Il n’y a plus que six pays à travers le monde — dont cinq en Afrique — où la population continue à rajeunir.
Le monde n’a jamais compté autant de jeunes. 1,8 milliard d’habitants ont entre 10 et 24 ans. En 1950, il y en avait 721 millions. Ce record historique, qui continue à progresser, cache pourtant un profond changement. La planète est à la veille d’une vaste transition démographique : la population vieillit, non seulement en Occident — c’est le cas depuis la fin des années 1970 — non seulement dans les pays émergents — c’est le cas depuis les années 1990 — mais aussi dans les pays les plus pauvres. En proportion, le nombre de jeunes a atteint un pic dans les pays les moins développés en 2010, et commence désormais à baisser.
Cette transition à venir concerne essentiellement l’Afrique, selon le rapport annuel du Fonds des Nations unies pour la population (FNUP), publié mardi 18 novembre. Ce continent connaît désormais une baisse de sa natalité. Il n’y a plus que six pays à travers le monde — dont cinq en Afrique — où la population continue à rajeunir.
Le FNUP estime que cette transition démographique est potentiellement une chance unique, à condition de réaliser les investissements nécessaires, notamment dans l’éducation et la contraception. « C’est une chance gigantesque, qui peut transformer des millions de vies », estime Babatunde Osotimehin, le directeur du FNUP, dans un entretien au Monde.
Dividende démographique
La transition démographique est un phénomène bien connu. Dans un premier temps, l’accroissement de la longévité provoque une explosion démographique. Arrive ensuite une meilleure maîtrise de la natalité. A ce moment-là, la proportion de la population active augmente. Plus de gens sont au travail, dépensant davantage : cela apporte une forte croissance économique, ce que le FNUP appelle le « dividende démographique ». L’Europe et les Etats-Unis ont les premiers connu ce phénomène. L’Asie et l’Amérique latine ont suivi.
L’Afrique pourrait être à la veille de cette période de croissance. « Mais il faut pour cela que les investissements nécessaires soient réalisés », précise M. Osotimehin. L’ancien ministre de la santé du Nigeria souligne en particulier deux priorités.
La première est non seulement l’éducation — cela va sans dire — mais aussi le suivi des jeunes au moment de leur arrivée sur le marché du travail. « Il faut que la culture de l’entreprenariat soit enseignée, et que l’accès aux financements soit possible, prévient M. Osotimehin. Sinon, on peut se retrouver avec des jeunes bien éduqués, mais sans emploi. » Il cite l’exemple de la Tunisie, où le système éducatif est d’un bon niveau, mais où le chômage atteint des records.
Priorité à l’éducation
La deuxième priorité est de permettre l’éducation des filles. Cela passe par un accès à la contraception. « Si une jeune fille est en âge de se reproduire autour de douze ans, et qu’on veut qu’elle puisse poursuivre ses études au moins jusqu’à dix-huit ans, voire vingt-deux ans pour faire des études supérieures, il faut lui donner les outils pour cela. »
Si ces deux conditions ne sont pas respectées, l’immense chance pour 1,8 milliard de jeunes à travers le monde risque d’être gâchée. « Il est possible de connaître la transition démographique sans en retirer les dividendes », avertit M. Osotimehin. Les blocages religieux ou moraux peuvent-ils empêcher cet accès à la contraception ? « Dans certaines régions, c’est un vrai risque. Mais je suis optimiste. Regardez la Malaisie, l’Indonésie, la Tunisie, l’Iran même : tous ces pays ont réussi leur transition démographique. »
Le rapport du FNUP souligne cependant que le succès de la transition démographique est loin d’être certain. Il reste actuellement près de 60 millions d’enfants à travers le monde qui ne vont pas à l’école. Et près de 75 millions de personnes de moins de 25 ans sont au chômage. Autant de risques pour le développement économique, et pour la stabilité politique de ces pays.
Eric Albert (Londres, correspondance)
Journaliste au Monde