Annoncé au Marathon du Gabon, le sextuple champion olympique et huit fois champion du monde, Usain Bolt, va-t-il devoir rejeter cette invitation ? Une lettre ouverte émise par les membres de la société civile gabonaise, regroupés au sein du mouvement «Ça suffit comme ça», du Front des indignés du Gabon et de la Convention nationale des syndicats du secteur Education, tente de l’en persuader.
Convaincu du pouvoir et de l’impact que peut créer la participation d’une star de renommée internationale à une activité populaire, les autorités gabonaises ne laissent plus passer une occasion pour solliciter l’implication de ces «modèles» dans différents projets. Il en est ainsi de la course cycliste la Tropicale Amissa Bongo ou de la Grande nuit des arts martiaux. Une logique qui pourrait également s’appliquer à la première édition du Marathon du Gabon qui s’élancera à Libreville les 30 novembre et 1er décembre 2013.
Dans cet élan, les hautes autorités gabonaises s’attelleraient à faire venir au Gabon Usain Bolt, le sprinteur Jamaïcain, sextuple champion olympique et huit fois champion du monde. Sa participation est attendue pour rehausser la première édition du Marathon du Gabon, évènement sportif populaire prévu dans une semaine. Une opération qui ne trouve pas l’assentiment des membres de la société civile gabonaise. «Nous sommes étonnés d’apprendre que vous êtes annoncé pour prendre part au marathon de Libreville qui se tiendra à la fin de ce mois. Nous nous interrogeons sur la pertinence de votre participation à cet événement dont l’objectif inavoué demeure la glorification du dictateur Ali Bongo», ont écrit Marc Ona Essangui du mouvement citoyen «Ça suffit comme ça», Blanche Simonny Abegue du Front des Indignés du Gabon, Marcel Libama de la Convention nationale des syndicats du secteur éducation (Conasysed) et Grégory Ngbwa Mintsa, Prix de l’Intégrité Transparency International 2009 et 2010.
Dans leur lettre ouverte à l’adresse du champion olympique, publiée le 22 novembre 2013 sur le site ca-suffit-comme-ca.org, les acteurs de la société civile gabonaise s’étonnent de ce que le «Sportif international de l’année puisse accepter de servir de caution à M. Bongo, au détriment du peuple gabonais. Car, pour une population de moins d’un million cinq cent mille, la grande majorité des Gabonais croupissent dans la misère entretenue par le pouvoir en place qui ne se préoccupe que de son image.» Les signataires de la lettre qui estiment que le père de l’actuel président du Gabon et «Pascaline Bongo, avaient déjà, en 1980, instrumentalisé votre illustre compatriote Bob Marley», égrènent ensuite une série de maux qui frappent le Gabon. Tout y passe : d’«Ali Bongo [qui] n’a pas été élu par le peuple gabonais» à la récente crise du secteur éducatif qui a vu des milliers d’élèves descendre dans la rue, en passant par les crimes dits rituels et la permanence de la présidente de la Cour constitutionnelle taxée de «maîtresse officielle du père d’Ali Bongo».
«Comment comprendre que vous soyez prêt à vous associer à une manifestation pour laquelle vous n’êtes pas qualifié, si ce n’est pour engranger des honoraires faramineux au détriment des populations dans un pays où des femmes accouchent encore à même le sol, et où les étudiants de l’unique université du pays étudient dans des conditions plus que déplorables (cf. reportage de France 24, Les Observateurs, diffusé le 6 avril 2013) ?», demandent à Usain Bolt les signataires de la lettre ouverte qui a également été traduite en anglais.
Il est ensuite demandé au sprinteur Jamaïcain, détenteur de trois records du monde : 100 m, 200 m et 4 × 100 m de bien réfléchir : «Convaincus que vous portez en vous les nobles valeurs d’humanité, de liberté, d’égalité de chances, et que vous placez la dignité humaine au-dessus de tout, nous vous demandons d’examiner, en conscience, l’opportunité de votre participation au marathon de Libreville. De fait, nous en appelons à votre conscience, à votre humanité et vous demandons de renoncer à prendre part à cet événement qui n’est que pure opération de communication à la gloire d’Ali Bongo.»
Pour avoir écrit par le passé une lettre du même genre à Spike Lee, les rédacteurs de cette lettre ouverte s’attribuent la non-participation du cinéaste Américain à la dernière édition du New York Forum Africa. Leur stratégie de découragement de l’invité de marque de la première édition du Marathon du Gabon aura-t-elle le même destin ? La lettre ouverte se termine, en tout cas, par une citation de Bob Marley : «don’t gain the world and loose your soul. Wisdom is better than silver and gold» (Ne gagne pas le monde en perdant ton âme. La sagesse vaut bien mieux que de l’or et de l’argent).
Le Marathon du Gabon, défini comme la «fête du sport et de l’effort», attend quelque 8000 coureurs à travers cinq épreuves, à savoir : une course «Juniors» sur une distance allant de 1 à 3 km, une course «la Gabonaise» de 5 km, une course de 10 km, un semi-marathon de 21 km et un marathon de 42 km.