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Suite à l’incendie de l’ambassade du Bénin : Doutes et inquiétudes

Annie-Léa Méyé, interpellée à 5 h du matin un jour non ouvré, sans mandat dûment signé du procureur.
Annie-Léa Méyé, interpellée à 5 h du matin un jour non ouvré, sans mandat dûment signé du procureur.
L’interpellation de deux activistes de la société civile réputées proches de l’opposition, quelques jours après l’incendie de la chancellerie du Bénin au Gabon, dans des conditions pas toujours conformes aux règles et dans un contexte de surchauffe laisse perplexe.

Même si, on n’est plus à une bizarrerie près, cette affaire n’en suscite pas moins trouble, doute et effroi. Quelques jours après l’incendie de la chancellerie de l’ambassade du Bénin au Gabon, Annie-Léa Méyé et Georgette Toussaint ont été interpellées dans des conditions pour le moins hors du commun. Visiblement, les deux activistes de la société civile sont accusées d’être les instigatrices de cet incendie. Seulement, à en croire le témoignage de la fille d’Annie-Léa Méyé, l’opération semble avoir été menée en marge des normes procédurales : l’interpellation aurait eu lieu à 5 h du matin un jour non ouvré, sans mandat dûment signé du procureur et aurait donné lieu à une effraction manifeste. Face à ces détails troublants, le gouvernement observe le mutisme, préférant évoquer une enquête et des «pistes».

Et pourtant, l’interpellation est réglementée. Elle ne peut se faire avant 6h du matin et doit toujours faire suite à une demande du procureur de la République. Elle doit aussi être menée dans le respect des droits civils et politiques, notamment le droit au respect de la vie privée, de la vie familiale, et du domicile. A l’exception des personnes déjà fichées, des cas de terrorisme, grand banditisme ou des flagrants délits, la porte doit toujours s’ouvrir de l’intérieur. Au besoin, les enquêteurs peuvent faire le pied de grue devant le domicile du suspect et l’interpeller une fois dehors. Ainsi, les agents commis à cette tâche auraient-ils pu attendre la levée du jour devant les domiciles, les suspectes étant condamnées à sortir de leurs maisons à un moment ou un autre.

Au lendemain de ce que d’aucuns considèrent comme un enlèvement ou un kidnapping, les vices de procédure pourraient bien se retourner contre la puissance publique. Plus de 48 heures après, les avocats de la défense n’ont toujours pas accès au dossier et encore moins à leurs clientes. Le lieu et les conditions de leur détention ouvrent la porte à tous les commentaires, à toutes les interprétations. Devenus le principal canal d’information, les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie, y allant des analyses et nouvelles les plus diverses. Dans un contexte où l’opacité et le silence dicte leur loi, le distinguo entre info et intox est quasi-impossible. Or, pour son efficacité, l’enquête requiert de la sérénité. Pour son équité, la justice a besoin de calme. Rien, absolument rien de constructif ne peut émerger dans un climat où la dissimulation le dispute au déni de droit, à l’incompétence et à l’improvisation, où la passion et les arrière-pensées politiciennes se choquent et s’entrechoquent.

Politique du bouc-émissaire

On ne peut à ce jour pencher pour ou contre la culpabilité des deux mises en cause. Si la présomption d’innocence doit être de mise, on ne peut jurer de rien. A contrario, on aurait tort de les accabler d’entrée de jeu ou de laisser croire à la mise en œuvre d’on ne sait quel ordre venu de quelque leader d’opposition. Depuis de nombreuses années, l’opinion est toujours en attente de l’aboutissement des nombreuses enquêtes ouvertes dans le cadre des crimes rituels. Elle se demande encore où en est l’enquête ouverte après l’assassinat de l’ancien directeur général du Conseil gabonais des chargeurs (CGC), René Ziza, en plein centre-ville, le 25 novembre 2009. Elle en est aussi réduite à s’interroger sur les tenants et aboutissants de l’agression dont fut victime l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, Albert Ondo Ossa, le 8 juin 2014, non loin de l’ambassade de Turquie à Libreville. Pour de nombreux observateurs, la célérité dont font montre les forces de sécurité dans l’enquête relative à l’incendie de la chancellerie de l’ambassade du Bénin au Gabon parait suspecte. Paradoxalement, les déclarations hâtives du ministre de l’Intérieur faisant état «d’un acte isolé, perpétré certainement par quelques individus sans doute entretenant des relations très étroites avec certains milieux politiques qui ont choisi la violence comme voie appropriée pour accéder au pouvoir» ou mettant en cause, au soir de l’incendie, «des individus non encore identifiés se réclamant du Front de l’opposition pour l’alternance (FOPA)» prennent désormais une autre résonance. Qu’on le veuille ou non, elles exhalent un parfum de politique du bouc-émissaire.

Par l’addition du non-aboutissement des précédentes enquêtes et de l’empressement de Guy Betrand Mapangou à pointer l’opposition du doigt, l’opinion semble dubitative. Elle a du mal à croire en la sincérité de l’enquête en cours. Elle ne peut se résoudre à admettre qu’une telle mission puisse être confiée à des dames. Surtout, elle cherche à comprendre les changements intervenus entre les précédentes enquêtes jamais bouclées et celle-ci. Plus éloquent, elle met en perspective la double interpellation d’Annie-Léa Méyé et Georgette Toussaint en interrogeant leurs rôles respectifs dans les préparatifs des funérailles d’André Mba Obame. Déjà, le président en exercice du Front de l’opposition pour l’alternance n’a pas manqué d’exiger «un minimum de quiétude pour (le) deuil (d’André Mba Obame)».

Dans ces conditions et au vu des vices de procédures dénoncés par les familles des présumées coupables, cette double interpellation n’est pas pour arranger les choses. Bien au contraire, elle en rajoute à un climat déjà à la surchauffe. Mais l’idée que les vices de forme puissent invalider la procédure ne semble pas effleurer le ministre de l’Intérieur. Entre enseignements du passé, considérations politiques et vices de procédures, tous les doutes sont permis et toutes les inquiétudes légitimes. Il n’est pas certain que nous soyons sur la bonne voie…

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