Nouveau rebondissement dans l’affaire des «Biens mal acquis», avec la mise en évidence de trois comptes offshores ouverts à Monaco.
Maintes fois classée sans suite, l’affaire des «Biens mal acquis» a, une nouvelle fois, été déterrée, après que le parquet national financier de France eut saisi les juges chargés de l’affaire, fin 2014, pour soupçons de «blanchiment de détournement de fonds publics» liés à l’héritage d’Omar Bongo Ondimba. En cause : trois comptes offshores ouverts à Monaco, créditeurs de plus de 34 millions d’euros (environ 22 milliards). D’après les évaluations bancaires arrêtées à la date du décès d’Omar Bongo Ondimba, pas moins de 31 millions d’euros (environ 20 milliards de francs) sont en jeu sur ces comptes. L’origine de cette offensive judiciaire se trouve dans une dénonciation officielle des autorités de Monaco, adressée le 27 octobre 2014 à la procureure nationale financière, Éliane Houlette.
Un rapport «confidentiel» du Service d’information et de contrôle sur les circuits financiers (Siccfin), l’équivalent monégasque du Tracfin français, fait ainsi état de «nombreux comptes bancaires» détenus «par la famille Bongo» et ouverts au sein de trois banques domiciliées sur le Rocher : la Banque Martin Maurel (BMM), la Martin Maurel Sella (MMS) et la BNP Wealth Management, peut-on lire dans un article publié par Mediapart. «Comme c’est souvent l’usage dans l’univers de la dissimulation offshore, les comptes ont été affublés de noms de code plus ou moins ridicules. Pour le clan Bongo à Monaco, il y a par exemple le compte sphynx (à la BMM) ou le compte plexus (à la MMS)», explique le média d’investigation. Les deux comptes ont été ouverts au printemps 2000 par Omar Bongo Ondimba, ajoute Mediapart, qui souligne que sa fille Pascaline Mferri Bongo est également mandataire desdits comptes.
A en croire Mediapart, fin 2009 le compte sphynx affichait un solde positif de plus 10 millions d’euros (environ 6 milliards et demi) tandis que le compte plexus était crédité de plus de 19 millions d’euros (environ 12 milliards). «Les actifs d’un troisième compte, ouvert en 1998 à la BNP de Monaco, s’élevaient quant à eux à 1,9 million d’euros (environ, 1,2 milliard)», affirme Mediapart, évoquant un homme de l’ombre apparaissant comme mandataire, en plus des ayants droit : Henri-Claude Oyima, président de BGFI Bank, où une partie des sommes de la succession Omar Bongo Ondimba a justement été rapatriée à l’été 2013. Réagissant aux révélations de Mediapart, la présidence de la République avait affirmé, en février dernier, que «le président Ali Bongo Ondimba n’en a jamais été informé. Il ignore donc si ces comptes ont été ouverts et ce à quoi ils seraient destinés», reconnaissant cependant qu’à titre personnel, «le président dispose d’un compte à la banque Martin Maurel, compte ouvert il y a très longtemps, une quinzaine d’années environ. A ce jour, c’est un compte créditeur d’environ 200 000 euros (environ 133 millions) qui ne font pas partie de l’héritage».
Depuis 2010, les deux magistrats anticorruption, épaulés par les policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), pistent, en France, les acquisitions en tout genre (immeubles, hôtels particuliers, voitures de luxe, œuvres d’art, bijoux, etc.) des dignitaires du Gabon, du Congo et de Guinée équatoriale. Les montants en jeu dépassent l’entendement : plusieurs centaines de millions d’euros, qui ne correspondent guère aux émoluments officiels de chacune des personnes concernées. D’où le soupçon récurrent d’opérations de blanchiment de détournement de fonds, voire de corruption, opérées au détriment des populations.