Une enquête préliminaire a été ouverte en juillet 2014 en France pour des abus sexuels sur mineurs imputés à quinzaine de militaires français en Centrafrique, sur la base d’un rapport des Nations unies consignant les témoignages des victimes présumées. Les faits auraient été commis sur une dizaine d’enfants entre décembre 2013 et mai 2014 à Bangui. Selon le quotidien britannique The Guardian qui a révélé l’information, le rapport aurait été transmis aux autorités françaises par un agent de l’ONU qui a mené l’enquête et qui aurait été choqué par l’inertie de sa hiérarchie.
Le rapport a été transmis au Guardian (lien en anglais) par l’ONG Aids Free World qui a l’habitude de travailler sur les viols et les abus sexuels dans les missions de maintien de la paix. Sa directrice, Paula Donovan, contactée par RFI, explique qu’il s’agit d’une série de six entretiens bruts avec des enfants victimes ou témoins de sévices sexuels. Ces entretiens ont été menés par un agent du Haut Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme, accompagné parfois d’un agent de l’Unicef.
« Le rapport est en fait une série de six entretiens avec des enfants qui ont presque tous été violés par des soldats français en République centrafricaine sur une période de plusieurs mois, indique Paula Donovan. Ces entretiens, dans certains cas, rapportent ce que les enfants ont vécu directement, personnellement. Dans d’autres cas, les enfants disent que ça ne leur est pas arrivé à eux, mais à leurs amis, et ils nomment ces amis. Ils donnent d’ailleurs beaucoup de détails pour raconter les sévices subis par leurs amis et même un certain nombre de détails pour identifier les agresseurs, en décrivant par exemple certains signes sur les agresseurs, ce qui rend les récits des enfants très crédibles. Il semble que les enfants ont identifié par leur nom ou en les décrivant 16 hommes. Avec les récits personnels des enfants violés et ceux de leurs amis, on atteint un total de dix victimes. »
Il y aurait donc une dizaine de victimes. Des enfants très jeunes, entre huit et onze ans, mais capables de donner force détails sur leurs agresseurs. Les faits se seraient produits dans le camp de déplacés de Mpoko, près de l’aéroport de Bangui et près de la base française, entre décembre 2013 et mai 2014. Les entretiens eux ont été menés en mai et juin 2014.
Enquête préliminaire
Ces faits ont été signalés aux autorités françaises. Le ministère de la Justice a confirmé ce mercredi qu’une enquête préliminaire avait été ouverte en juillet 2014. A Bangui, le parquet était surpris d’entendre parler pour la première fois de cette affaire ce mercredi après-midi. On sait que des magistrats français sont attendus dans la capitale centrafricaine dans les jours qui viennent. Mais on ignore si cette affaire fait partie de leur ordre du jour.
Un communiqué du ministère français de la Défense indique que le ministre « a pris et prendra toutes les mesures nécessaires pour la manifestation de la vérité. Si les faits étaient avérés, il veillera à ce que les sanctions les plus fermes soient prononcées à l’égard des responsables de ce qui serait une atteinte intolérable aux valeurs du soldat. »
■ L’ONU aurait-elle tenté d’étouffer l’affaire ?
A l’ONU, on ne badine pas avec les procédures internes. C’est l’affaire dans l’affaire. Pour avoir divulgué un rapport confidentiel évoquant des cas circonstanciés de viols sur des enfants centrafricains par des soldats français, Anders Kompass a été suspendu de son poste de directeur des opérations de terrain la semaine dernière.
Anders Kompass, de nationalité suédoise, est un fonctionnaire du Haut Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, basé à Genève. Devant l’inertie de sa hiérarchie, il aurait décidé l’été dernier, selon le quotidien The Guardian, de transmettre ce rapport sensible à la justice française.
Au siège des Nations unies, on estime qu’il s’agit là d’un manquement grave aux procédures onusiennes. L’ONU confirme par ailleurs qu’Anders Kompass a bien été placé « en congé administratif avec plein salaire, en attendant les conclusions d’une enquête interne ». Ses emails ont même été saisis.
Selon le quotidien britannique, Anders Kompass, 30 ans de carrière dans les affaires humanitaires, avait informé ses supérieurs hiérarchiques de sa démarche, y compris le Haut Commissaire pour les droits de l’homme en personne.
La Suède a menacé de porter le débat sur la place publique si le fonctionnaire suédois était relevé de ses fonctions. Des ONG dénoncent régulièrement la duplicité de l’ONU sur ces délicates affaires d’abus sexuels. L’ONU a dû faire face à plusieurs scandales de viols commis par des casques bleus au cours de missions de maintien de la paix.
Publié le 29-04-2015 Modifié le 30-04-2015 à 12:27