Le dessinateur gabonais s’en donne à coeur joie pour brocarder les politiciens de son pays, y compris Ali Bongo Ondimba. Mais, habilement, le président a pris le parti d’en rire… en préfaçant son dernier album.
Depuis cinq ans déjà, le dessinateur Pahé n’en finit pas d’égratigner le président du Gabon, Ali Bongo Ondimba. Ce dernier, pourtant, serre les dents et ne lui en tient pas rigueur. Comme il l’avait promis au caricaturiste, ou plutôt « comme il l’avait juré sur la tête de toutes ses anciennes copines », il a en effet signé la préface de son nouvel album, 5 ans déjà !!
« Les dessins de Pahé sont irremplaçables, écrit-il. Il nous énerve, il nous pique et, s’il vise juste, il dérange. Cependant, aujourd’hui plus encore qu’hier, ses croquis m’apparaissent essentiels. Je l’ai déjà dit avant, bien que je ne partage pas toujours vos idées, ce droit inaliénable à la libre expression, je le défendrai. »
Plus d’un mois après le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo, à Paris, cette préface prend une dimension particulière. Même si les dessins de Pahé n’ont pas, loin s’en faut, la virulence de ceux de Charb, Ali Bongo Ondimba se peaufine, en les préfaçant, une image de démocrate ouvert à la critique.
Le caricaturiste, qui est tout aussi acerbe avec l’opposition, craint-il du coup de servir la communication de celui qu’il surnomme Ali 9, roi du Gabon (car il est né un 9 février et en référence aux 9 provinces du pays) ? Pas vraiment. « C’est plutôt moi qui me sers de lui pour vendre mon bouquin ! s’exclame-t-il. Mettez du Ali Bongo en couverture et les ventes explosent ! Mais bon, c’est vrai que sa sortie lui sert un peu tout de même, c’est un sacré veinard ! »
Bien entendu, il y a des limites. Le président rappelle à point nommé le « devoir de responsabilité de ses opinions ». Tout en concédant que « le dessinateur de presse a plus de bol que son pote journaliste de la presse écrite », Pahé le rejoint sur le sujet. « Être caricaturiste en Afrique, c’est toute une histoire par rapport à l’Europe, dit-il. Que celui qui les oreilles comprenne. Soyons responsables ! »