Statut juridique pas toujours clair, communication glamour de la part des listes PDG composées essentiellement d’agents de la haute administration publique ou parapublique et d’hommes d’affaires, suspicion diverses, la liste du parti au pouvoir pour les élections municipales dans la commune d’Akanda alimente la critique.
Avec leur flopée de haut fonctionnaires, leurs richissimes hommes d’affaires, leurs membres issus de la parentèle du président de la République, leur composition ethniquement très colorée et une débauche de moyens symbolisée par une communication des plus glamours, les listes PDG de la commune d’Akanda sont la bête curieuse des Locales à venir. Plus que l’intérêt, elles suscitent l’étonnement. Les bars de Libreville et ses environs bruissent des rumeurs et commentaires de toutes sortes sur ce que le petit peuple nomme, au choix, « les listes des milliardaires » ou « les listes des métis ».
Quelle est cette commune ? Quand a-t-elle été créée ? Quel est l’ancrage réel des membres desdites listes sur le terrain ? Pourquoi une telle ruée vers cette zone ? De toute évidence, l’opinion s’interroge. Il n’en fallait pas plus pour que les esprits s’enflamment : selon certains, les membres de ces listes entendent faire main basse sur les terres relativement vierges et inhabitées de la zone. Pour d’autres, il s’agit plutôt de plaire au président de la République dont on pense qu’il est lui-même électeur de cette commune. Des hypothèses qui, loin de relever de la mauvaise foi, peuvent se soutenir. « La présence conjuguée sur ces listes du promoteur immobilier Claude Sézalory, du directeur général de l’Agence nationale des travaux topographiques d’urbanisme et du cadastre, Auguste Akomezogho, ainsi que de Pacôme Moubelet, coordonnateur de la cellule censée réfléchir à la formulation du plan national d’affectation des terres, est loin d’être anodine. Elle laisse croire que la question foncière est au centre du processus ayant conduit à la création de la commune d’Akanda puis à la composition des listes PDG », analyse un membre de la société civile, faisant ainsi écho à André Mba Obame qui, dans une interview parue le 12 décembre dans le journal Echos du Nord, affirme : « Si cette liste venait à se voir confier la direction de la commune d’Akanda, nous assisterons au plus grand scandale écologique et foncier de notre pays. Ce que vise le pouvoir (…) à Akanda, ce sont les terres pour faire de la spéculation immobilière et rien d’autre ».
La composition des listes PDG en lice à Akanda semble également avoir attisé la curiosité du grand public sur le sens de l’érection de cette zone en commune urbaine. On y retrouve, notamment et pêle-mêle, l’actuel ministre délégué en charge de la Culture, l’ancien directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale, le conseiller du ministre du Budget en charge de la rémunération des fonctionnaires, le chef de cabinet du président du Conseil économique et social, le secrétaire général du gouvernement, le patron des jeunesses du PDG, le directeur général du Fonds d’entretien routier, le Président-Directeur général de l’entreprise de distribution d’hydrocarbures PetroGabon, le directeur général du Fonds gabonais d’investissements stratégiques, la fille ainée du président de la République, une sœur cadette au président de la République, le conseiller fiscal du ministre de l’Economie, le gérant de la grande pharmacie des Forestiers. Si l’on tient compte des liens matrimoniaux ou familiaux existants entre nombreux de leurs membres, ces listes semblent verser dans une consanguinité inédite. D’autant que, nombreux sont ses membres qui sont, par ailleurs, inscrits au bureau politique du PDG au titre de fédérations autres que celle d’Akanda. Comme le note un fervent militant PDG, par ailleurs suppléant d’un député, « la composition de cette liste ne correspond pas à la tradition politique du PDG ».
En effet, à Akanda, la logique politique semble bien loin. On y retrouve aussi bien des membres du bureau politique pour la province de l’Estuaire que ceux d’autres provinces comme le Haut-Ogooué ou la Nyanga. Or, le bureau politique est censé être l’émanation des fédérations qui, dans le cadre d’un scrutin local, semblent les mieux placées pour mesurer le rapport de forces sur le terrain. Interrogés sur le rôle des fédérations dans la composition des listes à Akanda, les hiérarques PDG haussent les épaules, font la mou et affichent un silence dubitatif et résigné voire réprobateur. Une attitude qui en dit long sur le trouble qui s’est emparé des militants aussi bien au sujet de l’opportunité de l’érection de cette zone en commune urbaine que de la composition des listes PDG.
La communication desdites listes ne facilite d’ailleurs pas la lisibilité des choses. Alors que la chaîne de télévision privée TV+ est régulièrement accusée de tous les maux, que de nombreux militants voire des administrations et entreprises privées ont jusque-là rechigné à collaborer avec elle par crainte d’éventuelles représailles, les listes d’Akanda y diffusent des spots qui passent en boucle. Ce qui est permis aux uns est-il interdit aux autres ? Ou alors les réticences affichées jusque-là procédaient de l’excès de zèle ?
Par ailleurs, comment expliquer que des listes dont le directeur de campagne se trouve être le coordonnateur général du Plan Stratégique Gabon Emergent puisse avoir pour slogan « la ville dans le parc » alors que le « Gabon vert » est l’une des composantes essentielles de la politique qu’il est censée défendre et mettre en œuvre ? Une ville ne pouvant exister dans un parc national, a-t-on décidé de déclasser le parc national d’Akanda ? « Le Gabon vert » se fera-t-il sans ce Parc national ? Comment comprendre que l’avis de l’Agence nationale des parcs nationaux, qui dit être sous tutelle de la présidence de la République, n’ait pas été requis avant la formulation de ce slogan ? Et que penser de la coordination voire de l’entente entre collaborateurs du président de la République ?
Autre fait qui a alimenté la chronique : la légalité de cette commune. Pour de nombreux observateurs, Akanda ne saurait être une commune urbaine. La quasi-ruralité des zones de situées entre Avorbam et Agondjé, d’une part, et le Cap Estérias, d’autre part, laisse plutôt penser à une commune rurale. Pis, la délimitation ne semble pas toujours évidente. A en croire un politiste ayant requis l’anonymat, si la création de la commune d’Akanda et la composition des listes PDG n’ont, à ce jour, pas suscité de débats ouverts aussi bien au gouvernement que dans l’appareil PDG, c’est davantage du fait du soutien du président de la République dont ces initiatives se prévalent. Ce soutien supposé sera-t-il suffisant pour drainer les voix des électeurs et garantir la viabilité de cette commune ? L’avenir le dira….