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Paul Biyoghé Mba et les revers du cynisme en politique

Paul Biyoghe Mba a démissionné à titre réglementaire de son poste de Premier Ministre le 13 février 2012
Paul Biyoghe Mba a démissionné à titre réglementaire de son poste de Premier Ministre le 13 février 2012
Il totalise 35 ans de vie publique. Mais, c’est la transition de 2009 qui a permis au grand public d’avoir une meilleure idée de ce personnage rustre et sectaire.

Certains ont la réputation d’être naïfs et peureux, lui est plutôt présenté comme un calculateur froid, cynique et téméraire. «Il n’a pas froid aux yeux et fonce toujours tête baissée comme un buffle. Quand on était au cabinet, on le surnommait président adjoint», témoigne un ancien ténor du cabinet d’Omar Bongo Ondimba. Il a essayé de se parer des atours d’un républicain au service d’une cause mais sa nature l’a rattrapé. Sa boulimie, son incapacité à masquer son jeu, ses réflexes ont fini par le perdre. A bientôt 62 ans, Paul Biyoghé Mba est perçu comme un personnage rustre et sectaire, aux antipodes de l’image de technocrate républicain après laquelle il court. N’a-t-il pas récemment évoqué le cas des déflatés des différentes privatisations d’entreprises publiques ou parapubliques ?

A la tête du Conseil économique et social depuis juin 2012, l’ancien Premier ministre clame son ambition d’en faire «une institution utile» animée par des «professionnels pour un travail totalement professionnel» (lire «Ouverture de la première session ordinaire du CES»). Certes on l’a vu plaider pour davantage d’interaction avec le gouvernement. On l’a également entendu annoncer le lancement d’un observatoire pour une meilleure orientation de l’action publique. On a même été témoin de sa prise de position en faveur d’un dialogue politique. Mais, son passé personnel et ses états de service ne contribuent nullement à crédibiliser cette posture. Définitivement, on y voit un positionnement tactique et opportuniste.

Brutalité et intrigue politicienne

Si ses compagnons du PDG, tiennent avant tout le président du Conseil économique et social pour une «souris élevée dans (leurs) sacs d’arachides», certains d’entre eux lui imputent aussi la dissolution de l’Union nationale voire le durcissement du climat socio-politique. Pour l’opposition, sa responsabilité est pleinement engagée dans «le coup d’Etat électoral de septembre 2009». La société civile le présente comme le marionnettiste de la querelle de légitimité pour le contrôle de la maison des acteurs non étatiques léguée par le Programme de renforcement des capacités des acteurs non étatiques (Progreane). De nombreux citoyens le présentent comme l’instigateur et principal bénéficiaire du «tsun’Ali» d’octobre 2009.

Totalisant aujourd’hui 35 ans de présence dans les hautes sphères politiques, Paul Biyoghé Mba a tout eu sans parvenir à se densifier réellement. Conseiller, directeur adjoint de cabinet du président de la République, plusieurs fois ministre, député, sénateur, il aussi été leader de parti politique. Prenant prétexte des émeutes de février 94 consécutives à la contestation de la présidentielle de décembre 93, il quitte le PDG, accusé alors de «dérive autoritaire», pour créer le Mouvement commun de développement (MCD). Une aventure à laquelle il met fin en novembre 2002 en dissolvant le MCD dans le PDG. Malgré ces zigzags, l’homme s’est véritablement révélé au grand public en 2009.

Dès sa nomination en pleine transition, le nouveau Premier ministre surprend par sa brutalité, sa propension à l’intrigue politicienne, son goût immodéré pour le rapport de forces et son manque d’attention pour les procédures. Aujourd’hui encore, certains s’interrogent sur la validité d’un scrutin organisé par un gouvernement dont la déclaration de politique générale est toujours attendue. «Quand Eyéghé Ndong démissionne, la logique aurait voulu que Georgette Koko assume l’intérim jusqu’à la fin de la transition», analyse un ancien journaliste au quotidien L’Union, qui ajoute : «En nommant Biyoghé Mba, Rose Rogombé aurait dû se souvenir qu’on était en pleine intersession parlementaire. Elle aurait donc dû lui demander de convoquer une session extraordinaire, même d’une journée, afin qu’il se soumette au vote de confiance avant d’organiser une présidentielle».

Zèle et nettoyage idéologique

Rassuré par la cécité volontaire des autres institutions, notamment la présidente de la République par intérim et la Cour constitutionnelle, aveuglé par l’envie non pas d’organiser une présidentielle mais de «faire gagner le fils du patron», Paul Biyoghé Mba ne s’est guère embarrassé de toutes ces précautions, brutalisant la société et l’édifice institutionnel comme jamais. Une fois son dessein accompli et sa reconduction actée, il se livra à un véritable «nettoyage idéologique», une «purification politique» au sein de l’appareil d’Etat. Jamais, de mémoire de Gabonais, le délit d’opinion n’a autant dicté sa la loi. «Je vais vous enlever du travail un à un», lançait-il alors, avec un rare cynisme, à l’un de ses proches dont le malheur avait été de battre campagne pour Casimir Oyé Mba. «Vous allez rester à la maison», assénait-il à deux de ses conseillers réputés proches de Marcel Ntchoréré et Michel Leslie Teale. «Par ce zèle, Biyoghé Mba croyait en réalité prendre le contrôle du pays. Il roulait pour lui-même et espérait reconstituer son parti en plaçant ses affidés partout», explique un enseignant de droit à l’Université Omar Bongo. Visiblement, cette stratégie a fait long feu : moins d’une année après leur intronisation, ses proches tombaient les uns après les autres. Un véritable gâchis administratif et politique avec, à la clé, des drames humains.

Au-delà des considérations personnelles ou politiciennes, Paul Biyoghé Mba semble avoir marqué d’une empreinte indélébile le mandat d’Ali Bongo, caractérisé par une calamiteuse gestion des ressources humaines, des frustrations en cascades et des lésions régulières sur le tissu social. On est aux antipodes de «l’envol» jadis promis par l’actuel président du Conseil économique et social. On en est encore à interroger la plus-value du fondateur du «premier parti économique du Gabon». Désormais, on cherche à comprendre si les manquements constatés dans «la formulation des plans sociaux dans les entreprises privatisées ou en cours de restriction et l’exécution de ces plans sociaux» ne relèvent pas simplement de «retards utiles». Il est des moments où la mémoire nous joue des tours…

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