Le décès du principal opposant au régime d’Ali Bongo, André Mba Obame, a déclenché des émeutes à Libreville. Fragilisé par la chute du baril du pétrole, le gouvernement affronte une grève générale.
On les surnommait les frères jumeaux. Ils se connaissaient parfaitement, avaient gravi les échelons ensemble à l’ombre du président Omar Bongo, le « fils aîné » aux côtés du « fils spirituel », puis se sont déchirés pour prendre sa succession à partir de 2009, après la mort de celui qui dirigeait le Gabon d’une main ferme depuis 1967.
Dimanche, le chef de l’État Ali Bongo a perdu son principal rival et opposant politique, André Mba Obame, qui s’est éteint à l’âge de 57 ans, alors qu’il souffrait de problèmes de santé.
ÉMEUTES CONTRE LA POLITIQUE D’ALI BONGO
La nouvelle de son décès a aussitôt entraîné des émeutes. Partis des bidonvilles qui s’étendent autour du centre de la capitale, Libreville, des partisans d’André Mba Obame ont incendié des voitures et des bâtiments dont celui de l’ambassade du Bénin.
Il s’agissait d’exprimer leur mécontentement contre le directeur de cabinet de la présidence, Maixent Accrombessi, d’origine béninoise et naturalisé gabonais, accusé d’être le principal instigateur de la politique d’Ali Bongo.
Dans ce pays des mille rumeurs, l’opposition a accusé le pouvoir d’être à l’origine du décès d’André Mba Obame. Cet ancien ministre de l’intérieur d’Omar Bongo apparaissait rarement en public depuis trois ans, en raison de lourds problèmes de santé.
« Des attaques mystiques répétées »
S’il entretenait le flou sur son état, il avait assuré au cours d’un entretien qu’il « avait été l’objet d’attaques mystiques répétées ». Des accusations qui avaient fait mouche au Gabon où les croyances traditionnelles ne sont jamais bien loin de la politique.
Le décès d’André Mba Obame, après celui de l’opposant de toujours, Pierre Mamboudnou, porte un rude coup aux adversaires d’Ali Bongo à un an de l’élection présidentielle. « Malgré ses difficultés, Mba Obame était un leader incontesté qui avait su rassembler les différents courants autour de sa bannière, l’Union nationale, estime Marc Ona Essangui, célèbre militant de la lutte contre la corruption. Avec sa mort, une lutte interne risque de se déclencher au sein de l’opposition. »
Derrière André Mba Obame, se détache la figure de Jean Ping, 72 ans, ancien président de la commission de l’Union africaine. Lui aussi est un ancien baron de la famille Bongo passé dans les rangs adverses.
« Le champ triomphal »
Il espère cristalliser autour de lui la colère d’une partie des Gabonais contre un régime qui n’a pas réussi en quarante-huit ans de pouvoir à transformer ce petit pays pauvre d’Afrique centrale en nation développée, malgré son pétrole abondant et sa faible population. Pire, la chute des cours du baril d’or noir a mis les caisses de l’État en péril.
L’explosion de la dette extérieure a contraint le pays à se serrer la ceinture. De nombreux grands projets d’infrastructures, dont la luxueuse marina appelée un peu vite « Le champ triomphal », sont à l’arrêt depuis que le pays ne peut honorer ses dettes.
L’administration elle-même tourne au ralenti. Les enseignants et une partie des hôpitaux sont en grève depuis le début février. Les manifestations de fonctionnaires, parfois brutalement réprimés, s’enchaînent. « Il y a un vrai ras-le-bol, constate Marc Ona Essangui. Le pays est à l’arrêt. »
OLIVIER TALLÈS