A l’origine de la controverse qui dure depuis des mois à Libreville, le livre (paru en octobre 2014) du journaliste français Pierre Péan, Nouvelles affaires africaines, selon lequel M. Bongo aurait falsifié son acte de naissance et serait en fait un enfant nigérian adopté pendant la guerre du Biafra, à la fin des années 1960 ; ce que la présidence — qui a porté plainte contre le journaliste — réfute.
Or, l’article 10 de la Constitution stipule qu’il faut être né gabonais pour briguer la présidence, le prochain scrutin présidentiel étant prévu en 2016. Un argument aussitôt brandi par l’opposition pour demander au président, élu après le décès de son père, de prouver qu’il est bien le fils biologique d’Omar Bongo Ondimba, faute de quoi il serait inéligible à la présidentielle.
Le feuilleton s’est poursuivi depuis : après une plainte de l’opposition — rejetée par la justice gabonaise à la fin de 2014 — accusant le chef de l’Etat d’avoir présenté « un faux » acte de naissance lors de son élection en 2009, une fille du défunt président compte désormais saisir la justice française pour réclamer l’acte intégral, dans le cadre d’un conflit de succession autour de l’héritage familial.
Nouveau coup de théâtre la semaine dernière : le service central de l’état civil français, sis à Nantes (ouest), a délivré le 18 juin un extrait d’acte de naissance allant dans le sens de la version officielle donnée par Libreville. Ali Bongo Ondimba est né le 9 février 1959 à Brazzaville, alors capitale de l’Afrique équatoriale française (AEF), où résidait son père.
La délivrance de ce document répondait à une requête non pas du pouvoir mais d’organisations non gouvernementales de la diaspora gabonaise proches de l’opposition, adressée au service nantais, qui est compétent pour les actes de naissance de personnes nées en AEF jusqu’en 1960, date de l’accession de ces ex-colonies à l’indépendance.
Interrogée par l’Agence France-Presse, une source proche de la présidence a estimé que « le débat est clos. Nous le disions depuis le début. Quand on ouvre un faux débat, ça ouvre de fausses pistes. Eux-mêmes [les opposants] sont allés au bout de cette logique, il faut en accepter l’issue ».
Raillant la « pauvreté du débat » au Gabon, focalisé depuis des mois sur la question de l’état civil du président, cette source a ajouté que « c’est la preuve que cette opposition n’a aucun projet pour le pays ».
Mais pour les adversaires du président, qui crient à la « manipulation », le document ne prouve rien. A Nantes, Jean-Michel Mounguengui, membre de l’association GO Gabon (Grand Ouest pour le Gabon) et du Rigle (Réseau international des Gabonais de libre expression), à l’origine de la démarche, affirme que « c’est la Françafrique qui est en marche ».
« L’extrait de naissance de Nantes nous pose un problème éthique dans la mesure où des demandes similaires avaient déjà été faites par des compatriotes auprès du service central de l’état civil » des derniers mois, affirme de son côté Jean de Dieu Moukagni Iwangou, président du Front uni de l’opposition pour l’alternance (FOPA), coalition des principaux partis d’opposition.
« La réponse de Nantes a toujours été négative, l’acte de naissance ne figurait pas dans leurs registres. Et huit mois après, tout à coup, le même service peut retracer ce monsieur ?! », poursuit l’opposant.
Selon M. Iwangou, « les Gabonais voient ça comme un lâchage de la partie française, ils ne comprennent pas comment elle peut soutenir un président qui foule aux pieds les lois de la République ».
Plusieurs journaux privés proches de l’opposition ont également mis en doute la crédibilité du document. « Depuis que les controverses et polémiques sont nées à propos de cet acte, qu’attendait [Ali Bongo] pour le rendre public ? », se demande ainsi l’hebdomadaire Le Temps.
Interrogé à la suite de ces accusations, le porte-parole du Quai d’Orsay, Romain Nadal, s’est borné à répondre : « Nous avons appliqué la réglementation s’agissant de cette demande concernant M. Bongo comme nous le faisons pour toute demande, dans la mesure où celle-ci prévoit la possibilité pour un tiers d’obtenir la communication, non d’un acte de naissance qui comporte toutes les mentions relatives à l’état civil, mais d’un extrait de naissance. »
Le Monde.fr avec AFP Le 25.06.2015 à 11h32 • Mis à jour le 25.06.2015 à 12h31