Pascaline Bongo est assignée à comparaître le 17 mars à 10h devant le tribunal de grande instance de Paris. La sœur du chef de l’État gabonais est accusée de n’avoir pas honoré environ 500 000 euros de factures auprès d’une petite société française.
Dans moins d’un mois, le cas de Pascaline Bongo va accaparer l’attention de la 4e chambre du tribunal de grande instance, au palais de justice de Paris. Fille aînée et ancienne directrice de cabinet de feu Omar Bongo Ondimba, la sœur de l’actuel chef de l’État gabonais, Ali Bongo Ondimba, est en effet assignée à comparaître devant la justice française suite à une action intentée par la société française Blue Mendel.
Cette petite entreprise basée en région parisienne, qui emploie quatre salariés, réclame aujourd’hui la somme rondelette de 540 300 euros, hors dommages et intérêts, à Pascaline Bongo. Blue Mendel a porté à la connaissance de la justice des dizaines de factures impayées depuis le début de l’année 2013. Celles-ci, que Jeune Afrique a pu consulter, concernent notamment des frais de déménagement et de livraison, de la Mercedes envoyée à Libreville depuis Paris en passant par la commande de moquette en gazon artificiel (pour 18 704 euros) ou de grosses quantités de fleurs pour les obsèques de Sullivan Bongo (un des frères de Pascaline).
Le 27 juin 2013, Blue Mendel effectue notamment la livraison, à la présidence de la République du Gabon, au nom de Pascaline Bongo, de 102 pots de crème glacée (parfums caramel, vanille, chocolat, biscuit cookies…) pour une valeur de 3 674 euros (voir facture ci-dessous).
Commandes par SMS
Pascaline Bongo, alias « PB », aurait passé toutes ses commandes par des SMS envoyés directement au patron de la société Blue Mendel, qu’elle tutoie. Entre le 7 mai 2012 et le 20 avril 2014, quelque 257 messages sont échangés entre les deux interlocuteurs, dont 69 émis par le portable de Pascaline Bongo. Le 31 mai 2012, une commande de « 1000 hortensia blanc 500 hortensia roz (…) 1000 [roses] blanch 600 rouge 300 mauv et des pivoines : blanch 300 et roz 200 (…) » est lancée. La cargaison de cinq palettes est livrée le mardi suivant, 5 juin, à Libreville, via un vol Air France.
Cette mécanique en apparence bien huilée s’enraye à la fin de l’année 2012. Blue Mendel fait acheminer à Libreville deux conteneurs de biens qui appartiendrait à Pascaline Bongo, via une société de transport maritime, depuis le port de Dunkerque, dans le nord de la France. La marchandise arrive sans encombre au Gabon le 30 décembre 2012. La société de transport réclame alors son dû à Blue Mendel, qui demande la somme à sa cliente gabonaise.
Blue Mendel serait aujourd’hui au bord du précipice financier, selon ses avocats.
Elle ne l’obtiendra pas. Outre le fait que les conteneurs n’auraient ensuite jamais quitté le port de Libreville, la petite entreprise française se retrouve alors attaquée en justice par la société de transport maritime à qui elle avait sous-traité l’affaire. Blue Mendel est condamnée le 25 avril 2014 à 86 000 euros d’amende, date à laquelle elle décide de mettre fin à ses prestations pour Pascaline Bongo. Et elle serait aujourd’hui au bord du précipice financier, selon ses avocats.
Silence radio chez Pascaline Bongo
« Ma cliente se bat aujourd’hui contre les banques pour survivre alors que, si Mme Bongo réglait le contentieux, elle pourrait tranquillement reprendre son activité », s’indigne Me Caroline Wassermann, conseil de la société Blue Mendel. Celle-ci ne mâche pas ses mots : « Ce qui me choque, c’est la disproportion entre Pascaline Bongo, qui est assise sur des millions et cette petite société de quatre employés qui est proche du dépôt de bilan ».
Pascaline Bongo et sa défense se sont pour le moment murées dans le silence, tout comme la présidence gabonaise, au palais duquel étaient pourtant effectuées une bonne partie des livraisons à son nom. « Nous avons connaissances de cette affaire parce que les médias en parlent mais cela n’engage pas la présidence », réagit Alain Claude Bilié By Nzé, porte-parole du président. « Mme Pascaline Bongo est adulte, ce qu’elle fait n’engage pas Ali Bongo Ondimba. C’est une association malheureuse », ajoute-t-il, avant d’expliquer que les livraisons effectuées à la présidence datait de la période où Pascaline Bongo était directrice de cabinet d’Omar Bongo. Ce qui paraît inexact : selon les factures consultées par Jeune Afrique, les commandes ont continué tout au long des années 2012 et 2013. « Nous n’en avons pas connaissance », répond Alain Claude Bilié By Nzé.
Vous aviez soldé 2012 (64 000 euros). Mais en 2013, rien !
La sœur d’Ali Bongo Ondimba peut-elle ignorer la situation ? Déjà, dans un SMS envoyé le 5 juin 2013 sur son téléphone portable, le dirigeant de la société Blue Mendel l’avait alertée : « Bjr Madame, depuis le début de l’année, j’ai envoyé les factures (…) et tjrs rien (…), il ne prend plus au tél. Vous aviez soldé 2012 (64 000 euros). Mais en 2013, rien ! ».
La réponse avait été rapide : « Je n’ai pas les factures de 2013. Envoi le détail. » Ce qui sera fait le jour même, sans apparemment produire aucun effet. Suite du feuilleton au palais de justice de Paris le 17 mars.
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Par Mathieu OLIVIER