Après avoir observé près d’une semaine de jeûne sur le parvis de la Mairie de Ndendé qui vient de tomber aux mains du Parti démocratique gabonais (PDG), le secrétaire politique en charge de la communication de l’Union du peuple gabonais (UPG), Bruno Ben Moubamba, a regagné Libreville le week-end écoulé. Interviewé par Gabonreview, il explique les mobiles de son acte qualifié de «comédie» par certains observateurs.
Vous venez de mettre un terme à votre jeûne observé pendant près d’une semaine sur le parvis de la Mairie de Ndendé. Quelles étaient les véritables raisons de cet acte ?
Etant un militant pacifiste, je pratique le «jeûne» non seulement comme un exercice métaphysique pour résister au mal qui est en nous et dans tout le pays mais aussi comme une forme de protestation non violente contre le Parti au pouvoir dans notre Gabon depuis un demi-siècle. Le but de ce jeûne était de soutenir la population locale traumatisée par le vote du 14 décembre et d’appeler les gens à la résistance. Perdre Ndendé maintenant c’est trahir la mémoire de nos ancêtres qui ont tant lutté pour préserver l’avenir du Gabon.
À Ndendé, la liste UPG a battu celle du PDG avec près de 70 % des voix mais Yves-Fernand Manfoumbi, le directeur général du budget (DGB) et représentant du Parti démocratique gabonais qui n’était pas candidat, a fait entrer des dizaines de bus et près de 900 votants dont des étrangers et des personnes ne s’étant pas enrôlés. Ils ont voté dans notre commune et dans le département de la Dola, pour certains sans pièces d’identité et d’autres avec le récépissé d’enrôlement. La moitié des 900 transportés par le DGB pour se tailler un fief à sa démesure a voté dans Ndendé à la stupéfaction des locaux alors que l’autre moitié est allée peser dans les villages du département.
Ainsi, à Dilolo (15 km de Lambaréné) le village est passé d’une trentaine d’habitants à près de 200 âmes. Outre le fait que les vrais membres de la liste du PDG ont été inexistants pendant la campagne, le DGB a été le vrai candidat et il a utilisé le nom d’Ali Bongo de façon démesurée allant jusqu’à déclarer que s’il a vaincu un éléphant (Pierre Mamboundou) ce n’est pas une gazelle qui lui résisterait. Passant dans le registre des menaces de mort, nous avons compris que le Parti démocratique gabonais recherchait à Ndendé plus qu’une victoire aux municipales. Il s’agit d’humilier Pierre Mamboundou jusque dans sa tombe en dépeçant son œuvre politique jusqu’à narguer le «peuple de l’UPG» tous les jours face à la tombe de l’opposant historique qu’ils veulent gérer.
Le PDG n’a pas gagné à Ndendé, la liste du Parti au pouvoir devrait être disqualifiée et la tombe de Pierre Mamboundou doit être protégée des projets de profanation qui existent bel et bien. Si nous cessons de nous battre Pierre Mamboundou sera mort pour rien. Cela n’est pas acceptable et ne sera pas accepté.
Votre retour sur Libreville serait-il synonyme de votre victoire ou d’acceptation de la présumée défaite de l’UPG?
Mon retour sur Libreville se justifie pour plusieurs raisons : le moral des populations de Ndendé est remonté après plusieurs jours de jeûne sur le parvis de la Mairie, les autorités de l’État ont entendu les protestations venues de Ndendé et nous avons décidé de déposer un recours devant la Cour Constitutionnelle pour que les résultats provisoires de la ville de Ndendé et du département de la Dola soient modifiés en défaveur du PDG. Est-ce naïf de notre part au vu des soupçons de partialité de la Cour ? Nous disons en aucune manière. Nous croyons dans le minimum d’institutions dont notre pays s’est doté et nous nous en remettons sans infantilisme en la sagacité de la Cour pour que les manœuvres du directeur général du budget ne deviennent pas une atteinte à la «démocratie locale».
Si un haut fonctionnaire peut se comporter n’importe comment en raison de sa proximité avec le président de la République, alors oui, le contrat social entre les citoyens de notre pays peut voler en éclat à n’importe quel moment.
Que prévoyez-vous faire pour ne pas permettre au PDG d’assurer la gestion de la mairie de Ndendé?
Que les choses soient bien claires : nous n’accepterons jamais que le parti au pouvoir dirige la ville de Ndendé, le fief politique de l’Union du peuple gabonais, alors que la députée de la circonscription est déjà un membre du PDG. Ce serait vécu par le «Peuple de l’UPG», pour le moment, comme un sacrilège et un «casus belli», une humiliation et une provocation inutiles. Après le jeûne et le recours à la Cour Constitutionnelle, nous serions contraints de nous radicaliser. Dans ce contexte, Bruno Ben Moubamba serait prêt dès la rentrée de janvier 2014 à décréter la fin de l’Etat-PDG par une révolution populaire tranquille mais déterminée. Oui, nous serions prêts à prendre la tête de la contestation sociale dans tout le pays avec les syndicats, les élèves et tous les citoyens en colère sur l’ensemble du territoire. Le pouvoir doit choisir la manière avec laquelle nous allons le combattre : la politique ou la rue ? Bruno Ben Moubamba se sent à l’aise sur les deux tableaux. Le pouvoir gabonais a la force de son côté et comme nous l’a dit Yves-Fernand Manfoumbi «le PDG a le pouvoir et contrôle toutes les institutions, l’UPG n’a donc rien à dire». Mais la puissance ne suffit pas.