Une telle question mérite d’être posée au regard de la prolifération de la vente, ambulante ou en bordures de routes, de médicaments ou encore des opérations d’incinération de médicaments illicites saisis ici et là dans le pays. Le dernier cas en date, plusieurs tonnes de produits pharmaceutiques contrefaits ont été incinérés le 24 décembre 2014 à Okolassi, un village situé à environ 30 kilomètres de Libreville.
Dans les marchés de la capitale gabonaise, de Mont Bouët à Nkembo, en passant par Nzeng-Ayong ou Oloumi, les étals proposant aux consommateurs des médicaments allant des plus courants aux plus recherchés sont visibles de tout le monde. L’affaire qui ne se fait nullement sous le manteau, attire nécessairement les populations au pouvoir d’achat le plus faible. Pour elles, ces «médicaments par terre», vendus au détail et à petits prix, sont la solution à leurs problèmes de santé.
Ici l’on ne se souci guère de la provenance et de la conservation, deux éléments garantissant la qualité, la fiabilité et l’efficacité d’un médicament. «On ne cherche pas à savoir d’où les médicaments viennent. Nous, on veut seulement se soigner. Comme parfois certains produits sont chers en pharmacie, on les prend ici en détail. Ça nous aide», explique une dame achetant des médicaments en bordure de route au marché de Nzeng-Ayong.
«Le circuit de provenance de ce médicament échappe à tout contrôle», note un infirmier en service dans une structure sanitaire du même quartier. Pour lui, en plus du «laxisme coupable des dirigeants quant à la lutte contre ce fléau, il y a des complicités qui permettent l’écoulement de faux médicaments sur le marché. Une affaire de gros sous», qui met pourtant en danger la santé de la population qui y recoure.
Pourtant, comme pour montrer que l’Etat se bat pour réduire ce phénomène, plusieurs tonnes de médicaments illicites ont été incinérées avant d’être enfouis par le Génie militaire, le mardi 24 décembre dernier, à Okolassi. Ces produits pharmaceutiques, d’une valeur marchande estimée à plusieurs millions de nos francs, provenaient essentiellement, selon un agent du ministère de la Santé, des saisies effectuées lors des descentes policières dans ces «pharmacies par terre» et dans certaines officines privées de la capitale gabonaise, mais aussi de divers contrôles effectués par les Douanes gabonaises dans les ports et aéroports du Gabon. Un contrôle de ce type a d’ailleurs récemment permis, selon le quotidien L’Union, «aux douaniers de mettre à nu un important réseau de trafic de médicaments contrefaits entre la Chine et le Gabon via certains pays de l’Afrique de l’ouest».
Si cette incinération est un signal lancé par les autorités gabonaises aux trafiquants et autres vendeurs de médicaments contrefaits, il n’en demeure pas moins que l’on doit miser sur la sensibilisation pour encourager les populations à se tourner vers les pharmacies et officines officielles. Car, l’ignorance et l’absence de campagnes régulières de sensibilisation laissent la place aux trafiquants qui continuent de mener leur activité sans respect de la vie qu’ils prétendent ainsi sauver. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime le trafic à plusieurs milliards de dollars et indique que 700.000 personnes sont tuées quotidiennement à travers le monde par ces médicaments.
C’est vrai, le Gabon a ratifié certains instruments juridiques internationaux dans le cadre de la lutte contre le crime organisé et sur le plan local, la Direction du médicament et de la pharmacie, service technique du ministère de la Santé, a pour rôle de lutter contre le trafic des produits pharmaceutiques contrefaits, en veillant au respect de la réglementation en vigueur. Reste donc que ces services agissent davantage et avec efficacité pour que dans quelques années, l’on n’ait pas à regretter cette gangrène qui aurait pu être coupée à la racine lorsqu’il était encore temps.
