C’est un homme de l’ombre mais pas un inconnu qui est devenu l’homme fort du Burkina Faso, jeudi, au terme d’un putsch contre le gouvernement de transition. Ancien chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré, Gilbert Diendéré, 55 ans, a toujours été dans le sillage de son chef, fidèle parmi les fidèles depuis sa prise de pouvoir en 1987. Soupçonné d’avoir été à la tête du commando qui a abattu le capitaine Thomas Sankara, « le père de la révolution burkinabée » lors du coup d’Etat d’octobre 1987, il l’a accompagné jusqu’à son exfiltration vers Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, en 2014.
Faut-il voir pour autant la main de Blaise Compaoré derrière la prise d’otages de Michel Kafando, président de transition, et le lieutenant-colonel Isaac Zida, son premier ministre, mercredi 16 septembre au palais Kosyam de Ouagadougou ? « Je n’ai pas eu de contact avec lui [Blaise Compaoré], ni avant ni après le coup d’État, a assuré Gilbert Diendéré lors d’un entretien à France 24. Il ne m’a pas appelé, je ne l’ai pas appelé non plus. » Il n’empêche que l’influence du « beau Blaise », chassé par une insurrection populaire le 31 octobre 2014, reste pregnante au Burkina Faso. On ne gouverne pas un pays pendant vingt-sept ans, de 1987 à 2014, sans y conserver des amitiés fidèles et des appuis solides.
Considéré comme le personnage « le mieux renseigné du pays », agissant sans relâche dans les arcanes du pouvoir, Gilbert Diendéré fut longtemps celui qui éventait les vrais ou faux coups d’Etat dont le régime Compaoré se disait parfois victime. Proche des réseaux français, il lui arrivait de sauter en parachute avec l’ancien ambassadeur de France, Emmanuel Beth, en poste à Ouagadougou. « Il a servi d’intermédiaire lors de la crise malienne et pendant les conflits en Côte d’Ivoire, en Sierra léone ou au Liberia, indique un spécialiste de la région. Il avait aussi un contact privilégié avec Kadhafi. »
Discret malgré sa taille – il mesure 1,95 m et chausse du 51 –, le militaire, toujours vêtu d’un treillis et d’un béret rouge, est un homme calme, timide et reconnu comme un fin stratège. Ecarté des affaires quelques semaines après la chute de son mentor, il a été démis fin novembre 2014 de ses fonctions de chef d’état-major particulier du président, puis écarté du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) – ancienne « garde prétorienne » du président Compaoré – qu’il dirigeait depuis 1987, et dont les hommes ont retenu en otage Michel Kafando et Isaac Zida, mercredi.
Malgré tout, il était incontournable lors des négociations sur l’avenir du RSP lorsque celui-ci mettait sous tension le gouvernement de transition auquel il disait « être prêt à apporter son soutien », lors d’un entretien à la radio nationale, en février. Et après la transition ? « On verra, avait-il répondu. Je me mettrai à la disposition des nouvelles autorités élues démocratiquement. »
Porté jeudi à la tête du nouveau pouvoir, le général a justifié son putsch par la « grave situation d’insécurité pré-électorale qui régnait au Burkina ». Il a assuré que les putschistes ne font pas front commun avec le Congrès pour le progrès et la démocratie (CDP), le parti de Blaise Compaoré – dont son épouse Fatou a été députée – avant d’être exclu par les autorités de transition.
Ce coup d’état a certainement mis un terme aux espoirs de l’élection présidentielle prévue le 11 octobre. Reste à savoir si Gilbert Diendéré entend maintenant rester au premier plan ? « Il n’est pas exclu qu’il profite des dissensions au sein du CDP pour se maintenir, analyse René Otayek, politologue au CNRS. Il n’a pas pris le pouvoir pour s’en défaire. »