Après l’acharnement médiatique et judiciaire du ministre de l’intérieur français, Manuel Valls, qui a conduit à l’interdiction en appel par le Conseil d’Etat du spectacle de l’humoriste Dieudonné le 9 Janvier dernier à Nantes, l’heure est à la remise en question de la liberté d’expression dans le pays des Droits de l’Homme. Alors que le gouvernement félicite une victoire pour la République, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’ouverture de la boîte de pandore en matière et de liberté d’expression, et une justice à deux vitesses.
Le 9 Janvier dernier, le Conseil d’Etat français a ordonné l’interdiction du nouveau spectacle de l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala, « Le Mur ». Saisie par le Ministre de l’intérieur, la plus haute juridiction administrative de France a déjugé, en quelques heures seulement, la décision du tribunal administrative de Nantes, qui avait débouté l’après-midi même Manuel Valls de sa demande d’interdiction de la représentation, invoquant des propos « antisémites », et « un appel à la haine » susceptible d’engendrer des troubles à l’ordre public. Cette rocambole politico-judiciaire passionne les tabloïds français depuis deux semaines, d’aucuns dénonçant une attaque sans précédent à la liberté d’expression, d’autres une victoire pour la République, mais tous se répandant de dégoût pour l’humoriste talentueux devenu triste polémiste antisémite et négationniste.
« Dieudonné est mu par la haine du juif », déclare le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, qui s’est fait depuis deux semaines son hardi pourfendeur. Un choix étonnant, car non seulement « l’affaire Dieudonné » n’est pas récente, mais en plus la conjoncture sociale et économique française esquisse d’autres urgences que la mise au silence d’un « humoriste aux propos douteux ».
Au lendemain de cette décision « exceptionnelle » du Conseil d’Etat, et de l’acharnement politico-médiatique de Manuel Valls, beaucoup dénoncent une tentative de diversion de l’opinion, et du même coup l’ouverture de la boîte de pandore en matière de liberté d’expression. En effet, dans son ordonnance du 9 Janvier, le Conseil d’Etat semble prendre les mesures de son acte, puisqu’en préambule figure un rappel de l’attachement aux principes fondamentaux de la liberté d’expression et de pensée, puis sa décision soigneusement exposée, conscient qu’elle rompt avec sa jurisprudence antérieure, qui rendait quasiment impossible l’interdiction préventive d’un spectacle.
Aussitôt la déclaration de l’annulation des deux premières dates de sa tournée avec son spectacle « Le Mur », Dieudonné a annoncé qu’il changeait le titre et le contenu de son spectacle, et qu’il consacrerait son nouveau thème à l’Afrique. « Il reste sous surveillance » déclare Manuel Valls, la situation « semble » s’apaiser, mais chacun sait que le pavé a été lancé dans la marre. La dénonciation d’une justice à deux vitesses est déjà presque inéluctable.
Dieudonné rencontre une vague de soutien importante en France et à l’étranger, et tous s’accordent à crier à l’acharnement, et à la diffamation : « Dieudonné n’est pas antisémite, et nous qui venons voir ses spectacles non plus ! », s’exclame devant le Zénith de Nantes un des 4 000 spectateurs qui s’apprêtait à aller voir le spectacle « polémique ».
Depuis ce 1er Décembre 2003 où il interprète un colon israélien dans l’émission « On ne peut pas plaire à tout le monde » de Marc Olivier Fogiel, la carrière de Dieudonné est parsemée de démêlés judiciaires, dont la plupart ont été tranchées en sa faveur, contrairement à ce que reflètent les articles de la presse hexagonale. Mais ce qui frappe le plus, c’est certainement le deux poids deux mesures dans la condamnation des propos de Dieudonné. Quiconque a vu ses nombreux spectacles sait que l’ironie acerbe sur le racisme est son thème de prédilection, et que toutes les religions, tous les peuples et toutes les idéologies en prennent pour leur grade. Mais il n’y a que pour ses propos sur le peuple juif et l’Etat d’Israël qu’il a été sans cesse attaqué, banni des médias, et entravé constamment dans l’exercice de sa profession. En outre, il aborde de nombreux autres thème dans ses spectacles, là également, chape de plomb des médias français sur le contenu « réel » des spectacles de l’humoriste. Enfin, est-il besoin de rappeler qu’en leurs temps, Pierre Desproges et Coluche ont tenu des propos tout aussi « provocateurs », sans se voir stigmatiser de la sorte.
A y regarder de plus près, les propos de Dieudonné se sont densifiés graduellement depuis 2003 sur un sujet qui est a lutte contre le « sionisme », cause dont les principaux défendeurs se trouvent être ses principaux pourfendeurs judiciaires. Mais là encore, nous subissons un silence assourdissant des principaux médias français pour édifier la population sur la différence entre « antisionisme » et « antisémitisme ». L’un étant la lutte contre une idéologie religieuse extrémiste et son influence sur la politique mondiale, et l’autre le racisme pur et simple envers le peuple juif. Un flou soigneusement entretenu. D’ailleurs la plupart des sujets touchant de près à l’Etat et au gouvernement d’Israël semble unanimement générer des flous artistiques de la part de la classe médiatique mondiale. Comment d’ailleurs expliquer qu’il existe un terme « à part » pour parler du racisme envers les juifs : l’antisémitisme, alors que toutes les autres formes de racismes sont exprimées par le même terme générique de racisme. Une des associations les plus actives sur ce front est « La Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme » (LICRA), pourquoi dissocier ces deux formes de discriminations ? L’une est-elle prédominante sur les autres ?
D’ailleurs nous avons récemment eu droit à quelques déclarations publiques portant « atteinte à la dignité humaine », notamment les déclarations de monsieur Guerlain au JT de 13h sur France 2, celles d’une élue du FN sur la ministre de la Justice, Christiane Taubira, ou les déclarations de chroniqueurs « polémistes » comme Eric Zemmour sur la communauté noire et arabe de France, sans que cela n’émeuve outre mesure Manuel Valls.
Le danger, c’est que le peuple français ressente cette logique du « un poids, deux mesures », et que cela créé des frustrations, qui se cristalliseront inéluctablement avec le temps en haine, et in fine en racisme. En entretenant le silence sur des sujets qui divisent et qui inquiètent, en « politisant » la régulation des droits humains, le gouvernement de Jean Marc Ayrault, et François Hollande, qui ne s’est pas privé de soutenir vivement l’action de son ministre, envoient un signal dangereux. C’est le signal d’une justice à deux vitesses, qui dans une société économiquement touchée et socialement dégradée, risque lui réellement, à court, moyen et long terme, de générer des « troubles à l’ordre public ».