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Les Congolais ne veulent plus de Sassou… La diplomatie s’en accommode

Tribune. Le dictateur congolais Sassou Nguesso vient d’annoncer ce mardi 22 septembre son intention d’organiser un referendum pour modifier la Constitution qui lui interdit de rester au pouvoir. Nous mettons donc en ligne cette tribune de Guillaume Desgranges et Fabrice Tarrit, administrateur et président de l’association Survie, écrite avant cette annonce et qui était sur le point d’être publiée.

Samedi 5 septembre, Anne Hidalgo s’est rendue à Brazzaville en marge des Jeux Africains. À cette occasion, elle a rencontré le président de ce petit État pétrolier, Denis Sassou Nguesso, un criminel notoire. Cette entrevue entre la maire de Paris et le dictateur congolais s’inscrit pour ce dernier dans le prolongement d’une séquence diplomatique chargée, après l’accueil le 22 juillet du ministre de la Défense Jean-Yves le Drian et une rencontre à Paris quinze jours plus tôt avec Manuel Valls et François Hollande. Une séquence visant à donner l’image d’un dirigeant normal, dans un pays politiquement stable, à la veille d’élections présidentielles tendues, prévues en 2016.

Quelques rappels historiques s’imposent sur la funeste carrière de l’homme fort du Congo-Brazzaville, parvenu au pouvoir dès 1979, après avoir dirigé les services secrets congolais. Après douze ans d’une dictature sanguinaire, en 1991, la population excédée convoque une Conférence nationale souveraine, véritables États généraux congolais, et obtient des élections incontestées. Les privilèges des compagnies françaises sont remis en cause, en particulier le monopole d’Elf. Après cinq années de complots, Sassou reconquiert le pouvoir par les armes, avec un incontestable soutien français. Car nul ne s’en cache, Denis Sassou Nguesso est l’homme de la France au Congo.

La litanie d’exactions qui suit est insoutenable, qu’il suffise d’évoquer le massacre de centaines de réfugiés sur l’embarcadère du Beach, le pillage de Brazzaville fin 97, ou le nettoyage ethnique organisé dans la région du Pool, supposée insoumise. On peut qualifier sans risque Denis Sassou Nguesso de criminel de guerre, et de criminel contre l’humanité comme l’a fait François-Xavier Verschave en 2000 dans l’ouvrage Noir Silence, qui lui vaudra de remporter un procès pour offense à chef d’État intenté par Sassou.

Aujourd’hui le Congo est en proie à de vives tensions politiques, à l’approche d’une présidentielle prévue mi-2016, à laquelle selon la Constitution congolaise, Sassou ne peut se représenter. Le clan présidentiel n’ayant aujourd’hui aucun intérêt à prendre le risque de l’alternance démocratique, un passage en force est en train de se tramer : Sassou doit à tout prix obtenir la modification constitutionnelle et s’apprête à faire au monde le coup du vieux politicien rappelé bien malgré lui au pouvoir par plébiscite [1]. Malgré les intimidations, les arrestations arbitraires, la torture, une résistance se structure et organise meetings et campagnes. Lors du dialogue national alternatif en juillet, plus de 600 personnalités congolaises se sont réunies pour préparer l’opposition au coup d’État constitutionnel.

Vu le parcours du personnage, on ne peut donc que s’indigner de voir aujourd’hui des dirigeants français serrer la main de Sassou Nguesso comme s’il s’agissait d’ un président « normal » ou soutenir, comme l’a fait implicitement l’homme d’affaires Jean-Yves Ollivier dans le journal La Croix le 26 août, qu’il faut s’accommoder de voir cet homme perdurer au pouvoir parce qu’il serait un homme fort qui garantirait la stabilité du pays. La diplomatie française ne s’est-elle pas gargarisée de cette pseudo stabilité pendant des décennies pour justifier son soutien au Tunisien Ben Ali ou au Burkinabè Blaise Compaoré, avant que ceux-ci ne soient chassés par leur peuple ? Si le Congo est en apparence stable depuis plusieurs années, la Constitution présidentielle imposée en 2002 ayant permis l’organisation supposément « régulière » d’élections grossièrement truquées, les ressources (principalement le pétrole et le bois) du pays restent exploitées dans des conditions lamentables au profit de quelques grandes compagnies et du clan présidentiel en place, dont le patrimoine est démesuré – et visé en France par l’affaire des Biens mal acquis. Quant à la population de ce pays riche, elle est l’une des plus pauvres du monde : 57 % vit avec moins de deux dollars par jour. Aujourd’hui, au Congo comme en France, ceux qui, complètement à rebours de l’Histoire, veulent faire de Sassou un homme respectable, se compromettent donc avec une dictature définitivement indéfendable.

[1] Lire « Congo-Brazzaville – Le « consensus » contre la démocratie », Billets d’Afrique n°249, septembre 2015

Par Fabrice Tarrit, Guillaume Desgranges

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