Novice en politique, la candidate PDG à la mairie de Libreville pourra-t-elle déjouer tous les pièges et traquenards ?
On ne dira pas qu’elle boit du petit lait, jubile ou pavoise en ce moment. A peine a-t-elle été désignée candidate du Parti Démocratique Gabonais (PDG, au pouvoir) au poste de maire de Libreville que Rose Christiane Ossouka Raponda doit essuyer le feu des critiques et la défiance de ses coreligionnaires. « Elle était en 8ème position sur une liste qui a subi un quasi-naufrage. A quelques centaines de voix près, elle ne devenait pas conseiller municipal », fait remarquer un militant PDG du IVème arrondissement de Libreville, qui ajoute : « Quel est son passé politique ? Qui peut dire de quand date son militantisme au PDG ? Où était-elle en 2009 quand ça chauffait ? ». Les réseaux sociaux se déchaînent, chacun y allant de son commentaire. « Les électeurs auraient-ils eu l’attitude qui a été la leur si on leur avait dit que c’est elle qui serait désignée maire ? », s’interroge un internaute sur le forum de discussion Info Kinguélé. Et, ça n’en finit pas : « Pour le PDG, la mairie de Libreville ressemblait jusque-là un peu trop à un cadeau, un lot de consolation pour barons. Maintenant elle prend des allures de prix d’une tombola », assène un observateur qui tranche : « Avec Ossouka Raponda on est face à un non-choix, à une candidature par défaut puisque les autres prétendants Mpongwè ont été éliminés pour des raisons diverses, qui tiennent parfois à la vie privée ou aux liens familiaux ». Mais, pourquoi donc le PDG a-t-il jeté son dévolu sur cette dame ?
Cette novice, entrée en politique comme par effraction puisque venant de la haute administration, semble trop peu expérimentée pour la machine qu’est la municipalité de la capitale. « Avant d’entrer au gouvernement, elle n’avait jamais été que directeur général adjoint. C’est-à-dire qu’elle n’accomplissait que les tâches que ses supérieurs voulaient bien lui déléguer sans pour autant pouvoir décider de quoi que ce soit. Devenue ministre, elle ne gère pas l’investissement », souligne un cadre de la mairie de Libreville, poursuivant : « on a vu comment elle s’est emmêlé les pinceaux dans l’opération d’identification des agents publics sans affectation ». Effectivement, cette opération avait tourné en une grosse farce tant des ministres tels Ruffin Pacôme Ondzounga ou des hauts fonctionnaires dont la visibilité ne fait l’ombre d’un doute tels le porte-parole du ministère des Affaires étrangères ou le Directeur général adjoint de Gabon télévision eurent la désagréable surprise de se voir convoqués par voie de presse au motif qu’ils étaient sans affectation. Sur la même lancée, d’aucuns rappellent que le récent emprunt obligataire de 750 milliards de nos francs a été l’œuvre du ministre de l’Economie, épaulé pour la circonstance par son collègue des Mines et de l’Industrie, ainsi que d’un de ces prédécesseurs. « Pourquoi le gouvernement a préféré faire appel à Immongualt et Toungui qui avaient piloté le précédent emprunt de 1000 milliards au lieu de laisser Ossouka Raponda et Oyoubi faire leur job ? », lance un autre internaute. Pour de nombreux observateurs, tous ces faits justifient le peu d’enthousiasme que déchaîne la jeune dame.
En effet, ce n’est pas un authentique poids lourd politique et technocratique que le PDG lance à l’assaut de la mairie de Libreville. Alors que les supputations allaient bon train, cette candidature étonne autant qu’elle détonne pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’elle devra franchir l’écueil Jean-François Ntoutoume-Emane. Ancien Premier ministre, plusieurs fois ministre, ancien idéologue du PDG, le maire sortant est un baron parmi les barons du PDG. Son éviction de la tête de liste du Vème arrondissement de Libreville a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Pis, de nombreux observateurs notent que pour la première fois, le maire de Libreville n’a pas eu droit à la parole durant la cérémonie de vœux au président de la République. Cette entorse à la tradition serait-elle révélatrice d’un froid entre le «doyen politique de Lalala» et le président de la République ? Sachant que Ntoutoume-Emane entretient une cour impressionnante, que ses affidés occupent des postes juteux à la mairie, peut-on penser qu’il acceptera de gaieté de cœur que les conseillers qui se réclament de lui votent les yeux fermés ou doit-on imaginer qu’il sera enclin à soutenir le candidat auprès de qui il bénéficie de meilleurs entrées et avec qui il peut traiter en toute confiance ? Autre écueil, Hugues Alexandre Barro Chambrier. De toute évidence, l’ancien ministre du Pétrole croyait son heure venue. «Avec son parcours professionnel et politique et surtout son score aux dernières locales, Chambrier était logiquement le mieux placé pour briguer cette fonction », analyse un militant PDG, qui en vient à se demander si l’option du « vote mécanique et partisan » l’emportera encore cette fois.
Face aux frustrations et déceptions générées par son choix, Rose Christiane Ossouka Raponda en est réduite à ne compter que sur la « discipline partisane ». «Tel que les choses se présentent, le PDG pourrait être obligé de faire établir des procurations pour s’assurer du vote de ses conseillers en faveur de sa candidate », explique un militant de vieille date de la fédération de l’Ivindo. Il indique que ce parachutage en règle est de nature à conduire les conseillers de Libreville à imiter leurs collègues de Minvoul, qui ont préféré voter pour un indépendant que soutenir le choix de la direction de leur parti, et à démobiliser la base historique du parti dans la province de l’Estuaire.
Entrée en politique à la faveur de son arrivée au gouvernement, Rose Christiane Ossouka Raponda est trop peu madrée pour déjouer tous les écueils qui semblent se présenter à elle. Mais, comme tout candidat officiel, elle veut croire que le soutien de la direction du PDG suffira à la protéger. Et puis, comme de nombreux analystes, elle veut croire que personne n’aura assez de courage pour s’opposer au choix de la direction du PDG et prendre le risque d’ouvrir une crise à l’entame de la dernière séquence du mandat d’Ali Bongo.