Plus d’un mois après la condamnation de l’ancien gérant d’Afric aviation, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises et industries (CGPMEI) crie à l’injustice.
Il règne, depuis quelques temps, une vive tension au sein de la compagnie Afric aviation. Une tension qui, visiblement mal gérée, est en passe de déboucher sur un bras de fer entre l’administration et les différentes organisations du secteur des transports. C’est du moins ce que laisse présager la récente sortie de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises et industries (CGPMEI). A la suite de l’annonce de la sanction judiciaire à l’encontre d’Alfred-Pierre Etouké et suite à la réunion initiée la semaine dernière avec les délégués du personnel de la compagnie aérienne, la CGPMEI s’est dit «préoccupée (par cette affaire), au même titre que celle du cabinet Nerti Gabon, dans le cadre des expertises des véhicules à moteur, que celle du cabinet Avitec dans la sécurité des aéronefs».
Les membres de la CGPMEI en réunion avec les délégués du personnel d’Afric Aviation. Une déléguée du personnel d’Afric Aviation, brandissant un document dit compromettant. © D.R.
Les membres de la CGPMEI en réunion avec les délégués du personnel d’Afric Aviation. Une déléguée du personnel d’Afric Aviation, brandissant un document dit compromettant. © D.R.
Flashback sur l’«affaire»
Le 5 août dernier, l’ancien directeur général d’Afric aviation écopait d’un mois de prison ferme et d’une amende de 900 000 euros, soit près de 600 millions de francs, en raison d’un litige qui l’opposait à l’un des associés. Si, depuis 2009, les deux hommes étaient associés dans le transport des personnels des sociétés pétrolières, depuis son éviction en juillet 2013, Alain Regourd accuse son ancien associé de surfacturation et de détournement de fonds. Des accusations qui ont notamment conduit au retour, en février dernier, du Français en tant que gestionnaire de la compagnie aérienne, avec à la clé, des poursuites judiciaires et une condamnation par le tribunal de première instance de Libreville. Pour le tribunal, l’accusé aurait détourné 520 millions de francs pour rembourser un prêt contracté par Airport Services Co. (ASC), une société détenue en totalité par Alfred-Pierre Etouké qui avait dû emprunter à la banque pour disposer de trésorerie en vue de maintenir l’activité d’Afric aviation bloquée du fait de l’action Alain Regourd. Une somme que la banque, où sont domiciliés les comptes des deux sociétés, a dû récupérer sitôt les comptes d’Afric aviation renflouées. D’où l’accusation de détournement.
«Mais, de sources bien informées, y compris judiciaires, cette condamnation n’est rien d’autre que la victoire de la corruption et du trafic d’influence», indique notre confrère Le Mbandja, avant d’ajouter que sous le pistonnage une haute personnalité gabonaise clamant être très proche du chef de l’Etat, «des instructions sont données pour bloquer les procédures d’Alfred Pierre Etouke depuis juillet 2014 [mais également] pour faire prospérer les procédures d’Alain Regourd, dont la citation directe à l’issue de laquelle Alfred Pierre Etouke est injustement condamné [et que] des enveloppes sont distribuées pour obtenir des décisions en faveur d’Alain Regourd alors que tous les documents disponibles prouvent l’innocence d’Alfred Pierre Etouke et les malversations commises par Alain Regourd.»
Les avocats de sieur Etouké ont en tout cas fait appel de cette condamnation. De leur côté, personnels et membres de la CGPMEI s’insurgent.
L’implication de la CGPMEI dans l’«affaire»
Si Alain Regourd attend fermement les conclusions d’un audit commandité auprès du cabinet Ernst & Young, la CGPMEI, qui ne croit que très peu en la culpabilité d’Alfred-Pierre Etouké, fait part de son intention de s’impliquer pleinement dans cette affaire. Pour cette organisation, l’ancien directeur général d’Afric aviation est «accusé à tort», et «la décision du tribunal (est) inique et inconséquente». A la suite d’une réunion au cours de laquelle les délégués du personnel de la compagnie aérienne ont mis à la disposition des membres de la CGPMEI des documents faisant la genèse du conflit, les entrepreneurs du secteur du transport ont prétendu avoir compris le fin mot de l’histoire. «Les tensions ont commencé à apparaître lorsque le personnel gabonais de la compagnie a entrepris des mouvements d’humeur pour protester contre la discrimination raciale dont il était victime de la part du personnel blanc, emmené par Alain Regourd», a expliqué Emmanuel Marcos Zue Meye.
Visiblement convaincu, le président de la CGPMEI affirme que c’est «la découverte du cratère financier de plus de trois milliards de francs, laissé par les macabres détournements du Français dans les comptes bancaires de Paris» qui a mis le feu aux poudres. «La solidarité organisée autour d’Afric aviation ne saurait surprendre, d’autant que nombre d’entrepreneurs sont au bord de la faillite, en raison de l’immobilisme du ministère des Transports, responsable de la destruction du climat des affaires dans le secteur», tempête-t-il. Annonçant des actions de contestation dans les jours qui viennent, le président de la CGPMEI en appelle à la tenue d’un dialogue entre les parties prenantes du secteur des transports. «Il faut que ceux qui ont la responsabilité de la mise en œuvre de la politique (…) sachent que la fonction gouvernementale n’est pas un site de villégiature, mais plutôt un sacerdoce», assène Emmanuel Marcos Zue Meye, qui dit devoir porter cette affaire devant le nouveau ministre des Transports, Ernest Mpouho-Epigat.
Entretemps, convoqué pour le 8 septembre dernier, Jean Luc Legrand, n’a pas daigné se présenter devant les autorités judiciaires gabonaises. Conseiller financier d’Alain Regourd, il serait à l’origine des bilans 2011 et 2012 d’Afric aviation contestés par Alfred-Pierre Etouké qui les déclare erronés. De passage à Libreville, il aurait bien réceptionné la convocation transmise par Me Emile Mabouty, huissier de justice. Des sources concordantes indiquent qu’il a préféré s’envoler pour Port-Gentil avant d’embarquer le même jour pour Pointe Noire à bord d’un avion de la compagnie Equaflight Services appartenant à Alain Regourd. Un véritable roman policier et financier qui n’a, assurément, pas fini de faire couler encre et salive.