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Congo Brazzaville ont eux aussi leurs problèmes sociaux à résoudre. Ali Bongo Ondimba doit prendre exemple de la décision de la Guinée Equatoriale», a relevé un commentateur sur Gabonreview.
«C’est un exemple que nous montre la Guinée Equatoriale. Je suis commerçante et je n’arrive pas à m’en sortir. Si on laisse encore des étrangers venir augmenter notre nombre de débrouillards je crois que ce sont les Gabonais qui auront mal. Donc le Gabon ne doit pas ouvrir ses frontière», a dit une commerçante exerçant au PK 12 de Libreville. «Prenons le temps de résoudre nos problèmes internes avant de penser à une intégration sous régionale complète», a lancé pour sa part un quadragénaire au chômage, sirotant une bière dans un bistrot de cette banlieue de Libreville.
D’autres personnes par contre estiment que le retrait de la Guinée Equatoriale devrait plutôt donner des arguments aux chefs d’Etat de la région pour relever le défi.
«C’est bien triste! Mais la balle est dans le camp des cinq autres pays de la Cemac. A eux de montrer la voie à la Guinée qui ne représente que 700.000 personnes environ», pense un ressortissant Camerounais, conducteur de taxi à Libreville. A sa suite, le seul Centrafricain rencontré a souhaité que «les autres Etats commencent l’intégration régionale pour que ceux qui n’en veulent pas prennent le train en marche plus tard». Un autre Camerounais, enseignant dans un lycée public de Libreville estime pour ce qui le concerne que «cette reculade de la Guinée Equatoriale pose à nouveau le problème de l’unité de l’Afrique toute entière». «Dommage ! Ou on va ensemble ou on laisse tomber et c’est la sous région qui recule», a-t-il déclaré.
«La libre circulation a un grand avantage pour le petit peuple. Depuis très longtemps entre le Cameroun, le Congo et le Tchad il n’existe pas de Visa. Le Tchad et le Congo sont des Etats pétroliers et ne sont pas envahis par les Camerounais. Le Bénin, qui a un puissant voisin, le Nigéria, n’est pas envahi. Ne craignons-nous pas d’être envahis par les Marocains, les Libanais et les Chinois ? Bêtise quand tu nous tiens…», a lancé un autre internaute sur Gabonreview.
Globalement, les ressortissants du Tchad, du Cameroun, de la République centrafricaine et du Congo estiment que la Guinée Equatoriale a tort de se retirer du processus. Pour certains, en dehors du pétrole qui fait sa force, ce sont les pays voisins qui la nourrissent. Dans ce contexte, des voix ont été entendues qui souhaitent l’ostracisme des pays qui bloqueraient l’intégration régionale.
Si certains leaders politiques gabonais, tout comme une frange de la population gabonaise continuent de réclamer le retrait du Gabon de ce projet, il est à noter que depuis l’annonce faite de retrait de la Guinée Equatoriale, aucune voie autorisée n’est montée au créneau pour apprécier le geste en attendant le 1er janvier 2014.