Au Cameroun, après la nouvelle attaque, lundi, contre une base camerounaise dans le nord du pays, les Camerounais commencent à se sentir abandonnés par la communauté internationale. Les militaires eux-mêmes – malgré les succès remportés sur le terrain – commencent également à se sentir seuls face à un groupe radical de plus en plus déterminé. La semaine dernière, le chef de Boko Haram s’en prenait aux responsables camerounais promettant d’intensifier leurs opérations contre l’armée camerounaise.
« On se sent très seul au front », c’est l’aveu du porte-parole de l’armée camerounaise qui cache de moins en moins le dépit que ressentent les soldats envoyés au nord du Cameroun. « Seul » parce que le Nigeria ne fait pas le travail.
Joint par RFI, le colonel Didier Badjeck, porte-parole de l’armée camerounaise, attend de la communauté internationale un soutien plus actif.
« On ne peut pas se cacher de dire qu’on se sent toujours très seul au front. Cela pèse. […] Je pense que, même au niveau international, il commence à y avoir une certaine gêne quant à l’implication même de cette communauté internationale. Nous œuvrons énormément pour les observations de maintien de la paix. En retour, on pourrait également bénéficier de ces attentions. Vous avez peut-être pu lire le message du chef de l’Etat adressé à la Nation. Il a dit que c’était un problème qui était global et qu’il fallait des solutions globales. Il faudrait donc peut-être que ces solutions se mettent déjà en place pour qu’on puisse nous soulager déjà d’un problème qui n’est pas le nôtre », a déclaré le colonel Didier Badjeck.
Pour les Camerounais, il est de plus en plus flagrant que l’armée nigériane a renoncé à pourchasser Boko Haram dans certains secteurs, laissant notamment les jihadistes libres d’agir le long de la frontière camerounaise.
Pourtant, les stratèges militaires de Yaoundé plaident pour une action en profondeur contre Boko Haram, c’est-à-dire une action contre les bases arrière et notamment la forêt de Sambissa, véritable place forte de Boko Haram dans l’Etat de Borno.
Du côté des politiques camerounais, là aussi on regrette que la communauté internationale ne soit pas plus active. La semaine dernière, le président Paul Biya a plaidé pour la mise en place rapide d’une force internationale. De son côté, le Social Democratic Front (SDF) – grand parti d’opposition – prône la même chose, mais il relève que le Cameroun paie aujourd’hui l’inaction du président Biya sur la scène internationale durant des années.
De plus en plus de déplacés à Diffa, au Niger
A la frontière avec le Niger, des villes et des villages entiers se sont vidés de leur population. Ces déplacés se retrouvent, pour beaucoup, au Niger dans la région de Diffa. C’est la conséquence de l’insécurité qui prévaut dans le nord-est du Nigeria où sévissent les combattants de Boko Haram. Dans certains villages nigériens, les déplacés sont deux fois plus nombreux que les habitants eux-mêmes et parfois davantage encore. RFI a interviewé Oumarou Daddy Rabiou, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Niamey, au Niger, qui nous fait part des problèmes concrets que cela pose.
C’est vrai que depuis quelques mois, la région de Diffa est doublement impactée par les conséquences du conflit et de la violence au nord-est du Nigeria. Sur le plan alimentaire, nous avons assisté 45 000 personnes en 2014 dont la moitié a été assistée ces trois derniers mois.
Oumarou Daddy Rabiou
Porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Niamey, au Niger.