Le Conseil national de la communication est en proie à des problèmes de budget qui pourraient amener certains fournisseurs à suspendre leurs prestations envers l’institution, et donc le conduire à l’impossibilité de tenir la moindre séance plénière. Si le sheriff ne peut plus tirer, le western médiatique gabonais pourrait s’ouvrir à bien de dérives.
Si les choses continuent sur cette lancée, les journaux gabonais les plus frondeurs vont pouvoir se donner à cœur joie à toutes les dérives possibles. L’instance de régulation des médias au Gabon serait à la déche, puisque depuis le début de l’année le budget de fonctionnement du Conseil national de la communication (CNC) n’arrive plus qu’au compte-goutte et l’institution a tout le mal du monde pour continuer à fonctionner normalement. Il court actuellement le risque d’être coupé de l’approvisionnement en journaux par la Sogapresse, distributeur des journaux qu’il est censé scruter.
«Depuis pratiquement trois mois, le personnel de l’institution n’est pas payé. Notre catégorie de personnel est payée sur les fonds propres du CNC, donc sur son budget de fonctionnement. Nous ne sommes pas des fonctionnaires, plutôt une sorte de main d’œuvre non permanente qu’on semble négliger», maugrée un employé de l’institution. L’homme ne sait sans doute pas que la main d’œuvre non permanente du CNC n’est pas la seule dans ce cas, puisque, selon un fonctionnaire de la même maison, «depuis deux mois, l’intendance des conseillers membres n’a pas été réglée». Le fonctionnement de la structure est à la peine : les consommables (ramettes de papier, cartouches d’encre) achetés pour une certaine période sont littéralement épuisés. Certaines machines de reprographie ne peuvent de ce fait pas fonctionner. «Pour que la précédente séance plénière puisse avoir lieu, il a fallu que l’un des responsables de la maison puisse sortir de l’argent de sa poche», soutient un habitué des couloirs du CNC.
Selon des sources concordantes, les conseillers-membres du CNC perçoivent un net à payer de 2,7 millions de francs CFA, composés d’une prime qui constitue près des 4/5èmes de ces émoluments. Le président du Conseil bénéficie de moult avantages liés à sa fonction, comme la prise en charge du personnel domestique et des charges relatives au téléphone. Il lui est donc difficile, et avec lui les autres gendarmes du monde médiatique gabonais, de joindre les deux bouts sans leurs frais d’intendance. Un manquement dont on peut s’étonner quand un petit calcul schématique permet d’évaluer le montant de cette intendance à moins de 20 millions de francs CFA/mois pour l’ensemble des conseillers-membres et leur président. Si l’on ajoute à ces frais d’intendance les charges salariales du personnel de l’institution, les besoins financiers du CNC tourneraient autour de 70 millions de francs CFA par mois. Ce qui, tout de même, ne devrait pas être si difficile à dégager des caisses de l’Etat.
Le CNC n’a enregistré «aucun décaissement du Trésor depuis un peu plus de deux mois», laisse entendre le même fonctionnaire de l’institution qui refuse cependant d’admettre que cette situation vient conforter l’idée que les caisses de l’Etat sont vides. Un conseiller-membre approché refuse lui aussi de piper un mot sur cet état des choses, préférant se consoler de ce que la situation n’est pas propre à son institution. Et l’on en vient à se rappeler qu’au Parlement la situation, qui n’est pas si différente, a fait les titres des journaux il y a quelques mois. Les choses s’y sont un tantinet calmées, sans doute parce que les sénateurs et députés disposent d’un moyen de pression en ceci qu’ils peuvent bloquer le traitement des lois qui leur sont envoyées. Mais l’argent y arriverait toujours au compte-gouttes, selon certaines indiscrétions.
Le CNC, sheriff du Landerneau médiatique gabonais, pourrait donc incessamment ne plus pouvoir «scanner» la presse locale dans le cadre de ses missions de veille pour la régulation des médias. «Les journaux peuvent maintenant s’amuser ou se livrer à certaines déviations, puisque le gendarme n’est plus en mesure de les surveiller ou de statuer sur leur cas», a commenté l’invité du jour à la conférence de rédaction de Gabonreview. Il faut, en effet, pour tenir une plénière, des moyens aussi bien matériels (papier, système de reprographie fonctionnel, etc.) que moraux (sérénité, lucidité, insouciance financière, etc.). Le CNC en manque cruellement ces temps-ci.