La dépouille du secrétaire exécutif de l’Union nationale peine à prendre l’envol pour la terre de ses ancêtres, conformément au programme arrêté. Les dirigeants de l’UN et la famille de Mba Obame ont résolument perdu le contrôle de la situation, rythmée par les caprices de la foule.
Même mort, André Mba Obame agite le pays. Après l’hommage grandiose rendu au stade de Nzeng-Ayong par la population de Libreville, la suite du programme établi des obsèques du candidat à la présidentielle de 2009 peine à être exécuté. Attendu à Oyem depuis le 29 avril dernier en après-midi, la dépouille du secrétaire exécutif de l’Union nationale, décédé à Yaoundé le 12 avril dernier, est l’objet de plusieurs tracasseries au niveau de la capitale gabonaise.
Les quelques leaders et personnalités de l’Union nationale (UN) restés à Libreville, notamment Paul Marie Gondjout et son épouse Chantal, Gérard Ella Nguema, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, Jean Ntoutoume Ngoua ainsi que la famille du défunt semblent tous avoir perdu le contrôle de la situation face aux militants et sympathisants déterminés à porter le cercueil, sur le tarmac de l’aéroport international de Libreville, jusqu’à la soute de l’avion. Il est question de s’assurer que la dépouille mortuaire de Mba Obame ne recevra pas les «hommages maçonniques» ou ne sera pas l’objet d’une «cérémonie maçonnique de rupture de la chaîne» que le président Ali Bongo et certains membres du gouvernement entendraient organiser en catimini, selon la ferme conviction et les déclarations à tue-tête de la foule, estimée à trois milliers de personnes. «Le pouvoir ne peut plus nous convaincre encore moins nous dissuader. Amo ne mourra pas deux fois. Soit ont part à Oyem par voie terrestre en cortège, soit l’armée française affrète un hélicoptère pour transporter le corps, ou alors Amo sera enterré au siège de l’Union nationale», entendait-on ce matin de la part de nombreux quidams autour de la dépouille.
Résolue à faire plier le pouvoir et à démontrer que c’est pour le Gabon tout entier et au péril de sa vie qu’André Mba Obame s’est battu, la population amassée entre l’entrée de la base aérienne 01 de Libreville et l’entrée des services du fret a refusé, en fin de matinée, d’entendre raison. «J’ai fait du mieux que je pouvais. Ils ont refusé de m’écouter. Je ne sais plus comment faire entendre raison à de grandes personnes qui se comportent comme des enfants. Je rentre», a déclaré le secrétaire exécutif de l’ONG Brainforest, Marc Ona Essangui, découragé au terme d’une longue médiation infructueuse.
Contre toute attente et comme si André Mba Obame ne souffrait pas déjà assez de ces tourments autour de son corps, la foule toute remontée a contraint le conducteur du pick-up transportant la dépouille à rebrousser chemin vers le siège de l’Union nationale, où le cercueil a été posé, pour la troisième fois, depuis son retour du Cameroun.
Joint au téléphone depuis Oyem, François Ondo Edou, le porte-parole de l’UN, a indiqué qu’au terme d’une réunion avec les autorités administratives du chef-lieu de la province du Woleu-Ntem, il a été convenu que si la bière du regretté n’y arrivait pas à 17 h, la délégation partie de Libreville pour la suite des obsèques devrait revenir d’urgence sur la capitale, par la route, en vue de tirer les choses au clair. Il a démenti toutes les rumeurs selon lesquelles la ville d’Oyem serait sous tension et qu’on y aurait enregistré quelques actes de vandalisme.
Au siège de l’UN à l’Ancienne-Sobraga, quelques personnes avisées assurent avoir observé et perçu l’action sournoise de personnes ayant infiltré la foule et la manipulant «à quel dessein on ne sait». «La foule ne sait pas ce qu’elle veut et nous ne savons plus ce qu’il y a lieu de faire», confie, résigné, Paul Marie Gondjout. «On nage en plein dans l’irrationalité avec ce peuple de croyants, sevré et pétri d’idées métaphysiques aussi bien chrétiennes qu’animistes. Impossible de lui faire entendre raison», tente d’expliquer un cadre de l’UN.
Aux dernières nouvelles et selon des membres éminents de l’UN, les Forces armées gabonaise ont accepté de contribuer à ramener la sérénité, en prêtant leurs installations (la base aérienne 01) afin que toute la foule puisse assister à l’embarquement de la bière problématique. Ce qui devait se passer avant 17 h, l’aéroport d’Oyem n’étant pas éclairé. Mais la foule à qui il a été proposé d’être transportée par taxi-bus a refusé. A pied et à sa vitesse, il faut à la foule près d’une heure pour partir de l’Ancienne-Sobraga à la base aérienne militaire.
De toute évidence la dépouille mortuaire d’André Mba Obame passera une autre nuit à Libreville. 18 jours après son décès, l’enfant terrible de Medouneu n’a toujours pas rejoint sa dernière demeure. «Mais peut-être, l’esprit d’AMO refuse-t-il de prendre l’avion. Peut-être veut-il retourner à Medouneu par la route. Il n’était pas simple après tout…», lance un membre de l’UN exaspéré. Irrationnel et métaphysique. Encore et encore.