« Cette fois-ci c’est décidé ; j’y vais. Je fonce, j’attaque et je gagne », aurait lâché l’ancien Premier ministre Casimir Oyé Mba devant un carré de fidèles. Pour rappel, lors de la présidentielle de 2009, deux Chefs d’Etat avaient pu arracher, à la dernière minute, son surprenant désistement face à Ali Bongo Nimba. En 2014, les temps ont changé. Le jeune septuagénaire se présente désormais en privé et – bientôt en public – comme « le candidat du consensus » et donc le principal challenger du Président sortant en 2016. Pendant ce temps, le pouvoir continue de se focaliser sur Jean Ping comme s’il avait laissé la proie pour l’ombre…
Certes Jean Ping a des atouts indéniables. C’est un dandy de la politique. Il est charmeur, hâbleur, virevoltant mais peu téméraire. C’est plus un homme de pouvoir qu’un opposant de conscience ; plus à l’aise dans les salons feutrés et derrière les portes capitonnées que dans la forêt équatoriale ; et plus ingénieur des réseaux et allégeances qu’entrepreneur politique. Pour sûr, l’ancien Chef de la diplomatie gabonaise ne sera jamais un grand renard dans les surfaces de réparation électorale. Le temps lui manque. La base électorale lui fait défaut. Et, il est tragiquement si près de ses sous. Or ça compte chez nous.
Quant au vieux routier de la politique gabonaise Zacharie Myboto (75 ans) co-fondateur de l’Union Nationale (officiellement dissoute), il ne sera pas sur la ligne de départ la présidentielle de 2016. Le lion ne s’est pas transformé en chat. Loin de là ! Mais son apothéose politique a épousé les années romantiques du défunt régime d’Omar Bongo Ondimba. Un long chapitre mais fermé…
Après le décès du leader charismatique de l’Union du Peuple Gabonais (UPG) Pierre Mamboundou [trois ans, en octobre prochain] et le retrait peut-être définitif du turbulent et truculent André Mba Obame, contraint et forcé de livrer le combat de sa vie contre lui-même pour se défaire de cette maladie qui le ronge, il ne reste que le dernier Premier ministre de Bongo père, Jean Eyeghe Ndong. Mais lui, est plutôt dans la gadoue. Empêtré dans une « tournante » qui ne prendra pas fin de si tôt, son sort est entre les mains de Dame Justice. C’est pourquoi un autre se trouve en embuscade muni de son agenda caché : Casimir Oyé Mba.
Casimir a la science du maintien. Jadis grand amateur de cigare, il boit frais et « mange santé » pour parler comme les Canadiens. Ce grand animal de la politique locale est quelqu’un de parfaitement respectable. L’enfant de Nzamaligué n’a jamais manqué de talent ni d’envergure. Il a reçu plusieurs fois l’onction des urnes. Elu, réélu, ce Fang a pour avantage et handicap d’être un… Fang. Pourquoi ? La réponse subliminale vient de Papa Bongo lui-même. « Il y a des ethnies dominantes mais je n’en parle pas. En réalité je ne connais pas d’ethnies majoritaires ou minoritaires. On est Gabonais un point c’est tout », tranchait-il. Or, le Président de la République, natif du Sud en pays batéké, choisissait invariablement ses Premiers ministres parmi les Fangs de l’Estuaire. Mieux cette ethnie est présente dans six des neuf provinces de notre pays. Ils représenteraient 35 à 40 % de la population. C’est donc fort de cette certitude mathématique que Casimir-la-classe a été nommé à l’époque « Directeur de campagne de ceci et de cela » du mythique Bongo père.
Aujourd’hui, loin des flonflons médiatiques, il est en train de peaufiner discrètement son programme politique et ses éléments de langage. « En cinq ans, les Gabonais sont devenus encore plus pauvres ; l’hôpital est malade ; l’école est alitée ; le chômage fait des ravages ». L’ancien ministre des Affaires étrangères va concentrer ses tirs à l’arme lourde sur des thèmes chers aux Gabonais d’en bas : « cherté de la vie, manque dramatique de logements, accès aléatoire à l’eau et à l’électricité ». Son discours est rôdé : Ali Bongo a été élu mais il n’a pas gagné les élections. Il a la légalité pour lui mais n’a pas la légitimité avec lui. L’ancien ministre du Pétrole exigera avec obsession la limitation du septennat à deux mandats, la suppression du premier tour et la mise en place de la biométrie pour garantir la fiabilité et la sincérité du scrutin présidentiel.
Depuis 40 ans Casimir Oyé Mba traverse le Gabon comme un artiste de la politique. Il a été un Gouverneur de banque efficace, un ministre réformateur plusieurs fois, un Premier ministre méthodique et un Directeur de campagne consensuel. Aujourd’hui passé à l’opposition, il appartient en outre à l’ethnie majoritaire. Mais est-ce suffisant face au Président sortant, plus florentin et plus machiavélique qu’on ne le pense ?
Dans le secret de son cabinet, Ali Bongo serait d’une immobilité bouddhique et d’une sérénité bouleversante. Vous savez pourquoi ? Il tient jalousement entre ses mains, comme dans un jeu de cartes les « 4 P » : le Pouvoir, la Puissance étrangère, le Pétrole et le Premier tour. Casimir n’en a cure : Wa paniqué zè ! Wa tremblé zè ! Et pourtant o beuleu situation en main […] Ne chercher pas à traduire. C’est limpide et obscure comme le Fang.