Grogne sociale, affaire Péan, stations-service en panne sèche : 2015 s’annonce comme l’année de tous les dangers pour le pouvoir gabonais.
Par Pierre Amoussou
Projets à l’arrêt
Ali Bongo est à la tête de son pays depuis la mort en 2009 de son père. Le Gabon est un petit pays d’Afrique centrale, au sous-sol riche en pétrole et en minerais mais dont plus d’un tiers de la population vit dans la pauvreté. Depuis son arrivée au pouvoir, Ali Bongo a multiplié les grands projets comme la construction d’infrastructures (routes et hôpitaux), mais aussi d’équipements de prestige parfois très critiqués (île artificielle par exemple). Plusieurs de ces chantiers sont aujourd’hui à l’arrêt faute d’être financés.
Grèves à répétition
Au Gabon, l’année 2014 qui s’achève a surtout été marquée par des tensions sociales croissantes, entre grèves de fonctionnaires à répétition et inquiétudes des milieux d’affaires concernant l’ampleur des dettes accumulées par l’Etat. Dans l’éducation, les syndicats d’enseignants protestent contre le non-paiement de certaines primes et leurs conditions de travail précaires. Du côté des entreprises privées, des inquiétudes sont également apparues face aux arriérés de paiement accumulés depuis des mois.
Le pétrole de la discorde
Durant la première quinzaine de décembre, une grève a fortement perturbé la production de pétrole et provoqué d’importantes pénuries dans les deux principales villes, Libreville et la capitale économique, Port-Gentil. Or, l’or noir est stratégique pour le Gabon, 5e producteur en Afrique subsaharienne: les recettes pétrolières assurent à l’Etat 60% de son budget. La récente grève du secteur pétrolier débutée le 1er décembre a obligé le gouvernement gabonais à faire des achats d’urgence de carburants pour approvisionner le marché.
Tout sauf Ali
L’opposition gabonaise, aujourd’hui essentiellement composée d’anciens proches du défunt Omar Bongo, ne rate pas une occasion pour demander le départ du président Ali Bongo Ondimba. Avant la campagne présidentielle de 2016, elle teste sa capacité de mobilisation et de pression. Dans la rue, de plus en plus de Gabonais osent prendre la parole. « Cela fait plus de 50 ans que nous supportons la même famille au pouvoir et rien n’a changé pour nous les +makaya+ (hommes de la rue). Nous voulons l’alternance », explique, un jeune chômeur gabonais. « Beaucoup de gens en ont marre. Nos enfants n’arrivent pas à se loger, trouver un emploi est devenu un exploit dans ce pays, et pourtant les richesses sont là! », s’indigne une mère au foyer d’une cinquantaine d’années, qui a manifesté ce week-end.
Le livre Péan
Dans son dernier livre Nouvelles affaires africaines Pierre Péan accuse le président gabonais d’avoir falsifié de nombreux documents, notamment son acte de naissance et ses diplômes. Pire, le journaliste français affirme qu’Ali Bongo serait un enfant nigérian adopté pendant la guerre du Biafra à la fin des années 1960. Or, selon la Constitution, il faut être né Gabonais pour pouvoir briguer la présidence.
Une délégation d’opposants – dont plusieurs ténors de l’opposition gabonaise comme l’ancien secrétaire général de l’Union africaine, Jean Ping, et le dernier Premier ministre du défunt président Omar Bongo Ondimba, Jean Eyéghé Ndong – ont déposé une plainte au greffe de l’état civil, le 13 novembre. Des échauffourées ont même éclaté à cette occasion. La plainte a finalement été rejetée par le parquet de Libreville. Le pouvoir gabonais qui nie les affirmations de Pierre Péan a porté plainte en France début novembre contre le journaliste pour ses « propos gravement diffamatoires ».