spot_imgspot_img

En 1879, le maire de Paris était noir : le saviez-vous ?

Severiano-de-Heredia29411Severiano de Heredia, fils d’esclaves affranchis, fut nommé en 1879 président du Conseil municipal de Paris. Cependant, depuis sa disparition en 1901, son nom a été effacé des livres d’histoire de France.

Paris sait-il qu’il y a moins de cent cinquante ans son maire était noir? Le livre, «Ce mulâtre que Paris fit maire et la République ministre», du professeur émérite à l’université de Paris-VIII Paul Estrade, présenté vendredi dernier à l’Assemblée nationale française, préfacé par la première députée noire de la capitale, Georges Pau-Langevin, retrace le parcours de Severiano de Heredia, tombé aux oubliettes de la IIIème République française.

Franc-maçon, ce fils d’esclaves affranchis d’origine cubaine et cousin direct du poète José Maria de Heredia, représentait à l’époque la modernité et l’évolution de la pensée contemporaine. «Il marchait aux côtés des défenseurs de la presse libre et soutenait l’effort de la révolution industrielle. Il partageait aussi les idées de Jules Ferry pour la laïcité dans la vie publique», rappelle Paul Estrade.

L’auteur a épluché les archives de la police de Paris, de la Bibliothèque nationale, du Grand orient de France, ainsi que les archives cubaines afin de rétablir l’histoire. «En France, seul l’archiviste du Grand orient de France avait remarqué son nom clinquant et son rang éminent au sein de la hiérarchie maçonnique. Mais il ne s’avait pas qu’il était noir.» Severiano de Hérédia a été élu conseiller municipal du quartier des Ternes en 1873, puis président du conseil de Paris en 1879 et député de la Seine en 1881. Il devient en 1887 le premier ministre noir des Travaux publics. Un ministère de plein pouvoir dans le gouvernement Rouvier. «Severiano de Hérédia était un grand réformiste social et laïc», résume l’auteur.

«Le colonialisme a conduit Heredia à sa perte», annonce l’auteur. «Alors que l’on justifie les conquêtes africaines pour civiliser les populations noires, il était assez contradictoire d’avoir un mulâtre au sein du gouvernement français», ajoute-t-il dans son livre. Son déclin a commencé à se préciser durant l’Exposition coloniale de 1886 au jardin d’Acclimatation, où les populations indigènes étaient exposées comme des animaux.

Après ses échecs aux élections législatives de 1889 et de 1893, il se retire de la scène politique, pour se consacrer à la littérature. Le colonialisme et la Première Guerre mondiale font alors tomber dans l’oubli celui qui fut le premier ministre «non blanc européen». Il meurt le 9 février 1901 à son domicile parisien de la rue de Courcelles, sans avoir jamais été décoré de la Légion d’honneur. Il n’est même pas mentionné sur la stèle des célébrités du cimetière des Batignolles, où il est enterré, ni dans les dictionnaires et encyclopédies populaires actuelles. Aucune trace de son nom dans le Paris d’aujourd’hui ou ailleurs en France. Il est le créateur des bibliothèques municipales à Paris et, à la suite de Victor Hugo et Jules Ferry, président de l’association Philotechnique. Ce grand républicain classé au cimetière des oubliettes fait partie de ces Noirs qui ont fait la France. Le site de l’Assemblée nationale lui consacre néanmoins une courte biographie.

Paul Estrade, Severiano de Heredia. Ce mulâtre cubain que Paris fit «maire», et la République, ministre. Éditions Les Indes savantes, 2011, 162 pages.

Exprimez-vous!

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_imgspot_img

Articles apparentés

spot_imgspot_img

Suivez-nous!

1,877FansJ'aime
133SuiveursSuivre
558AbonnésS'abonner

RÉCENTS ARTICLES