L’Etat gabonais a porté plainte pour diffamation contre le journaliste français Pierre Péan après la publication de son dernier ouvrage Nouvelles affaires africaines. Le livre relance le débat sur la corruption et le maintien du pouvoir de la famille Bongo au Gabon. Au même moment, le site Médiapart assure que 10 millions d’euros auraient été proposés à Pierre Péan pour empêcher la sortie de l’ouvrage.
« La République gabonaise ne peut accepter les propos gravement diffamatoires et totalement faux tenus par Pierre Péan dans cet ouvrage », dénonce un communiqué de l’Etat gabonais reçu, ce lundi, par l’AFP. Cette annonce intervient après la publication du livre du journaliste français Pierre Péan intitulé Nouvelles affaires africaines. L’ouvrage, sorti le 29 octobre dernier, fait polémique en raison des révélations concernant l’actuel président gabonais.
En effet, dans son ouvrage, le journaliste revient sur la fin du règne du défunt président Omar Bongo et les modalités d’accession au pouvoir de son fils Ali à sa mort en 2009. L’auteur accuse également l’actuel président gabonais d’avoir falsifié de nombreux documents, de son acte de naissance à ses diplômes.
Il écrit notamment que le baccalauréat d’Ali Bongo, obtenu en France, résulterait d’un arrangement entre Omar Bongo et le président français de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing. Le plus frappant : contrairement à la version officielle qui le présente comme le fils naturel d’Omar Bongo, Ali serait, en fait, un enfant nigérian adopté pendant la guerre du Biafra à la fin des années 1960.
Un argument repris par l’opposition gabonaise car, selon la Constitution, il est interdit à toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise après la naissance de se présenter à l’élection présidentielle.
« 10 millions d’euros pour faire taire Péan »
La polémique ne s’arrête pas là. Le site Médiapart se serait procuré des documents qui mettent en cause le journaliste français « au cœur d’obscures tractations » avec Ziad Takieddine, homme d’affaires franco-libanais, Fara M’Bow, intermédiaire franco-sénégalais et le porte-parole d’Ali Bongo, Alain Claude Bilie By. Le site d’informations affirme qu’en novembre 2013, une rencontre aurait eu lieu entre Pierre Péan et Alain Claude Bilie By. Après cet entretien, Takieddine et M’Bow, les deux intermédiaires, auraient proposé à l’Etat gabonais de verser « 10 150 000 euros sur un compte suisse », et d’employer « un ami » de Pierre Péan pour que le livre ne soit pas publié. Des affirmations que réfute le journaliste. Il assure que le pouvoir gabonais cherche à « le salir » pour « le punir d’avoir dénoncé le système Bongo ».
Une chose est sûre : Pierre Péan aurait effectivement demandé de l’aide pour un ami, ancien conseiller de sécurité à la mairie de Libreville, assure Médiapart. « Nous avons évoqué le cas d’une relation, Jean-Louis Gros, qui a été maltraité par les autorités gabonaises et que j’entretenais. J’ai demandé que justice lui soit rendue », confirme Péan.
Cette demande est formulée dans un « protocole d’accord » rédigé dans les bureaux de Me Dominique Penin, l’avocat de Ziad Takieddine et transmis à la présidence gabonaise. Celui-ci rappelle les engagements de chaque partie. Si Pierre Péan dit avoir eu connaissance de ce document, à l’inverse, les intermédiaires évoqués, Dominique Penin et Fara M’bow, assurent n’avoir « aucun souvenir » ou ne pas être « au courant ».
Absence de réaction
Si le journaliste dit avoir eu connaissance de cette « tentative d’extorsion de fonds », il n’a cependant pas réagi. Lorsqu’en décembre 2013, il est averti de la démarche par l’intermédiaire franco-sénégalais Fara M’Bow, « il ne dépose pas plainte » et « ne fait pas la moindre allusion à cet épisode dans ses contacts avec les autorités gabonaises », affirme Médiapart.
Le journaliste n’en est pas à sa première grande affaire. Par le passé, il en a déjà révélé quelques-unes dont le passé de François Mitterand durant la Seconde guerre mondiale. Ses ouvrages ont souvent été controversés, à l’instar de son livre Noires fureurs, blancs menteurs : Rwanda 1990-1994 où il contredit l’histoire officielle du génocide rwandais. Ses polémiques lui ont valu plusieurs procès.