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Un diplomate désigné président de transition du Burkina Faso

Le président de transition du Burkina Faso, Michel Kafando, le 17 novembre 2014. | Romaric Hien / AFP
Le président de transition du Burkina Faso, Michel Kafando, le 17 novembre 2014. | Romaric Hien / AFP
L’épisode intégrera certainement le chapitre des originalités de cette « révolution » burkinabée. C’est au cœur de la nuit, à près de 4 heures du matin, lundi 17 novembre, que Michel Kafando a été nommé président de transition.
Le président de transition du Burkina Faso, Michel Kafando, le 17 novembre 2014.

A cette heure-là, devant si peu de témoins, les discours passionnés sont remis à plus tard et les promesses sont minimales. Dans ses premiers propos, le nouveau chef de l’Etat du Burkina Faso s’est donc limité aux formules obligées (« Plus qu’un honneur, c’est une redoutable responsabilité qui m’échoit, dont j’entrevois déjà les écueils et l’immensité »), avant d’assurer être « prêt à ne ménager aucun effort pour relever le défi » et vouloir tout mettre en œuvre pour « bâtir une nouvelle société, une société réellement démocratique basée sur la justice sociale, la tolérance ». Il faudra donc encore attendre pour en savoir plus sur les intentions de ce diplomate de carrière et sur les raisons qui ont présidé à son choix.

Michel Kafando n’est pas l’élu d’un scrutin populaire mais le fruit du consensus d’un collège de désignation composé de vingt-trois membres issus de différentes composantes de la société. Il n’est pas inenvisageable qu’au bout d’une nuit d’auditions et de tractations les « grands électeurs » issus des rangs de l’armée, des partis politiques de l’ancienne opposition, de la société civile et des organisations religieuses aient tranché en faveur d’un homme d’expérience, connaissant les rouages de l’Etat et les arcanes internationaux.

Au terme d’une nuit de tractations, le Burkina Faso s’est choisi un président de transition. Il s’agit du diplomate Michel Kafando, ancien ministre des Affaires étrangères et ambassadeur à l’ONU. Il doit rester en poste jusqu’aux élections prévues en novembre 2015. Sa candidature a été proposée par l’armée qui a pris le pouvoir après le départ de Blaise Compaoré sous la pression de la rue. Deux semaines après le départ du président, les militaires vont s’effacer pour faire la place à un gouvernement civil. L’actuel homme-fort du Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida aura donc respecté ses engagements auprès de l’Union africaine.

Agé de 72 ans, Michel Kafando a dirigé la diplomatie de l’ancienne Haute-Volta entre 1982 et 1983 et a également représenté son pays à deux reprises, entre 1981 et 1982 puis entre 1998 et 2011, comme ambassadeur auprès des Nations unies. Plus tôt, l’Eglise catholique avait fait savoir qu’aucun de ses membres ne briguerait la présidence, alors que l’archevêque de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays, a un temps fait figure de favori, la partie s’est jouée entre trois candidats. Outre M. Kafando, une ancienne ministre, Joséphine Ouédraogo, et un journaliste, Cherif Sy, postulaient à la fonction.

Depuis le 31 octobre et le départ en exil du président Blaise Compaoré, le Burkina Faso vit une transition à rythme soutenu. La charte qui détermine l’architecture institutionnelle de cette période devant mener à des élections dans un an a été signée dimanche et le nouveau chef de l’Etat devrait prêter serment vendredi 21 novembre. Les pressions internationales ne sont pas étrangères à cette accélération du calendrier, mais toute la question repose désormais sur l’avenir qui sera réservé au lieutenant-colonel Isaac Zida et plus généralement à l’armée.

L’officier a jusque-là parfaitement joué sa partition. Comme il l’avait promis, il a rendu le pouvoir aux civils dans les délais les plus brefs et s’est même offert le plaisir de célébrer dimanche son 49e anniversaire aux commandes de l’Etat. Plusieurs sources à Ouagadougou lui prêtent l’intention de briguer le poste de premier ministre et lui-même a annoncé que son « retour dans les casernes » ne se ferait qu’à l’issue de la transition. Son discours, dimanche, lui a valu les acclamations du public de la Maison du peuple. Citant La Rochefoucauld pour saluer l’insurrection populaire du 30 octobre, « dans toutes les existences, on note une date où bifurque la destinée, soit vers une catastrophe, soit vers le succès », dénonçant « l’insistance insensée et la myopie politique » de Blaise Compaoré dans sa « forfaiture » pour se maintenir au pouvoir, il a peut-être donné des pistes pour le futur en reprenant quelques mots de Gandhi : « Notre pouvoir ne réside pas dans notre capacité à refaire le monde, mais dans notre habileté à nous recréer nous-même. »

Cyril Bensimon
Journaliste au Monde

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