Se frotter à ceux qui ont les leviers du pouvoir n’est jamais chose aisée ; quelques membres du courant PDGiste « Héritage et Modernité » en font aujourd’hui l’amère expérience, depuis qu’ils ont qualifié l’entourage très proche d’Ali Bongo Ondimba de « profitosituationnistes » et critiqué la gestion actuelle du pays avec un ton similaire à celui de l’opposition. L’arrestation de Serge Maurice Mabiala, jeudi dernier, apparaît comme un tir de semonce, un sévère avertissement qui pourrait amener les tenants de ce courant à mettre beaucoup d’eau dans leur vin, ou mieux, les réduire au silence.
Beaucoup de membres du mouvement mené par Alexandre Barro Chambrier pourraient certainement traîner des casseroles. Car comme leur leader, la plupart ont été aux affaires durant le règne de « papa Omar » ; l’ère du jubilé des détournements de fonds, devenus de véritables ‘’rites de passage’’ indispensables pour intégrer la sphère gouvernante. Si à cette époque, les caisses de l’État étaient détroussées sans réprimandes, les dossiers judiciaires étaient cependant congelés comme des spermatozoïdes ou des ovules attendant le temps d’usage, car comme le savent si bien les entrepreneurs du monde politique, gouverner c’est prévoir.
La prison ou le Silence ! L’arrestation d’un des membres influents du mouvement Héritage et Modernité pourrait être la preuve inaliénable que le pouvoir a des dossiers sur chaque dignitaire de ce pays. Parmi ceux que l’opinion a toujours reproché et imputé à la classe dirigeante, aux responsables politiques et aux hauts fonctionnaires, et qui occupent très souvent les premiers plans des colonnes des journaux locaux, figurent le sempiternel problème des détournements des deniers publics, dont est aujourd’hui accusé le cas qui nous intéresse…et les crimes rituels. Dans le cas des membres du parti au pouvoir, il s’agit des dossiers de crimes soigneusement gardés au frais, pour les brandir, quand la nécessité l’oblige, au visage de ceux qui auraient l’intention de critiquer la famille ou même de la quitter pour aller grossir les rangs de l’opposition.
Comment expliquer que ce n’est que maintenant que cette affaire intéresse le tribunal de Libreville, soupçonné par ailleurs d’être le fouet du pouvoir actuel ? Comment comprendre que ce n’est que quand les néo-opposants (démissionnaires du PDG) à l’actuel occupant du palais du bord de mer osent critiquer sa gestion du pays que le dossier des fêtes tournantes ressort toujours des tiroirs de la justice ? Bien sûr, les questions sont multiples. La seule réponse apparente est la justice circonstancielle. Elle ne sévit pas tout le temps, ni sur tout le monde, mais rien que sur ceux qui constituent une menace pour le régime. Entretemps, elle a tous les dossiers entre ses mains et preuves à l’appui.
« Personne ne peut adresser des injonctions au Président de la République, encore moins un élu que j’ai investi dans le cadre du parti…on ne peut pas dresser de son gouvernement un bilan jugé volontairement négatif…faire cela c’est faire le jeu de l’opposition…en politique on ne gagne pas en marquant contre son propre camp », déclarait le Chef de l’État, début juillet, devant les parlementaires du PDG. Le message sembla clair pour tous, excepté les frondeurs.
Jeudi dernier devant la Direction Générale des Recherches, le leader d’Héritage et modernité, le PDgiste Alexandre Barro Chambrier, a déclaré qu’ils ne se laisseront pas intimider et ne reculeront pas. Une détermination qui semble faire fi du passé. Le pouvoir, de son côté, apparaît aussi déterminé à faire face et à en finir avec les frondeurs qui refuseraient de faire du silence leur vertu.
Au sein de la population, cette guerre des frères semble désintéresser plusieurs, plus préoccupés par la résolution de leurs difficultés quotidiennes que par les querelles de cuisine de certains privilégiés. Il ressort néanmoins de l’avis de certains, le discours suivant : « tant mieux et tant pis s’ils se déchirent car c’est de leur faute à tous si les gabonais vivent aussi mal ».
Georges-Maixent Ntoutoume