Vrai technocrate ou politique de circonstance ? Légaliste ou adepte des passe-droits ? L’analyse du parcours du nouveau secrétaire général de la présidence de la République révèle un personnage bien différent de l’image de rigueur souvent renvoyée par les médias.
Environnement, conservation du patrimoine naturel et culturel, climatologie, géomatique et télédétection, enseignement supérieur et technique, administration générale…. Dans quel autre domaine Etienne Massard Kabinda Makaga pourra-t-il encore aller s’essayer ? Jusqu’où s’étendent ses compétences ? Jusqu’où ira son pouvoir ? La confiance qu’Ali Bongo Ondimba semble placer en lui et sa récente nomination au très stratégique poste de secrétaire général de la présidence de la République en font désormais une énigme, quelqu’un dont on aimerait connaître les compétences réelles, ressorts, alliances et réseaux. Pour l’heure, ce microbiologiste de formation qui, après une carrière pas toujours rectiligne, se retrouve au sommet de l’Etat intrigue et suscite la curiosité. Il ne défend aucun bilan réel, sauf celui de servir au mieux le président de la République depuis un peu plus de quatre (4) ans maintenant. «Dans les réunions, il en impose toujours parce qu’il se réclame systématiquement du président dont il se veut un des meilleurs exégètes de la pensée », explique un cadre de l’administration de l’Environnement. Lui ne semble pas toujours disposé à parler de ses œuvres et réalisations, convaincu que le meilleur moyen de creuser son sillon est de jouer la carte de la fidélité et de la loyauté au chef de l’Etat.
Rien pourtant ne prédestinait cet enseignant en biologie à se retrouver au sommet de l’Etat. Aujourd’hui encore, personne ne sait vraiment quel chemin a-t-il emprunté pour partir de la direction générale de l’Environnement au cabinet du président de la République. Surtout, les nominations successives dont il a bénéficié et la forte concentration de pouvoirs qu’elles induisent n’en finissent plus d’étonner. « Durant les deux premiers mois de pouvoir d’Ali Bongo, il a été nommé à presque tous les Conseils des ministres. Une fois, il a même été nommé deux fois le même jour », observe un journaliste au quotidien Gabon Matin. Effectivement nommé le 5 novembre 2009 conseiller du président de la République, il va très vite cumuler de nombreuses fonctions, au point de devenir conseiller spécial de fait et d’apparaître comme un des hommes forts du régime. Lui arrive-t-il de laisser son autorité technocratique et professionnelle prendre le pas sur sa consœur administrative et politique ? De prime abord oui, puisqu’il semble être à l’origine de l’Agence gabonaise d’études et d’observations spatiales (AGEOS) et surtout du Conseil climat. Mais, la nécessité de la création de ces entités est encore sujette à caution tant, jusque-là, l’Institut national de cartographie (INC) et la Direction générale de l’Environnement remplissaient, avec un certain succès, les missions qui leur incombent désormais.
En décembre 2010, durant la Conférence de Cacun au Mexique, une gazette intitulée « Climate issues » se demandait d’ailleurs qui était le point-focal gabonais de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), Etienne Massard Kabinda Makaga ou Louis Léandre Ebobola Tsibah. Relevant avec ironie que le patron exécutif du Conseil-Climat était bien point-focal quand il occupait les fonctions de directeur général de l’Environnement, cette gazette établissait même un parallèle avec la situation politique qui prévalait alors en Côte d’Ivoire, où un bicéphalisme s’était installé au sommet de l’Etat. « Le Syndrome ivoirien fait partie du patrimoine génétique de certaines personnes qui arrivent pouvoir », pouvait-on lire dans cette gazette, qui poursuivait : « Le syndrome ivoirien place les individus au-dessus de l’Etat et considère que les intérêts individuels passent avant l’intérêt national », avant de conclure : « Ce syndrome postule que personne d’autre que moi ne détient la vérité. Je suis indispensable au progrès de mon pays. Je suis le seul à pouvoir résoudre certains problèmes. Sans moi, rien ne peut avancer. Même le gouvernement est moins compétent que moi ».
