Prenant part, à Paris, la capitale des droits de l’homme, à la «marche républicaine» consécutive au carnage de Charlie Hebdo, Ali Bongo se voit rappeler à l’ordre par l’organisation «Reporters sans Frontières» au sujet des libertés des journalistes au Gabon. Jonas Moulenda est passé par là.
Excellente idée que celle d’aller défiler aux côtés de dirigeants de grandes démocraties (François Hollande, Angela Merkel, Mariano Rajoy, Matteo Renzi, Jean-Claude Juncker, Donald Tusk,…), de chefs d’Etat africains élus démocratiquement (Macky Sall du Sénégal, Ibrahim Boubacar Keita du Mali, et Mahamadou Issoufou du Niger) pour réaffirmer à la face du monde que les entraves à la liberté d’expression et de presse, l’intolérance et la barbarie, ne sont pas de simples opinions critiquables, mais des délits ignobles. «La marche républicaine» a réuni, hier, plus de 2 millions de personnes à Paris, sur un total de 3,7 millions sur toute la France, autour du chef de l’Etat français et de nombreux responsables de partis politiques français, tous unis pour condamner l’action de «ceux qui veulent tuer la liberté de presse et la liberté d’expression, fondements de la démocratie».
Le Gabon, au 98e rang de la préservation de la liberté de la presse
Mais, manque de pot pour le chef de l’Etat gabonais : alors qu’il séjournait à Paris, l’organisation française de défense de la liberté de la presse, Reporters sans Frontières (RSF), exprimait, dans un communiqué publié la veille de ce grand rassemblement, sa vive inquiétude face aux menaces de mort répétées à l’encontre du journaliste d’investigation gabonais Jonas Moulenda. Rappelant qu’il est «de la responsabilité des Etats d’assurer la sécurité des journalistes exerçant dans leur pays», RSF demande que soient ouvertes des enquêtes «approfondies et impartiales afin que les menaces à l’endroit de ce journaliste cessent et qu’il puisse regagner son pays en tout sécurité». Pour le moment, Jonas Moulenda qui a fui vers le Cameroun après une énième «visite nocturne» de personnes inconnues à son domicile librevillois, a été placé en «lieu sûr» par la police camerounaise. Un responsable de RSF a rappelé que dans son rapport 2014, le Gabon occupe la peu reluisante 98e place en ce qui concerne la liberté de presse. La situation de la presse au Gabon étant encore marquée par trop de suspension de journaux, trop de menaces à l’encontre des journalistes, trop peu d’ouverture des médias d’Etat aux opposants et à la société civile, ce rang 98e semble bien mérité en somme !
Trop de restrictions pour la liberté d’expression et le droit à manifester
Dans le même temps, les manifestations de l’opposition sont interdites. Le 20 décembre dernier, le Front de l’opposition pour l’alternance a vu son meeting interdit par le ministre de l’Intérieur qui, dans le même temps, autorisait une marche de soutien du PDG à 35 kilomètres de Libreville. Et quelques jours plus tard, le 26 décembre, le même ministre autorisait une marche de partisans de la majorité devant l’ambassade de France pour protester contre la diffusion par France24 d’un documentaire sur les limousines du chef de l’Etat. Ce qui fit dire à un journaliste de La Nouvelle République que «les autorités gabonaises veulent peut-être que France24 traite l’actualité gabonaise comme la RTPDG», c’est-à-dire avec subjectivité et peu de professionnalisme.
Un grand nombre d’éditorialistes de la presse indépendante gabonaise souhaite qu’Ali Bongo revienne «instruit» de ce déplacement en France pour appeler aux membres du gouvernement concernés qu’ils ont tout intérêt à autoriser une plus grande expression de l’opinion et une plus grande liberté aux journalistes !