Nous avons suivi, avec attention, les critiques, pas en notre faveur, de nombre de Gabonais qui se sont offusqués de notre position contre la sortie de Vincent Essone Mengue. Nous acceptons leur attitude. Car nous estimons que, dans une société, il faut le débat et être à l’écoute des autres composantes de cette société. Toutefois, nous ne saurions être d’accord avec eux du moment où ces compatriotes s’en prennent à la liberté de la presse.
Vouer un organe de presse aux gémonies pour n’avoir pas soutenu une position, c’est vouloir confiner cet organe à ne dire que ce qui les arrange et non pas le contraire. A cette allure, une forme d’intolérance et de dirigisme risque de voir le jour. On ne peut pas combattre le régime à cause de cette dérive dirigiste, pour la retrouver chez certains dans le camp de l’opposition. Sinon, pour quelles valeurs démocratiques ceux-là affirment-ils se battre ? Ceux-là ont-ils perdu de vue que la liberté d’expression est la valeur cardinale ? Dans une démocratie, nul ne peut s’affranchir de la liberté de pensée qui se juxtapose à la liberté d’expression. C’est elle que tout citoyen est amené, par dessus tout, à exercer. C’est ce que tout aspirant au pouvoir doit rechercher pour ses concitoyens. Autrement dit, est démagogue celui qui dit être en lutte pour instaurer des valeurs démocratiques, mais qui nourrit des tirs contre la presse ou ses animateurs ; ou commet des francs tireurs à l’endroit d’une presse parce qu’elle a osé exprimer sa liberté de ton et son indépendance. A ceux-là, nous disons que l’infime espace d’expression acquis par notre sang versé, nos mises en garde à vue, nos séjours dans les geôles, nos enlèvements, nos exils, ne sera jamais cédé à de petits princes capricieux.
Certains ont affiché leur intolérance, en couchant sur les réseaux sociaux des dénigrements, des propos fallacieux et une intox sur une pseudo-cession. C’est leur responsabilité. Même au plus fort de cette campagne, nous y voyons des citoyens, certes, qui mentent, mais qui s’expriment. Vouloir d’une presse et des citoyens libres, c’est aussi vouloir d’une presse et des citoyens qui, un jour, vont se dresser contre vous. L’homme politique qui a peur de cette évidence ne peut se dire démocrate ou en quête d’une démocratie. Car, manifestement, ce qui lui plairait, c’est une cour de laudateurs et une presse de complaisance. Que les uns et les autres sachent qu’« Echos du Nord » et d’autres confrères soucieux de leur indépendance ne seront jamais cette presse de complaisance. Dès lors, qu’ils sachent que nous analyserons, décrypterons, pas en leur faveur, leurs actes. Nous dirons sur leurs dérapages, leur inconsistance, leur inconstance comme sur leurs hauts faits d’armes. Nous les conforterons. Mais nous leur déplairons surtout. Il faudra s’y faire.
La réunion des forces d’abord…
La situation du moment interpelle. Nous réitérons que la quête de la candidature n’est pas l’urgence. Cela ne veut pas dire que des gens ne doivent pas avoir d’ambitions et les exprimer. Nous trouvons légitime qu’ils en aient. Mais qu’ils concentrent leur énergie sur des problèmes utiles. Est-ce utile de préparer des gens à une élection qu’ils savent inéluctable, vu que, constitutionnellement, une élection a lieu tous les sept ans ? L’utile n’est-il pas de renforcer la cohésion pour se mobiliser à exiger les conditions d’une élection crédible ?
Dire qu’« Ali Bongo ne cèdera pas, alors j’y vais… », a-t-il un sens ? Car où irait-on ? Quel sera le résultat avec un Code électoral modifié sur ordonnance ? Une liste électorale qui n’a pas connu la moindre révision ces deux dernières années sauf en 2013, en considérant que les campagnes d’enrôlement de 2013 en vue de la constitution d’un fichier biométrique en tinrent lieu. Cela est du reste remis en cause dès lors que le gouvernement annonce les résultats d’un recensement de la population à 1 600 000 Gabonais, sans possibilité de questionner objectivement ce chiffre. Et si, en plus, on lance qu’« Ali Bongo est un tricheur, jamais il ne mettra en place la transparence électorale… », pourquoi aller à une élection dont le résultat est connu d’avance ? Là encore, la seule bataille utile est la crédibilité de l’élection.
Toute chose qui montre que quelque soit le temps pris par l’opposition pour préparer cette élection, le résultat sera le même. Or, c’est à ce niveau que les points de vue achoppent. Pour fait, cet extrait du rapport de Daniel Mengara de son entretien avec Jean Ping en dit long. Ce dernier va se demander pourquoi se permet-on de lui « reprocher de vouloir préparer les Gabonais pour l’élection ? » car il est « convaincu que si on prépare l’élection bien à l’avance, l’opposition la gagnera… »
« Je continuai, dit Daniel Mengara, tant bien que mal, en reprenant les paroles de Ping lui-même qui, dans sa présentation, avait affirmé non seulement qu’Ali Bongo ne peut pas gagner une élection transparente, mais aussi que les élections présidentielles de 1993 avaient été gagnées par Mba Abessole, celles de 1998 par Mba Abessole (ou Omar Bongo), celles de 2005 par Pierre Mamboundou et celles de 2009 par André Mba Obame. Je lui rappelai, justement, que dans chacune des élections qu’il dit furent gagnées par l’opposition, aucune n’avait vu la campagne commencer un an avant. Les campagnes se faisaient sur trois mois, en comptant les périodes de précampagne, même s’il est vrai que le PDG a toujours été en campagne. Mais si, justement, comme il le dit lui-même, l’opposition avait gagné l’élection de 2009 alors même qu’elle n’avait eu que 45 jours pour se préparer, cet historique montre que, quelle prenne 12 mois ou 3 mois pour se préparer, l’opposition gagnera encore en 2016. Devant, donc, sa propre affirmation, ne valait-il pas mieux, pour le moment, se livrer à un débat pour la transparence qui donnera la chance à l’opposition d’accéder au pouvoir au lieu de continuer à se contenter simplement de clamer des victoires sans jamais accéder au pouvoir ? Ne se trouvait-il pas, par ailleurs, dans une fâcheuse contradiction en affirmant qu’il fallait se préparer 12 mois à l’avance alors même que, dans le même temps, il affirmait qu’Ali Bongo ne peut pas gagner une élection transparente face à l’opposition, comme, justement, Mba Obame avait pu, selon lui, le démontrer ? » Rappelons aussi que c’est en quinze jours qu’André Mba Obame changea la donne dans tout le pays.
En plus d’appuyer les positions de la société civile, du président du Front, Jean de Dieu Moukagni Iwangou, s’exprimant au nom de celui-ci, de l’UFA et de l’ACR, voire d’Héritage et Modernité qui questionne aujourd’hui l’état de notre vivre ensemble, avec au centre le choix harmonieux des gouvernants, force est de rappeler à Jean Ping que la réunion des forces est nécessaire, voire primordiale, pour accélérer l’obtention des conditions de la transparence. Aller à une élection organisée dans le désordre pour prendre à témoin la communauté internationale est un leurre. Cette communauté internationale ne s’est-elle pas empressée d’adouber Ali Bongo en 2009, l’Union africaine avec ?