Psychorigide
Visiblement publiée pour la circonstance et dirigée contre Etienne Massard Kabinda Makaga et partant le Gabon, cette gazette sema alors trouble et émoi au sein du cabinet de Ruffin Pacôme Ondzounga, à l’époque ministre de l’Habitat, en charge de l’Environnement. En novembre 2011, à la veille de la conférence de Durban, l’ONG Brainforest publiait une note de position à travers laquelle elle s’interrogeait sur la légalité du Conseil climat, sa conformité aux engagements internationaux du pays et la capacité de ses principaux dirigeants à traiter de la question climatique avec précision et en toute connaissance de cause. Quelques semaines avant, une conférence sur les changements climatiques organisée dans les locaux de l’Institut français du Gabon par l’ONG Wildlife Conservation Society (WCS) avait été annulée in extremis à la demande de…. Etienne Massard Kabinda Makaga. Tout se passe donc comme si le secrétaire général de la présidence de la République avait l’exclusivité de cette matière. Semble-t-il, toute tentative d’en parler est perçue, par lui, comme une déclaration de guerre. Aujourd’hui encore, la communauté environnementale nationale continue à rechercher le Plan climat qui, bien que finalisé, connaît une diffusion confidentielle de laquelle sont écartés tous les techniciens de la chose. «Ce document a mobilisé le pays pendant deux ans. Pourquoi nous le cache-t-on ? Pourquoi le Gabon est le seul pays qui cache le sien alors que tous les autres l’ont en téléchargement libre sur le net », s’interroge un haut cadre de l’administration des Forêts, ajoutant : « Il parait que l’essentiel de ce document est un copier-coller de la seconde communication faite par la direction générale de l’Environnement et c’est pourquoi Massard ne veut pas que les techniciens voient son document». Et d’enfoncer le clou : « C’est un mystificateur qui ne veut pas être soumis au regard critique et avisé des techniciens ».
Juridiquement chahuté, scientifiquement contesté, le nouveau secrétaire général de la présidence de la République aime jouer du rapport de forces politique ou administratif là où on aurait pu l’attendre sur le terrain technique. Il a beau se présenter en légaliste, personne n’arrive encore à comprendre comment peut-il être et conseiller du président de la République et président du Comité de gestion de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux, sans tomber dans l’imposture ou le conflit d’intérêts. Surtout que la question de la tutelle de cet établissement public est demeurée pendante, la loi y relative évoquant « le ministère en charge des parcs nationaux » alors que son secrétariat exécutif proclame partout son rattachement à la présidence de la République. En privé, d’autres voix s’élèvent pour se demander quelle frontière trace-t-il entre les intérêts de l’ANPN, ceux du Conseil climat ou de l’AGEOS, les deux premières entités étant utilisatrices de données cartographiques que la dernière est censée produire. Peut-on être président de l’organe délibérant d’une structure partenaire et cliente d’une autre où l’on exerce comme directeur général et continuer d’agir en toute neutralité ? N’y a-t-il pas risque de conflit de compétences ou de prise illégale d’intérêts ?
La gestion des bourses et stages achève d’apporter de l’eau au moulin de ses détracteurs. Depuis son arrivée à la tête de la Commission technique chargée de ce dossier, Etienne Massard Kabinda Makaga a régulièrement été soumis au feu nourri des critiques. Tantôt ses réformes sont jugées en déphasage par rapport à la réalité, tantôt elles sont qualifiées de fantaisistes. En tout état de cause, elles détonnent. Et il en a toujours été ainsi. Que ce soit au Plan national d’action environnementale (PNAE) où il se heurta frontalement au coordinateur d’alors, Juste Boussienguet, au Lycée Blaise Pascal où il tenta de remettre en cause le programme des sciences de la vie et de la terre, à l’Institut de recherches en écologie tropicale (IRET) où il remplaça Paul Darius Posso, un M’pongwè comme lui, à la Direction générale de l’Environnement où les liens supposés de Georgette Koko avec des membres de sa famille furent déterminants voire à l’Agence Nationale des Parcs Nationaux où ses relations avec Jules Ogouébandja se détériorèrent très vite, l’homme a toujours affiché un caractère bien trempé qui en fait un quasi-psychorigide. « Franchement M. Massard ! », tel était le titre d’une série de chroniques que le blog « Gabon énervant » lui consacra fin 2010 au plus fort de la crise sur les bourses. Visiblement cet homme n’a pas fini d’en étonner plus d’un…..