Accusations ou révélation d’avoir été empoisonné, de même qu’André Mba Obame, tirs à boulets rouges sur la politique de l’émergence, analyse au vitriol de l’actualité politique, c’est véritablement un come-back tonitruant qu’a effectué Mike Jocktane le week-end écoulé à Port-Gentil. L’évêque et membre de l’Union nationale (UN), qui avait un moment disparu des écrans a tenu une conférence de presse, le 17 mai 2014, dans le cadre de sa rentrée politique.
Plutôt réservé et en retrait depuis quelques années, le silence de Mike Jocktane était diversement apprécié sur le plan national et international, aussi bien des sympathisants du pouvoir en place que de l’opposition. Si l’homme d’église, explicitement engagé aux côtés d’André Mba Obame (AMO), s’est muré dans un curieux silence dont il n’a souvent été obligé de sortir, depuis 2009, que du fait de ses déboires avec la justice, depuis le samedi 17 mai 2014, c’est une toute autre posture qu’il souhaite désormais adopter.
A cet effet et à la faveur d’une conférence de presse organisée à Port-Gentil, l’évêque Mike Jocktane s’est montré incisif au moment d’annoncer sa rentrée politique officielle. «Des hommes politiques qui ont fait l’actualité, parfois malgré eux, je reste l’un de ceux qui ont le moins parlé. Parce que ma nature d’Homme fait qu’en dépit de mes fonctions spirituelles, et même à cause d’elles, je sais mesurer le poids des paroles, et surtout tous les avantages que je peux tirer du silence. Parce que mon statut de très proche collaborateur d’André Mba Obame ne me permet pas souvent de prendre la parole quand c’est à lui qu’il revient de le faire. Aujourd’hui, la situation politique du pays, les agressions physiques à répétition que je subis font que j’aie décidé de ne plus me taire, tout en restant fidèle à la ligne d’attitude que je viens de définir», a-t-il déclaré d’entrée de jeu, devant une salle qui a refusé du monde.
Ainsi, entre autres sujets abordés, l’ancien directeur de cabinet adjoint du défunt président Omar Bongo, est revenu sur la santé du principal challenger d’Ali Bongo en 2009. A en croire Mike Jocktane, AMO qu’il dit avoir été «empoisonné» comme lui-même, quasiment à la même période, se bat et serait loin de désespérer sur son avenir : «Parce que je suis l’un des rares derniers à l’avoir rencontré et à être longuement resté à ses cotés à Tunis, je puis vous affirmer, en toute franchise qu’il se bat très fort pour recouvrer sa santé. J’ai rarement vu pareille détermination. J’ai rarement vu un homme autant donner de lui-même pour atteindre l’objectif politique qu’il s’est fixé. André Mba Obame se soigne. Le mal ne part malheureusement jamais aussi vite qu’il est venu. Remettons cependant tout à Dieu, ayons foi en Lui, gardons l’espoir et surtout, prions», a-t-il lancé à l’endroit de l’assistance
Poursuivant, l’Evêque interroge : «la question, la vraie, la bonne est : Comment en est-on arrivé là ? Andre Mba Obame, tout comme moi, a été empoissonné. Depuis un certain temps en effet, moi aussi je souffre d’une affection qui réduit mes capacités motrices. Le diagnostic posé par les spécialistes est celui-là : un empoisonnement lent qui date de la même période que celui qu’a subi Mba Obame. Cette première question en entraîne une autre : Qui a bien pu poser un acte si odieux et si lâche ? A qui profite donc le crime ? La réponse à cette interrogation est simple et claire : le pouvoir usurpateur actuellement en place au Gabon.»
S’en prenant au pouvoir, Mike Jocktane a livré son bilan de l’action d’Ali Bongo depuis 2009 : «Les seules réalisations dont il se revendique aujourd’hui la paternité sont à l’exact celles laissées en chantier par son prédécesseur. Dois-je rappeler que la route du Sud sur laquelle il est parti fanfaronner avec une Aston Martin est un projet lancé et financé sous Omar Bongo Ondimba qui avait à l’époque un ministre de la Planification appelé Casimir Oyé Mba ? Dois-je rappeler que les travaux de construction des ponts de Nzeng Ayong, d’IAI et des Charbonnages ont été lancés par Jean Eyeghe Ndong alors Premier Ministre ? Dois-je rappeler que la construction du Stade de l’Amitié Sino-Gabonaise prévue pour la Can 2012, que celle des CHU d’Agondjé, de Libreville et d’Owendo sont de vieux projets qui étaient déjà financés et prévus au budget de l’Etat avant 2009 ? Voilà un pouvoir qui se dit émergent mais qui n’arrive pas à concrétiser son seul et unique vrai projet à savoir la Zone Economique Spéciale de Nkok, pourtant inauguré de nuit à coup de milliards de francs, mais qui reste un terrain vague quatre ans après.»
Par ailleurs, s’il a dit accueillir positivement le ralliement de Jean Ping, Jacques Adiahénot, Pierre Amoughé Mba et Philibert Andzembe à l’opposition, Jocktane s’est tout de même montré craintif bien que déterminé. Pour l’évêque, l’atmosphère politique gabonaise a tendance à s’alourdir au point que cela en devient irrespirable et dangereux pour les opposants d’Ali Bongo : «Lui et son entourage choisissent la voie la plus lâche et la plus machiavélique : éliminer en douceur tous ceux qui sont capables de lui imposer par les urnes une alternance politique dont il ne veut absolument pas, les tuer par empoisonnement. C’est ce qui est arrivé à André Mba Obame et par ricochet à moi. C’est ce qui risque d’arriver à tous les autres qui prennent la voie de le remplacer à la tête de l’Etat. Je dis bien à tous.»
Un tantinet prophète, l’homme d’église poursuit : «Ali Bongo veut rester coûte que coûte le président de la République, il se retrouve devant une alternative. Ou prendre le risque d’un nouveau coup de force comme en 2009 et mettre le pays à feu et à sang. Parce que le peuple n’acceptera jamais de lui une nouvelle forfaiture. Parce que la communauté internationale qui sait les conditions de son arrivée au pouvoir n’hésitera pas à lui montrer le chemin de la Cour Pénale Internationale en cas de récidive et de troubles mortels volontairement provoqués. Lui et son entourage choisissent la voie la plus lâche et la plus machiavélique : éliminer en douceur tous ceux qui sont capables de lui imposer par les urnes une alternance politique dont il ne veut absolument pas, les tuer par empoisonnement.»
Anticipant, comme qui dirait, sur les griefs qui pourraient être portés contre lui par les tenants du pouvoir, Mike Jocktane a déclaré en substance : «Oui, j’ai faim. C’est la principale raison de mon présent engagement. Mais j’ai faim de justice. J’ai faim comme plus de la moitié des Gabonais qui sont privés de leurs biens au profit d’un certain groupe d’amis du pouvoir en place.» Une déclaration qui devrait sans nul doute rabattre le caquet de ses adversaires pour qui toute sortie d’une personnalité se réclamant désormais de l’opposition, est motivée par des «besoins alimentaires».