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Vie chère au Gabon : Bolloré en accusation

vincent-bollore-Bolloré Africa Logistics est attaqué et mis à nu par un collectif d’ONG gabonaises qui lui imputent la principale cause de la vie chère au Gabon : Super monopoleur au port d’Owendo, les coûts prohibitifs de ses prestations impactent sur le panier de la ménagère gabonaise. Deux procès et des mouvements sociaux en perspective.

Dans une série d’e-mails que s’est procuré Gabonreview, des Organisations non gouvernementales gabonaises – Association jeunesse sans frontière dirigée par Guy René Mombo, S.O.S Consommateurs présidée par Christian Abiaghe, et TIME, conduite par Me Aiméry Bhongo-Mavoungou – ont attaqué Bolloré africa logistics devant l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Selon ces ONG, «Le groupe Bolloré a mis en place un réseau d’entreprises qui lui permettent de bénéficier d’un monopole sur l’exploitation des ports du Gabon […] Mais, malheureusement, les activités de la multinationale sont aux antipodes des principes directeurs de l’OCDE quant à la gouvernance des entreprises, en matière de concurrence», ont-elles écrit le 2 avril dernier au président du Point de contact national France de l’OCDE, non sans souligner que le comportement de Bolloré Africa Logistics «a une incidence néfaste sur les populations gabonaises, en ce qu’elles s’appauvrissent, pendant que le Groupe Bolloré voit ses bénéfices croître.»

Monopole hors-la-loi

Pour ce front d’ONG gabonaises dont Me Bhongo-Mavoungou a pris la tête, le monopole de Bolloré au Gabon se contrefiche royalement de la législation du pays, notamment de l’article 6 de la loi 5/89 sur la concurrence au Gabon, du décret n°1140/PR du 18 décembre 2002 portant Code des marchés des marchés publics et de l’article 47 de la Constitution qui dispose que «toute attribution d’un monopole fait l’objet d’un texte législatif». Rien de tout cela n’a été respecté.

«Le Groupe, par le truchement de sa filiale, la Société des Terminaux de conteneurs du Gabon (STCG), a passé le 15 mai 2007, avec l’Office des ports et rades et du Gabon (Oprag), une convention de concession qui lui transfère pour une durée de 20 ans, l’exclusivité du service public de l’étude, de l’aménagement, de la gestion, et de l’exploitation du terminal à conteneurs d’Owendo, comprenant les opérations de manutentions bord et terre, chargement, déchargement des navires, transfert, déplacement, levage à toute manipulation et prestation liées aux opérations import et export de conteneurs dans l’enceinte du port d’Owendo et de son environnement immédiat», signale à l’OCDE Me Bhongo-Mavoungou qui indexe des pratiques «anticoncurrentielles», soulignant que «cette situation monopolistique ne relève nullement d’une loi, mais, de surcroit, la concession a été obtenue par le Groupe Bolloré, de gré à gré». Une «situation qu’aucun pays occidental (la France, les Etats membres de l’Union européenne ou les Etats-Unis) n’accepterait sur son propre territoire.»

Impact néfaste sur la cherté de la vie au Gabon

Selon le leader de S.O.S Consommateurs, Christian Richard Abiaghé Ngomo, joint au téléphone, «Les tarifs pratiqués par Bolloré au Gabon du fait de son monopole ont une incidence malheureuse sur le panier de la ménagère. Pour exemple, l’Etat a pris de nombreuses mesures, notamment la suspension des droits de douane et de la TVA sur certains produits en 2012, mais cela n’a pas eu d’impact réel sur les étalages, Bolloré ayant fait en sorte que les charges liées au transport, à l’acconage et au transit restent prohibitifs.»

On se souvient, en effet, qu’en septembre 2012 alors que le gouvernement venait de suspendre, pour une durée de trois mois, les droits de douane et de la TVA sur certains produits, le patron de Prix Import, Bernard Azazi Oyiba, indiquait que les «mesures prises par le gouvernement (devaient) également inciter toute la chaine logistique portuaire à adopter des mesures citoyennes afin d’alléger les charges des importateurs (…) Des mesures d’accompagnement sur le port d’Owendo vont également devenir nécessaires pour plus tard. Notamment les tarifs pratiqués par les aconiers».

La lettre des ONG gabonaises relève, comme l’a dit Christian Abiaghé plus haut, qu’au port d’Owendo, sous contrôle de la STCG, «les coûts trop élevés du transport maritime, du camionnage, de l’acconage, de la manutention et du transit font en sorte que le prix du kilogramme de riz, aliment de base du Gabon, soit 3 à 5 fois plus élevé que dans le reste de la région. Et c’est le cas pour l’ensemble des biens de consommation.» Ce que confirme un observateur de la vie économique du Gabon qui explique que «pour un Kg de riz importé, la manutention représente 32% du coût, lorsque le camionnage entre en ligne compte à hauteur de 25%. Le transit, transport inclus, représente quant à lui en moyenne 20% du coût et les redevances portuaires 10%. Ainsi, si le Kg de riz coûte 700 francs CFA chez le boutiquier du coin, sachez que 500 francs CFA seront consacrés au remboursement des coûts d’importation de la marchandise.»

Le Gabon important la quasi-totalité de ses biens de consommation et surtout d’alimentation, de surcroit par voie maritime principalement, ces produits se retrouvent «bien trop chers, accroissant ainsi la pauvreté d’une population pourtant faible en nombre».

Action judiciaire au Gabon et mouvements sociaux en perspective

La démarche des trois ONG auprès l’OCDE n’a pas prospéré. L’organisation s’étant déclarée incompétente face à l’envergure de l’affaire, il leur a été recommandé de s’en remettre à une juridiction locale. Avocat à la cour, Me Bhongo-Mavoungou devrait incessamment entreprendre deux actions auprès du tribunal de Libreville, l’une contre Bolloré, l’autre contre Gabon Port Management (GPM), entreprise en charge de l’accueil des navires, du remorquage, du lamanage, de l’entretien des infrastructures portuaires et de certaines activités de la mission de service public de l’Oprag.

Selon l’avocat, le collectif des ONG concernées fait confiance en la justice gabonaise, vu que leur action tombe sous le sens. Au-delà, il a annoncé la détermination des coalisés à aller au bout de cette bataille, à organiser, s’il le faut, des actions sociales (marches, sit-in, grèves de la faim, etc.).

Le proche avenir de Bolloré au Gabon pourrait ainsi être chaud. Le premier opérateur portuaire du continent est déjà confronté, depuis quelques jours, à la contestation des conditions d’attribution, en mars dernier, de la construction du second terminal à conteneurs du port d’Abidjan à un groupement d’entreprises qu’il cornaque. Pour ce qui est du Gabon dont le président a récemment lancé un «Pacte social» pour la lutte contre la pauvreté, les autorités devraient logiquement soutenir l’action de ces ONG.

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