Pourquoi le gouvernement ne parle-t-il pas d’une seule voix ? Pourquoi entretient-il cette sorte de cacophonie lorsque certaines situations se présentent à lui ? En effet, entre le communiqué officiel de l’équipe gouvernementale lu par le porte-parole du gouvernement, Denise Mekam’ne, et la réaction du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Guy-Bertrand Mapangou, à la résidence de l’Ambassadeur du Bénin, l’opinion a noté des couacs dans l’expression de la parole gouvernementale.
Est-ce parce qu’il ne sait pas communiquer que le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique, de l’Immigration et de la Décentralisation est souvent amené à faire des dérapages ? Cette fois, c’est devant la résidence de l’ambassadeur du Bénin que Guy Bertrand Mapangou a administré à l’opinion la preuve de sa maladresse verbale, de ses outrances langagières, de son manque de retenue et de sa tendance à toujours accuser sans preuve. En effet, alors que le gouvernement avait déjà, par la voix de son porte-parole, «fermement condamné les actes de violence qui ont suivi l’annonce du décès d’André Mba Obame, notamment l’incendie de l’ambassade de la République sœur du Bénin, et mis en garde toute récupération de ce décès à des fins politiciennes», tout en appelant, «en cette circonstance de recueillement, à la sérénité et à la retenue», et tout en «présentant à la famille éprouvée ses vives condoléances» – un communiqué au ton conciliant et républicain et à la hauteur de l’événement -, le ministre de l’Intérieur, lui, est venu briser la belle harmonie qui se construisait entre le gouvernement et le peuple. «Quand Mamboundou est mort, on n’a pas brûlé les ambassades ; quand Rawiri est mort, on n’a pas brûlé les ambassades ; quand Bongo est mort, on n’a pas brûlé les ambassades, mais pourquoi quand Mba Obame meurt – paix à son âme -, on brûle les ambassades ?», a déclaré Guy Bertrand Mapangou.
Il est inutile de dire que cette déclaration a choqué jusqu’au sein de la famille du disparu. «Est-ce nous que le ministre veut accuser ? Est-ce les Fangs qu’il pointe du doigt ?», a réagi un neveu d’André Mba Obame. Maladroit dans son expression – ce qui ne peut manquer de surprendre chez un journaliste de formation -, le ministre de l’Intérieur a sans doute une mémoire sélective. Car, il a oublié de relever que lors de la mort, en mai 1990, de Joseph Rendjambé Issani, alors secrétaire général du Parti gabonais du progrès (PGP) au sortir de la Conférence nationale, de nombreux bâtiments, notamment ceux appartenant à des membres de la famille d’Omar Bongo, avaient été incendiés. C’était entre le 24 mai et le 6 juin 1990. Et Guy-Bertrand Mapangou d’ajouter – bluff ou réalité ? – que «des indices concordants démontrent que les jeunes gens ont agi sur les ordres d’hommes politiques tapis dans l’ombre». «Etait-ce vraiment de «jeunes gens» ? Quand ont-ils reçu des ordres des hommes politiques ?», s’interroge un ancien commandant en chef des Forces de police nationale qui pense à un bluff du ministre de l’Intérieur voulant faire croire à l’opinion, selon lui, «qu’il maîtrise la situation, que tout est sous contrôle»…
«Il peut arriver que, lorsque l’origine d’un décès est accolé à une personnalité, des individus manifestant leur colère se mettent malheureusement à casser, à piller, à incendier des biens», indique un sociologue enseignant à l’Université Omar-Bongo de Libreville. Pour cet universitaire, Guy Bertrand Mapangou qui avait tant souhaité être ministre de l’Intérieur depuis l’accession d’Ali Bongo à la magistrature suprême doit plus que jamais démontrer son efficacité, son talent et son ingéniosité – s’ils existent – à la tête de ce département ministériel, car, pour l’instant, «il a plus tchatché qu’acté».
A titre de rappel, après l’agression dont avait été victime, il y a environ un an, le Pr Albert Ondo Ossa, ancien ministre d’Omar Bongo, sous les caméras de l’ambassade de Turquie, Guy Bertrand Mapangou avait annoncé l’ouverture d’une enquête et indiqué qu’il avait un faisceau d’indices. Enquête, faisceau d’indices, enquête, faisceau d’indices !… Jusqu’à ce jour, cette enquête semble n’avoir pas rendu ses conclusions. «Les annonces d’enquêtes et d’indices du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique semblent tenir plus du bluff que de la réalité», a analysé un ancien membre de l’Unité spéciale d’intervention (USI).
Mais au-delà de tout, ce sont surtout les couacs dans l’expression de la communication gouvernementale que l’opinion a relevés entre le communiqué apaisant du gouvernement et la réaction du ministre de l’Intérieur, même si celui-ci, dans une étrange adresse publiée le lundi 13 avril 2015, a tenté une auto-réhabilitation.