Un mois après son annonce, la décision du président Ali Bongo Ondimba (ABO) de partager sa part d’héritage avec la jeunesse gabonaise continue de susciter force commentaires. J.A. est parvenu à reconstituer les principales étapes de l’opération.
Tout commence en juin 2013, quand Sylvia, l’épouse du chef de l’État, fait appel aux services de l’avocate Claude Dumont-Beghi pour l’assister dans la fondation consacrée aux femmes qu’elle a créée. Me Dumont-Beghi connaît bien le pays : quatorze ans durant (1986-2000), elle a été l’avocate d’Air Gabon. C’est ainsi qu’« Ali » fera sa connaissance.
Autre élément qui plaide pour son recrutement par le chef de l’État (à titre personnel, car elle ne travaille pas pour l’État gabonais), en décembre de la même année : elle s’est occupée avec succès de l’explosive succession Wildenstein, richissime dynastie de marchands de tableaux français.
Longtemps, ABO n’a pas souhaité s’occuper de la succession de son père, gérée par une notaire, Me Lydie Relongoue. Mais depuis le début de son mandat, il a le projet de céder sa part à une fondation, ce qui est impossible tant que ladite succession n’est pas réglée.
Action judiciaire
Il charge donc Me Dumont-Beghi de « mettre de l’ordre » dans le dossier. L’avocate se met au travail le 28 janvier 2014 et, dans un premier temps, se heurte à la mauvaise volonté de la notaire. Pour obtenir des réponses à ses questions, et, dit-elle, « savoir de quoi et de qui nous parlons » (la liste des biens, celle des ayants droit, etc.), elle décide alors de recourir à l’action judiciaire pour contraindre ses interlocuteurs à lui ouvrir leurs dossiers : dix-huit ordonnances sur requête sont lancées.
Elle a gain de cause sur la totalité d’entre elles, et obtient de surcroît la nomination d’un administrateur neutre et indépendant. Un travail de fourmi qui, le 10 décembre 2014, aboutit à la rédaction d’un document de travail, synthèse de ses investigations qu’elle adresse aux cinquante-quatre membres de la famille Bongo Ondimba concernés. Jusqu’alors, sur la base d’un testament rédigé en 1987 et jamais amendé, la succession ne concernait qu’une douzaine de personnes.
Me Dumont-Beghi se charge donc de régler la succession d’Omar Bongo Ondimba sur le plan légal, et fait valider par les magistrats l’ensemble des biens du défunt, en France comme au Gabon. Y compris, donc, ceux qui, contrairement à ce qui a pu être écrit ici ou là, se trouvent visés par l’instruction en cours depuis huit ans de l’affaire dite des biens mal acquis (qui concerne ABO et son père).
Don irréversible
« Ali » peut enfin mettre son plan à exécution. Il lui faut d’abord convaincre la douzaine de membres de sa famille concernés par le testament de partager l’héritage avec une quarantaine d’autres personnes. Ce qu’il obtient, non sans mal. Il procède ensuite au don : versement des revenus de sa part d’héritage (biens et dividendes tirés de ses actions du holding familial Delta Synergie) à une fondation pour la jeunesse et l’éducation ; cession à l’État, à titre gracieux, d’une propriété de 30 ha située près du camp De-Gaulle, à Libreville, destinée à devenir une université (valeur estimée : 120 millions d’euros) ; cession de deux hôtels particuliers situés rue de la Baume, dans le 8e arrondissement de Paris (valeur : 20 millions d’euros), et rue Edmond-Valentin, dans le 7e (environ 10 millions d’euros).
L’un et l’autre seront affectés à un usage diplomatique et culturel. La déclaration de cession unilatérale a été transmise au ministre du Budget, ce qui rend le don effectif et, surtout, irréversible.