Si l’on a toujours attendu que l’opposition radicale tende la main au pouvoir pour une détente du climat politique, en situation de guerre larvée, la fin des municipales et les stratégies pour la prise de l’Hôtel de ville de la capitale, sont sans doute l’occasion rêvée. Jean Eyéghé Ndong, candidat au poste de maire de Libreville, a appelé, le 20 décembre à Libreville, à l’«ouverture» pour la constitution d’une «majorité de gestion».
On le présageait en tout cas : Jean Eyéghé Ndong, candidat à la mairie de Libreville, va devoir faire ses preuves de négociateur s’il veut voir se réaliser son ambition de devenir l’édile de la capitale gabonaise. En effet, sur les 151 sièges à pouvoir dans la commune de Libreville, les listes indépendantes dites proches de la prohibée Union nationale (UN) en remportent 48, contre 42 pour le Centre des libéraux réformateurs (CLR) et 61 pour le Parti démocratique gabonais.
Alors qu’on s’attendait à ce qu’il dénonce d’abord les résultats finaux du scrutin du 14 décembre, officiellement rendus la veille dans la nuit, Jean Eyéghé Ndong s’est plutôt lancé dans une stratégie digne des enseignements de Sun Tzu, l’auteur de «L’art de la guerre». En effet, autour de l’ancien Premier ministre, au sein d’une bonne frange de l’opinion, et selon les premières estimations annoncées, tout le monde est convaincu de ce que bien de résultats des urnes ont été tronqués, notamment ceux réalisés par Chantal Myboto Gondjout, son alliée de l’UN. Mais, ce vendredi 20 décembre à sa permanence et QG de campagne du quartier Nkembo dans le 2e arrondissement, Jean Eyéghé Ndong a plutôt choisi d’adopter une démarche conciliante, pour ne pas dire diplomatique.
En compagnie de Marcel Djabio, Chantal Myboto Gondjout et Noé Abeke Madola, tous leaders de listes «Libreville pour tous», le candidat à la mairie de Libreville, Jean Eyéghé Ndong, a lu une déclaration devant la presse, les sympathisants et militants de l’UN. Passé les commodités d’usage consistant à planter le décor et à remercier tous ceux qui l’ont soutenu, il a laissé entendre que l’adhésion massive au projet «Libreville pour Tous», le «convainc davantage de la justesse de [sa] vision pour notre capitale qui demande, depuis plusieurs années, à être prise en mains en termes de gestion par un pouvoir municipal fort et déterminé. Un pouvoir municipal qui puisse y diffuser le progrès économique, social et culturel comme le prévoit la loi organique relative à la décentralisation.»
Précisant sa pensée pour la suite des évènements, Eyéghé Ndong, l’œil sur le rétroviseur, a indiqué : «en sollicitant vos suffrages, je n’ai pas manqué non plus de rappeler que les élections locales basées essentiellement sur une gestion de proximité, appellent une union des sensibilités politiques diverses, susceptibles d’être élues. En d’autres termes, la constitution d’une majorité de gestion.» Et, prenant en compte les forces en présence telles que proclamées par la Cenap, il s’est lancé dans une explicitation du concept de majorité de gestion : «Au vu du verdict que vient de nous livrer les autorités compétentes, la municipalité de Libreville sera nécessairement ouverte à une majorité de gestion. J’en appelle donc au sens de l’intérêt général, ce dont je ne doute pas de ceux et celles qui viennent d’être élus à Libreville pour n’avoir dans leur vision que la première commune du Gabon dont le principal enjeu est de promouvoir son image et son attractivité, en terme économique, social et culturel. Il est hautement souhaitable que, quelles que puissent être nos appartenances politiques et nos ambitions, nous privilégions l’unité indispensable pour la gestion de Libreville, car les contributions des uns et des autres d’où qu’elles viennent seront d’une utilité indispensable dès lors qu’elles apporteront à notre ville les semences nécessaires à la promotion et au maintien de son prestige.»
Fort de ce qu’avec 48 conseillers municipaux sur les 151 que va compter Libreville, il ne peut parvenir seul au fauteuil de maire de la capitale, le dernier Premier ministre d’Omar Bongo, a rappelé que «le parti démocratique gabonais (PDG), le groupe des listes indépendantes des 1er, 2ème , 4ème, 5ème et 6ème arrondissements qui me soutiennent et le Centre des libéraux réformateurs (CLR) sont les trois entités restant en lice pour l’élection du bureau du conseil municipal de Libreville. Le scrutin pour l’élection des conseillers municipaux étant de type proportionnel, cette modalité n’a permis à aucune entité politique d’obtenir la majorité absolue.»
Pour conclure, Jean Eyéghé Ndong a effectué ce qu’un journaliste présent appellera ensuite une «main tendue». Il a donc clairement laissé comprendre qu’«au regard des enjeux que présente la gestion de la mairie de Libreville, enjeux qui transcendent les clivages politiques et ethniques, il ne s’offre à nous qu’une seule alternative, celle de la constitution d’une majorité de gestion pour la capitale du Gabon. Pour ma part, je reste dans l’esprit de ma déclaration de candidature du 23 août dernier : celui du rassemblement et de l’ouverture.»
Ouverture. Le mot a été lâché. Dans un contexte politique de gestion sans partage du pays, le parti au pouvoir, reproché d’égocentrisme depuis l’accession d’Ali Bongo à la présidence de la République, se voit là offrir une belle occasion d’ouvrir une ère de détente en examinant, et pourquoi pas en acceptant, la franche proposition de ce vice-président de l’Union nationale, parti politique dissous début 2011.
Le PDG se trouve maintenant face à dilemme : faire alliance avec le CLR, formation politique de la Majorité républicaine pour l’Emergence, qu’il a franchement combattu durant le processus électoral qui s’achève, et faire ainsi la paix avec cet allié de longue date ; ou briser l’impression de monopartisme que laisse entrevoir le Gabon avec un parlement monocolore et des institutions républicaines entièrement occupées par le parti au pouvoir, en adoptant une position de circonstance qui favorisait l’ouverture proposée par Eyéghé Ndong. La magnanimité et l’ouverture d’esprit d’Ali Bongo, dernier arbitre dans l’ombre ainsi que tout le monde en convient, va être éprouvée.