Depuis l’organisation du Trophée des Champions de France en août 2013, le Stade de l’Amitié sino-gabonaise d’Agondjé semble avoir pris en grippe le chef de l’Etat.
Le match Gabon vs Burkina-Faso du samedi dernier, a encore donné l’occasion à une large partie du public venu à cette rencontre de football comptant pour les éliminatoires de la CAN 2015 de siffler et huer le président de la République. Les rares fois que l’image du chef de l’Etat apparaissait en gros plan sur les écrans géants du stade, une partie du public se mettait à siffler. Le fait n’a pas manqué de choquer des diplomates présents à la tribune d’honneur, ainsi que certaines personnalités gabonaises. Un membre du gouvernement s’est d’ailleurs étonné de cette réaction du public, car, selon lui, «au-delà d’Ali Bongo, c’est l’institution présidentielle qui est bafouée». Un autre a condamné ces sifflets, indiquant ne pas comprendre pourquoi le public s’en prend à «celui qui a bâti cette enceinte», tandis que, dans le même ordre d’idée, un quidam dans la foule a laissé entendre : «s’il y a un endroit public qui devrait porter le nom d’Ali Bongo Ondimba, c’est bien le stade de l’Amitié, même si nous savons que les clauses du contrat entre la Chine et le Gabon stipulent que le stade ne peut s’appeler que Stade de l’Amitié sino-gabonaise».
Il est vrai que, dans la perspective de la CAN 2012 que devait recevoir le Gabon, Ali Bongo avait montré une détermination extraordinaire à voir les travaux de construction de ce stade s’achever suffisamment à temps. Régulièrement présent sur le terrain, parfois sans le Premier ministre et le ministre des Sports, ni aucun autre membre du gouvernement, le chef de l’Etat a suivi de bout en bout la construction de cette enceinte sportive. Sa détermination faisait beau à voir. Le stade fut construit en une vingtaine de mois par un consortium chinois, et les deux matches inauguraux eurent lieu, en sa présence. D’abord le match Gabon-Brésil (0-2) en novembre, puis la rencontre opposant les équipes nationales Junior du Gabon et de la Chine (2-2) en décembre 2011. Les insuffisances constatées à ces occasions furent alors corrigées avant le début de la compétition continentale en janvier 2012.
L’organisation du match opposant le Paris Saint-Germain FC aux Girondins de Bordeaux (de l’international gabonais André Biyogo Poko) dans le cadre du Trophée des Champions de France, fut l’occasion de la première manifestation de tels sifflets. Ce match, qui oppose chaque année le champion de France et le vainqueur de la Coupe de France, est toujours disputé à l’étranger, et c’est le Gabon qui en avait obtenu l’organisation l’année dernière. A la mi-temps de cette rencontre, Anthony Obame voulu rendre hommage «au peuple gabonais… et au chef de l’Etat». Mais, dès la prononciation du nom du président de la République par le champion du monde de Taekwondo, le public se mit à siffler et à huer. Que cela peut-il bien signifier ? Nul ne peut vraiment y répondre, sauf à penser que les partisans de l’opposition qui assistent aux matchs manquent totalement de civisme et d’esprit républicain.
Il apparaît en tout cas incompréhensible que ce soit dans ce stade que le chef de l’Etat soit hué et sifflé. Au risque de donner du Gabon l’image d’un pays sans codes et sans valeurs et de ses habitants celle d’hommes et de femmes irrespectueux des institutions, le public devrait être invité, par ceux qui ont en charge l’éducation populaire – si tant est que ce service existe encore – ou encore par les stadiers qui gèrent les foules à ces rencontres, à éviter de démolir ainsi la stature présidentielle.